17. Un air familier

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Point de vue d'Euphrosyne


Je porte ma main à ma tempe, des maux de têtes commencent à apparaître. Je peine à me réveiller. Des images de la veille me reviennent alors avec force, provoquant une vive angoisse. Je revis à nouveau le coup porté, la sensation du sang tiède s'écoulant dans mon cou. Mon corps se tend soudain, comme revenant à l'instant présent. Je sursaute et me redresse brusquement, m'asseyant sur le lit, les yeux encore endormis. Était-ce un rêve ? Comment est-ce possible ? La réalité me semble si distordue...

Je ne sens aucune trace de blessure, de bandage...


Je me frotte les yeux et m'inspecte, prenant le temps de regarder mes mains, immaculées et propres. Mon regard se pose alors sur mon poignet. Aucune trace non plus des ongles qui s'y sont enfoncés il y a quelques heures de cela. Je ferme les yeux, abasourdis, dans l'incompréhension la plus totale.

Le grincement de la porte m'arrache à ma torpeur. Quelqu'un entre dans ma chambre. Surprise, je me redresse légèrement. Mon regard s'attarde sur Apollon, debout près de la porte, l'expression empreinte d'une inquiétude palpable.

— Comment te sens-tu ce matin, Rosy ?


Je fronce mes sourcils. Sa question résonne comme un écho lointain. Dans cet hôpital si étrange, je me sens vraiment folle pour la première fois de mon existence. Peut-être que je me trouve au bon endroit finalement ne puis-je m'empêcher de penser. Apollon s'installe sur l'unique chaise présente près du lit. Je remarque alors le plateau sur la table de chevet.

— Mange, tu as besoin de recouvrer tes forces, m'encourage-t-il d'un air chaleureux.


Je dois avouer que j'ai extrêmement faim. Je me saisis alors avidement du bol de soupe.

— Doucement ! Tu vas avoir mal au ventre à manger si vite. Ne t'inquiète pas, le plateau ne disparaîtra pas, affirme-t-il d'un air amusé.


Je rougis subitement, un peu honteuse de me comporter avec si peu de retenue.

Apollon ne bouge pas. Il continue à m'observer, comme s'il cherchait la solution à une énigme insoluble, jusqu'à ce qu'il ne me reste plus rien à manger.

Il débarrasse alors et se penche vers moi, l'air sérieux, tandis que quelqu'un toque à la porte. L'angoisse me saisit – serait-ce le cuisinier qui menace de revenir ? Mais Apollon semble rester calme et détendu.


— Entrez, dit-il avec désinvolture, un sourire aux lèvres.

Une jeune femme passe alors la tête par la porte entrouverte. Habillée comme une infirmière, elle en est pourtant l'exact opposé, en tout cas si je compare avec celles que je connais. Ses cheveux roux bouclés font ressortir ses yeux verts magnifiques. Son regard m'interpelle. Comme une impression de déjà vu, un air de familiarité qui émane d'elle.


— Rosy, je te présente Thalie. Elle va s'occuper de toi aujourd'hui et...

— Probablement tous les autres jours, si j'en juge par ton sourire, le devance-t-elle, avec une jovialité contagieuse et le regard pétillant.

— Ça n'en fait aucun doute, grommelle Apollon tout bas, si bien que je suis la seule à l'entendre et à percevoir son agacement discret.

— Mais qu'est-il arrivé à tes cheveux ? S'exclame alors Thalie horrifiée en me regardant.


Je baisse les yeux, me camouflant derrière mes mèches emmêlées. L'air d'Apollon se durcit, mais son regard ne me quitte pas.

— Thalie ! La réprimande alors Apollon visiblement irrité.

Je ne peux m'empêcher d'être surprise. Pourquoi est-il si en colère ? Cette femme a raison, je ne suis pas des plus apprêté. L'ignorant complétement, lui et sa mauvaise humeur subite, la jeune femme sort élastiques et brosses de son sac, tout en m'offrant un sourire doux.


— Apollon, et si tu te rendais utile pour une fois ? Laisse donc ta chaise à Rosy afin que je puisse la coiffer. On va te mettre dans la salle de bain, face à la glace, comme ça, me dit-elle en se tournant vers moi tout excitée, tu pourras regarder ta transformation !


Apollon soupire, mais ses yeux sourient enfin.

Il accède à sa demande sans rechigner et revient vers moi pour m'aider à me lever. Mais tout se met subitement à tourner autour de moi. Il passe alors un bras autour de ma taille et me rattrape. Me soutenant, il m'accompagne dans la salle de bain près du lavabo. Thalie me regarde avec un grand sourire et commence à me brosser les cheveux.


— C'est pas jojo tout ça ! Ne peut-elle s'empêcher de dire en grimaçant, peut-être pour détendre l'atmosphère. Cela ne va pas être une mince affaire...  Ça va vraiment prendre un temps fou de te redonner forme humaine, s'exclame-t-elle en plaisantant sur un ton familier. Non pas que je ne sois pas capable de cette prouesse, poursuit-elle en me faisant un clin d'œil dans le miroir.


C'était la première fois que l'on s'occupait de moi ainsi. Que l'on prenait soin de moi à ce point-là. Cela m'émeut tellement, que je sens une larme couler le long de ma joue de gratitude.

— Ici, pas de larmes, murmure-t-elle en essuyant mon visage avec une délicatesse maternelle.

C'est alors que tout s'enchaîna très vite. Trop vite.

La malédiction d'Euphrosyne et Apollon [Romantasy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant