Chapitre 5 :

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« Ne t'en fais pas, elle finira par te l'expliquer ..., dit Anne en posant une main sur mon épaule.

—Je pense qu'il n'y a rien à expliquer. C'est officiel, je ne suis plus l'héritière de ma mère. À vrai dire, je ne l'ai jamais été, pourquoi je pensais que c'en était autrement ?

—Non, je t'en prie, ne dis pas ça. Ça va aller. »

On frappa à la porte et ma mère apparut dans la pièce. Je me levais rapidement. Elle affichait un air froid et ordonna à mon amie de sortir. Elle prit place au bureau et sembla hésiter un moment avant de reprendre la parole :

« Tu te tiens un minimum droite cette fois. Célia, sache que, ce n'est pas de ta faute. Parfois, IL prend des décisions sans nous en avertir. IL pense à notre bien, à notre bonheur. Visiblement tu ne lui convenais pas ...

—J'ai fait tout ce que vous m'aviez demandé. J'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour répondre à vos attentes, et aux SIENNES. Et ... tout ça, c'est finit ?

—Oui.

—Que ce que je vais devenir ?

—Que veux-tu devenir ? Une Prêtresse ? Une fermière ? Une guérisseuse ?

—Je n'y avais jamais songé, avant aujourd'hui ... Je pensais encore que vous trouviez une solution.

—Une solution à quoi ? Que je discute avec le Soleil Noir pour le supplier de te prendre ? J'ai essayé. Ça fait des années que je lui dis que tu es ma digne représentante. IL ne m'a pas écouté. J'avais confiance en toi. Je m'attendais à ce que tu mûrisses suffisamment et qu'il t'accorde enfin sa bénédiction.

—Je refuse de laisser ma place, répliqué-je. Je me suis entraînée toute ma vie. Je le convaincrais.

—Célia, peut-être vaut-il mieux laisser ta place. Tu pourrais sortir de ce Couvent, je te trouverais autre chose à faire.

—Non. Vous me l'avez dit un millier de fois, je dois m'endurcir. Je dois apprendre à lever la tête. Ce n'est qu'une épreuve supplémentaire. IL me teste. Je LUI prouverais que je suis digne.

—Ma fille, prononça ma mère en se levant et en s'approchant de moi. En es-tu certaine ? Je ... »

Je sentis qu'elle voulait rajouter quelque chose, mais elle se tût. Elle hocha la tête et me dit au revoir. Elle se retourna vers moi une dernière fois :

« Bon courage, Célia. »

Je peinais à calmer mes mains tremblantes. IL était toute ma vie. J'ai passé tout mon temps à apprendre sur lui, à le comprendre, à répéter les rituels ancestraux qu'IL nous avait apprit. Pourquoi ne m'aimait-il pas ? Qu'avais-je en moins que cette jeune fille qui m'était inconnue ? Était-elle plus belle ? Plus intelligente ?

Anne me rejoignit et sembla comprendre le sujet de notre conversation. Elle ne me questionna pas, mais m'invita à m'asseoir sur le lit.

« Tant qu'on reste ensemble, ça va aller.

—Merci. Je veux tout de même consulter les vieux parchemins. Peut-être qu'on y trouvera une réponse, peut-être que tout redeviendra comme avant. »

Jacqueline m'informa, les jours suivants, qu'elle ne serait plus ma tutrice personnelle. Ces derniers jours, ma mère avait accéléré les choses à propos de Diane. Elle avait même organisé une grande fête publique pour la présenter au peuple. Elle portait une robe blanche et un voile, tout aussi beau que ce que j'avais pu porter pour ma propre cérémonie.

J'y assistais aux côtés d'Anne. Je lui chuchotais :

« Il faut que je lui parle. Peut-être qu'elle ment.

—Ta mère le saurait si elle mentait. On ne croirait pas une impostrice. J'ai entendu dire qu'elle avait réussi à soulever la lourde statue de ton ancêtre. Tout le monde dit que ça fait longtemps qu'ils n'avaient pas vu une aussi belle puissance magique.

—Puissance magique ou non, elle cache quelque chose, il faut que je sache quoi. Et peut-être que le Soleil lui a parlé de moi ...

—Tu devrais oublier cette idée. Tout le monde croit que tu es morte de jalousie. Pour le moment, ta mère te protège, mais ça ne durera pas. Au Couvent, tu es LA cible.

—Que ce que tu veux dire ?

—Écoute ..., soupira-t-elle. Les autres filles te détestent, et elles me détestent aussi. Elles se taisaient jusqu'à maintenant, parce que tu es la future Grande Prêtresse et tout ça. Si elles savent que tu veux parler à Diane, elles ne vont pas te lâcher et ... faire pire que ce qu'elles me font déjà.

—Mais je ...

—Vraiment Célia, n'y pense plus. On doit se faire discrètes. Je ne veux pas plus d'ennui, c'est comprit ?

—Oui. »

Je ne pouvais pas y croire. Je n'avais jamais eu de problème au Couvent, au contraire, les autres élèves avaient tendance à m'éviter. Ce que disait Anne me perturbait.

Je lui faisais confiance, mais, savoir ce quoi pouvait avoir rêvé Diane passait au dessus de tout. Quoi qu'en pense les autres, je devais savoir. Le moindre indice était important.

Diane laissa un épais bouquet de fleurs blanches devant la fontaine sur la place du marché et se dirigea vers sa calèche avec ma mère. Il fallait que je réfléchisse à quel moment de la journée je pouvais l'interroger. Il fallait sûrement que je choisisse un moment avec le moins de chances possibles de croiser quelqu'un. Je savais quand il fallait que je tente une approche.

Quand elle serait en cours personnelle avec Jacqueline. C'est à ce moment-là que je pourrais lui parler. Mon mentor faisait toujours une pause à un moment précis de la journée, à ce instant, je pourrais me faufiler dans la pièce et je pourrais discuter seule à seule avec Diane. Ce serait peut-être aussi ma seule chance. Si je le faisais une fois, elle refuserait peut-être de me voir à nouveau ensuite. Je devais préparer soigneusement mes questions, en espérant qu'elle consente à discuter avec moi.

Pour le moment, je devais patienter. J'eus enfin l'occasion de me faufiler dans la pièce où elle avait cours Jacqueline et je pris le temps de la détailler. Ses longs cheveux roux étaient dissimulés sous un fin voile et je voyais un sourire moqueur s'étendre sur ses lèvres. Elle me fit pourtant signe d'approcher :

« Je savais que tu allais venir. IL ne me l'a pas dit, mais je l'ai deviné.

—Tu accepte de discuter avec moi ?

—Pourquoi je refuserais ? Tu as l'air de me voir comme une ennemie, je n'en suis pas une.

—J'ai seulement peur.

—Tout le monde a peur, Célia. Sauf le Soleil, lui, IL n'a pas peur.

—T'a-t-il affirmé qu'IL te choisissait ? A-t-IL dit pourquoi je ne lui convenais pas ?

—IL est venu et m'a dit d'intervenir lors de la Bénédiction, que c'était ma mission. Que je devais prendre ta place. IL n'a pas dit pourquoi.

—Et ma mère, qu'a-t-elle dit ?

—Elle ne me parle pas beaucoup, dit-elle en haussant les épaules. Elle ne m'aime pas. Elle a peur que je ne sois pas à la hauteur ...

—Pourtant, tu devrais l'être.

—Dis-moi Célia, tu es au courant que certaines prêtresses ne supportent pas les premières visions que leur envoie le Soleil Noir ?

—Oui, on m'a mit en garde.

—Pense-tu que tu resteras saine d'esprit après avoir vu sa Beauté ?

—Évidemment. Je suis prête depuis que je suis née.

—L'es-tu vraiment ? S'IL ne t'a pas choisi, tu vas perdre la tête après l'avoir vu. »

Le Soleil noirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant