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Point de vue d'Euphrosyne, période actuelle
La pluie frappe contre les fenêtres, une mélodie monotone qui berce doucement mes pensées éparses. Assise sur le bord de mon lit défraîchi, j'écoute le vent s'engouffrer dans les couloirs de l'hôpital. Les heures passent lentement ici, chaque minute s'étirant comme un élastique usé, prêt à se rompre.
Sainte Marguerite. Un nom qui sonne comme un refuge, pourtant tout dans cet endroit est conçu pour briser les âmes. La routine est devenue ma seule certitude dans ce chaos : réveil à l'aube, prises de médicaments, repas insipides et le silence, pesant et continu, coupé seulement par les murmures des autres patients ou le grincement lointain d'une porte.
Je me perds souvent dans la contemplation des murs écaillés, cherchant des motifs cachés dans les traces d'humidité. Mais ce qui m'absorbe véritablement, c'est le ciel. Peu visible depuis ma fenêtre grillagée, il reste le reflet de mon esprit. Parfois lumineux, généralement nuageux, mais toujours présent, un rappel qu'il existe autre chose au-delà des murs.
Un bruit sourd résonne alors dans le couloir. Je me fige. Quel jour sommes-nous ? Je reconnais le son caractéristique des chariots de médicaments poussés avec nonchalance vers les chambres des patients. Ma main se porte à ma gorge tandis que je sens l'angoisse monter. Lundi. Nous sommes forcément lundi.
La bouche sèche, j'attends. Que pourrais-je bien faire d'autre ? dix secondes. Vingt secondes. Je compte. Deux minutes. Les pas se rapprochent, comme une menace. Bruits de clefs. Mes mains tremblent.
Cliquetis dans la serrure. La porte s'ouvre alors avec fracas. Deux infirmiers, imposants et aux regards impénétrables, se tiennent sur le seuil. Leur présence remplit l'espace de la chambre minuscule.
— Aujourd'hui, pas de caprice 52, aboie l'un d'eux, un rictus cruel sur le visage.
Je leur tourne le dos, rejet silencieux et obstiné. Refuser ces médicaments qui me tuent à petit feu est mon seul acte de rébellion contre la fatalité qui m'a attaché à cet endroit. Cette routine, chaque début de semaine, ne fait qu'accroitre ma colère et mon angoisse, mais je sais aussi que mon refus ne sera pas sans conséquences. Les aides-soignants de Sainte-Marguerite n'apprécient guère celles et ceux qui, comme moi, tentent de se soustraire à leurs obligations. Je sens toute leur frustration dans le silence tendu, tandis que je reste figée. Chaque seconde s'étire comme la promesse de violence à venir.
— On va pas y passer la journée, lance l'autre infirmier d'une voix lasse, mais résolue.
Je serre les dents. Mon regard toujours rivé sur le mur, comme un défi muet. Les mots me manquent. Pourtant, mon message est clair : je ne capitulerai pas facilement.
Les mains des infirmiers s'abattent alors sur moi, me saisissant avec une force brute. Je me débats, mon corps tendu par le refus et la peur. Les poings serrés, je tente de les repousser, en vain. Leurs prises sont implacables.
— Mais quelle sauvageonne ! Calme-toi donc, ce sera beaucoup plus facile et agréable si tu fais ce qu'on te dit, hasarde le premier, une menace voilée dans la voix.
— Une petite piqure pour te calmer te fera le plus grand bien ! Nous ne pouvons pas rater l'injection du traitement, continu le deuxième.
Mais une rage silencieuse me pousse à me débattre de toutes mes forces ; même si nous connaissons tous le dénouement de cette bataille. L'un d'eux tire ma tête en arrière, me maintenant par les cheveux. Son bras puissant maintient mes épaules dans une lutte sans espoir. Un cri tente de s'échapper de ma gorge sans succès. Mes mouvements, désordonnés et frénétiques, doivent leur sembler bien pathétiques. Des larmes se mettent à couler sans interruption sur mes joues. Encore une fois, ma lutte sera un échec.
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La malédiction d'Euphrosyne et Apollon [Romantasy]
Roman d'amourSe mettre une déesse à dos, ce n'est jamais bon. Mais quand celle-ci se venge et fait disparaître toute la joie dans ce monde par simple caprice, alors, le pire est à venir. Sauf si je parviens à rompre ce mauvais sort. Car toute malédiction peut êt...