Point de vue d'Euphrosyne
Je porte ma main à ma tempe, des maux de têtes commencent à apparaître. Je peine à me réveiller. Des images de la veille me reviennent alors avec force, et ma respiration se fait hachée. Je revis à nouveau le coup porté, la sensation du sang tiède s'écoulant dans mon cou. Mon corps se tend soudain, comme revenant à l'instant présent. Je sursaute et me redresse brusquement, m'asseyant sur le lit, les yeux encore endormis. Était-ce un rêve ? Comment est-ce possible ? La réalité me semble si distordue...
Je ne sens aucune trace de blessure, de bandage...
Inspire. Expire. Il faut que je me calme. Je me frotte les paupières et m'inspecte, prenant le temps de regarder mes mains, immaculées et propres. Mon regard se pose alors sur mon poignet. Aucune trace non plus des ongles qui s'y sont enfoncés il y a quelques heures de cela. Abasourdie, je ferme les yeux, perdue dans un océan d'incompréhension et de malaise grandissant.
Le grincement de la porte m'arrache à ma torpeur. Quelqu'un entre dans ma chambre. Je me redresse légèrement. Qui cela peut-il être ?
Apollon s'avance dans mon champ de vision et s'appuie contre le mur à une distance raisonnable de mon lit. Il triture ses boutons de manchettes nerveusement.
— Comment te sens-tu ce matin, Rosy ?
Je fronce les sourcils. Sa question résonne comme un écho lointain. Dans cet hôpital si étrange, je me sens vraiment folle pour la première fois de mon existence. Peut-être que je me trouve au bon endroit finalement ne puis-je m'empêcher de penser. Apollon s'approche lentement et s'installe sur l'unique chaise présente près du lit. Ses paroles glaçantes me reviennent en tête. "Vous avez raison, que de la vermine ! Laissez-moi m'occuper de cette fille ! Elle aura ce qu'elle mérite !".
"Pardonne moi je t'en prie. Je ne pensais pas ce que je disais tu sais."
Comment ne pouvait-il pas penser ce qu'il m'a dit ? Pourquoi est-il si gentil à présent ? L'incohérence de ses actes me perturbe encore plus. Est-il vraiment de mon côté comme je l'espérais ? Après tout... C'est un psychiatre lui aussi, je ne devrais pas l'oublier. Jamais. Je baisse les yeux pour tenter de dissimuler mes craintes.
Je remarque alors la nourriture sur la table de chevet. Le bol de soupe me parait si alléchant. Mais ne serait-ce pas une stratégie de sa part pour me piéger à nouveau ? Apollon remarque alors mon hésitation et me sourit.
— Mange, tu as besoin de recouvrer tes forces, m'encourage-t-il avec un sourire rassurant.
Je dois avouer que j'ai extrêmement faim. Je me saisis alors avidement du bol de soupe, mes mains tremblantes en renversant un peu sur le plateau.
— Doucement ! Tu vas avoir mal au ventre à manger si vite. Ne t'inquiète pas, le plateau ne disparaîtra pas, affirme-t-il d'un air amusé. Je ne te laisserais plus mourir de faim, je t'en fais la promesse.
Je rougis subitement, un peu honteuse de me comporter avec si peu de retenue avant de remettre un masque d'impassibilité.
Apollon ne bouge pas. Il continue à m'observer, comme s'il cherchait la solution à une énigme insoluble, jusqu'à ce qu'il ne me reste plus rien à manger.
Il débarrasse alors et se penche vers moi, l'air sérieux, tandis que quelqu'un toque à la porte. L'angoisse me saisit – serait-ce le cuisinier qui menace de revenir ? Mon cœur s'emballe et la couverture se retrouve instinctivement tirée jusqu'à mon nez : va-t-on à nouveau me punir pour un méfait imaginaire ? Je dois vraiment paraître ridicule. Ou bien lâche. C'est au choix. J'ai l'impression de me comporter comme une enfant.
Mais Apollon ne semble perturbé et reste calme et détendu.— Entrez, dit-il avec désinvolture, un sourire aux lèvres.
Une jeune femme passe alors la tête par la porte entrouverte. Habillée de manière décontractée, elle est pourtant l'exact opposé de toutes les femmes que j'ai eu l'occasion de rencontrer jusqu'ici. Ses cheveux roux bouclés font ressortir des yeux verts magnifiques. Son regard m'interpelle. Elle à l'air si heureuse avec son sourire chaleureux. Comme une impression de déjà vu, un air de familiarité émane d'elle.
— Rosy, je te présente Thalie. Elle va s'occuper de toi aujourd'hui et...
— Probablement tous les autres jours, si j'en juge par ton sourire, le devance-t-elle, avec une jovialité contagieuse.
— Ça n'en fait aucun doute, grommelle Apollon tout bas, si bien que je suis la seule à l'entendre et à percevoir son agacement discret.
— Mais qu'est-il arrivé à tes cheveux ? Regarde moi cette tignasse ! S'exclame alors Thalie horrifiée tout en s'approchant pour mieux voir.
Je baisse la tête, me camouflant derrière mes mèches emmêlées. Sa surprise sincère rompt momentanément la tension, mais je reste sur mes gardes. Pourquoi cet intérêt soudain pour moi ? Pourquoi seulement maintenant ? Les traits d'Apollon se durcissent, et il ne me quitte pas de vue tandis qu'il s'adresse à la nouvelle venue.
— Thalie ! La réprimande alors le psychiatre visiblement irrité.
Je ne peux m'empêcher d'être étonnée. Pourquoi est-il si en colère ? Cette femme a raison, je ne suis pas des plus apprêtée. L'ignorant complétement, lui et sa mauvaise humeur subite, elle sort élastiques et brosses de son sac, tout en m'offrant un sourire doux.
— Apollon, et si tu te rendais utile pour une fois ? Laisse donc ta chaise à Rosy afin que je puisse la coiffer. On va te mettre dans la salle de bain, face à la glace, comme ça, me dit-elle en se tournant vers moi tout excitée, tu pourras regarder ta transformation !
Apollon soupire, mais ses lèvres esquissent enfin un sourire.
Il accède à sa demande sans rechigner et revient vers moi pour m'aider. Je me lève avec difficulté, mes jambes flageolantes sous l'effort, tentant d'ignorer le manque de force qui m'habite. Apollon m'aide à me tenir debout, et je frémis légèrement à son contact.
— Tu vas bien, Rosy ? me demande-t-il inquiet.
Je ne lui réponds pas et me raccroche à la main ferme de Thalie qui me guide. Mon reflet dans le miroir montre un visage que je peine à reconnaître. Dans la salle de bain, face au lavabo, Thalie commence à démêler mes cheveux. Peut-être n'est-elle pas mauvaise finalement.
— C'est pas jojo tout ça ! Ne peut-elle s'empêcher de dire en grimaçant, peut-être pour détendre l'atmosphère. Cela ne va pas être une mince affaire... Ça va vraiment prendre un temps fou de te redonner forme humaine, enfin si je puis me permettre s'exclame-t-elle en plaisantant sur un ton familier. Non pas que je ne sois pas capable de cette prouesse, poursuit-elle en me faisant un clin d'œil dans le miroir. D'ailleurs, grâce à moi, tu deviendras vite Divine, fais moi confiance !
Divine ? Rien que ça ? À t-elle bien vu le chantier qu'est mon corps actuellement ?
Mais je dois avouer que je ressens une certaine chaleur. C'est la première fois que l'on s'occupe de moi ainsi. Que l'on prend soin de moi à ce point-là. Cela m'émeut tellement, que je sens une larme de gratitude couler le long de ma joue.
— Ici, pas de larmes, murmure-t-elle en essuyant mon visage avec une délicatesse maternelle.
Un sourire craintif naît sur mes lèvres, tandis que dans le reflet du miroir, j'aperçois Apollon qui nous observe de loin. Une lueur indéchiffrable brille dans ses yeux. La méfiance subsiste en moi, malgré qu'il ne cesse d'habiter mes pensées...
C'est alors que tout s'enchaîna très vite. Trop vite.
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La malédiction d'Euphrosyne et Apollon [Romantasy]
RomanceSe mettre une déesse à dos, ce n'est jamais bon. Mais quand celle-ci se venge et fait disparaître toute la joie dans ce monde par simple caprice, alors, le pire est à venir. Sauf si je parviens à rompre ce mauvais sort. Car toute malédiction peut êt...