13. La quête d'Apollon

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Point de vue d'Apollon


Ça y est, je suis devant la bâtisse de l'institut Sainte Marguerite. Le bâtiment semble ancien et peu entretenu, la façade est noircie et piquetée de mousse. Le ciel gris rend l'atmosphère plus glauque encore. Cela me fait penser aux lieux désaffectés qu'aiment tant visiter les humains pour se divertir et ressentir de l'adrénaline.


Le parc quant à lui paraît laissé à l'abandon. Des mauvaises herbes s'épanouissent tant dans l'allée qu'à l'intérieur d'anciens massifs. Il n'y a même pas un banc pour s'asseoir. Un soupir m'échappe. Je déteste ce genre de lieu. L'architecture abandonnée a le don d'éveiller en moi une répulsion presque instinctive. Chaque visite dans un hôpital décrépi pousse la même question sur le bout de mes lèvres – Est-ce ici que je la trouverai ? Pourtant la réponse n'a jamais été si proche. Les informations trouvées dans les archives de l'hôpital précédent me donnent beaucoup d'espoir. E.R.I.S. C'est le nom des recherches menées ici. Des recherches de quel type ? Ca je ne le sais pas encore. En tout cas, Eris ne s'est pas foulée pour le nom.


J'espère presque que la réponse à ma question soit négative, qu'elle ne se trouve pas ici. Qu'elle n'y ait été que de passage. Car découvrir Rose en ces lieux me briserai le cœur. La misère y est bien trop présente.


Pour qu'un institut se retrouve dans un tel état, je le sais, cela ne peut résulter que de deux scénarios possibles. Soit le manque cruel de financement et de subventions conduit le directeur à choisir entre le bien-être, la prise en charge de ses patients et l'entretien du lieu, soit l'argent est détourné et se perd dans les méandres de poches privées ; tandis que le bâtiment comme ses occupants, dépérissent dans l'indifférence la plus totale.


Malheureusement, en général, l'expérience m'a appris que c'est plutôt la deuxième option qui prévaut.


Un deuxième soupir m'échappe. Je ferme les yeux brièvement. L'odeur résineuse des pins environnants est rassérénante. Peut-être que ce sera aujourd'hui que je la retrouverai. Je rouvre les yeux, de la détermination dans le regard. Je déploie mes pouvoirs, scannant chaque personne présentes à l'intérieur de l'institut. Une énergie se distingue des autres faisant battre mon cœur plus fort. Je sais que cela ne veut rien dire. Ce n'est pas la première fois que cela m'arrive, certaines ressemblent beaucoup à celle de Rose. Mais je suis optimiste pour une fois. Aujourd'hui, je deviendrais psychiatre, comme tant de fois auparavant, pour découvrir si parmi les ombres hantant ces couloirs, se cache ma tendre Euphrosyne.


Marchant résolument vers le porche, je gravis une à une les cinq marches du perron et frappe à la lourde porte en bois. Une femme l'ouvre, et me conduit sans un mot, ni même un bonjour en retour, en direction du bureau du directeur. Le couloir s'étend dans une atmosphère lourde et répugnante. L'humidité semble suinter des murs. Des frissons me parcourent les bras. Une odeur âcre règne dans les lieux, qui sont très loin d'être propres. Quel endroit immonde, je ne peux m'empêcher de penser que l'intérieur est encore pire que l'extérieur. Si Rosy est ici, et l'inquiétude me submerge brusquement, je me demande dans quel état elle se trouve. Vivre ici, dans ces conditions est inhumain. Mais n'est-ce pas ce qu'avait souhaité Éris ? Je serre les poings, la colère me prenant brusquement. Je ne peux m'empêcher de ressentir une véritable haine rien qu'en pensant à elle. À ce qu'elle nous a fait. À ce qu'elle a fait à notre famille, au monde entier.


La vieille dame se retourne alors et hausse un sourcil d'un air circonspect. Je me rends compte que je me suis arrêté en plein milieu du couloir. Il faut que je me ressaisisse. Je reprends mon masque de psychiatre appliqué, et je la rejoins. L'entrée s'ouvre sur un bureau qui, a ma grande surprise, contraste fortement avec le reste de l'établissement. Luxueux, il parait extrêmement confortable. Le mobilier cossu laisse deviner un cout exorbitant. Un homme s'y trouve, habillé dans un costume de marque, d'un violet voyant absolument horrible. Une montre Rolex au poignet, les cheveux gominés, il se tient derrière son imposant bureau d'acajou finement sculpté.


— Vous êtes le nouveau psychiatre ? je ne vous cache pas que votre arrivée était extrêmement attendue. Je suis Monsieur Tisis, le directeur de cet établissement, annonce-t-il sans préambule.


Son ton semble dépourvu d'amabilité. La politesse n'est visiblement pas l'un des points forts de cette institution ne puis-je m'empêcher de penser.

— Oui, c'est exact, lui réponds-je. Mon cursus universitaire vient de s'achever, et la vacance de ce poste m'est apparue comme une opportunité à saisir. Votre secrétaire m'a informé au téléphone que la place n'était toujours pas pourvu. Me voici donc, réponds-je avec une politesse feinte.

— Je vous mets en garde. Nos résidents sont plutôt coriaces. Le travail n'est pas de tout repos. Vous semblez bien jeune... Êtes-vous sûr d'être prêts pour cet engagement ? Sa voix, empreinte de doute, m'agace légèrement.

— Ne vous fiez pas à mon apparence. Mon expérience dépasse de loin ce que vous pourriez imaginer, répliquè-je, laissant filtrer mon irritation.


Un sourire fin effleure mes lèvres fugacement. Ce que ces mortels ne comprennent pas toujours, c'est qu'être un dieu, Apollon en plus, confère une expérience et une sagesse infiniment plus vastes que celles offertes par une immersion prolongée dans la condition humaine.

— Vraiment ? ricane-t-il. Je vois. Espérons alors que vous tiendrez plus d'une semaine alors, me dit-il d'un air sarcastique. Madame Marie, je vous en prie, faites donc visiter nos locaux à Monsieur...

— Apollon.

— À monsieur Apollon, donc, nos installations ainsi que sa chambre, qui je l'espère, sera à sa convenance.


Sans un mot de plus, il s'assoit, se saisit d'un journal et commence à le lire, oubliant complètement ma présence ainsi que celle de la fameuse madame Marie, signe que l'entretien est à présent terminé.

La malédiction d'Euphrosyne et Apollon [Romantasy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant