« Comment je redescends ?
—Tu vole. »
J'étais restée trop longtemps ici. J'avais pu me calmer, j'avais pu desserrer encore les chaînes épaisses ancrées en moi, mais il était temps que je parte.
Je contemplais le visage humain de mon ami. Je ne le connaissais pas vraiment, même si nous avions pu beaucoup discuter. Je rougissais de culpabilité et lui souriais :
« Comment t'appelles-tu ?
—J'ai perdu mon prénom, il y a longtemps. Tu peux m'appeler comme tu veux.
—Tu n'es pas triste, de ne plus être humain ? Tu l'étais, n'est-ce pas ?
—J'ai été un homme, il y a longtemps. J'ai Grandi et vieilli ailleurs que sur ces terres. J'ai grandi loin de tout, j'ai cultivé la beauté de ma magie et ma sagesse. J'ai fait en sorte que ma vie d'autrefois ne compte plus.
—C'est très triste.
—Non. Ça ne l'est que pour ta conception humaine des choses. Je suis certain que ma lignée continue, quelque part, dit-il d'un air sévère en regardant en bas. Mon sang d'homme n'est pas perdu. J'ai longuement aimé. Maintenant, j'apprécie les choses.
—Je n'aimerais plus jamais ?
—Tu aimeras si tu le souhaite. J'ai fait le choix de ne plus aimer. L'amour est un sentiment éphémère.
—Vous ne vous sentez pas seul, ici ?
—Affreusement. J'apprécie tes venues pour combler ce vide. Le Soleil aussi se sentait affreusement seul. C'est pour cette raison qu'il a pensé à te créer.
—Je ne suis rien de plus pour lui, n'est-ce pas ?
—Tu es sa progéniture. Il a une certaine affection pour toi. Malheureusement, je ne peux pas en dire plus, j'ignore ce qu'il pense.
—Une fois que je l'aurais vaincu, je ne sais pas ce que je veux faire de ma vie ...
—Tu feras ce que tu veux. Tu seras un oiseau. Tu l'es déjà un peu. Tes ailes sont un peu entravées. Mais tu peux voler, tu peux nager, tu peux courir, tu peux ressentir. Tu possède les richesses les plus belles du monde. Tu vis. Beaucoup ne peuvent pas s'en vanter.
—Je n'ai pas beaucoup l'impression de vivre en ce moment, rétorquai-je.
—Et pourtant, tu vis à chaque pensée, à chaque respiration.
—Je vous remercie, de tout ce que vous avez fait pour moi. Mais je dois partir. J'ai une mission, des responsabilités.
—Ta mission est un honneur. Je te souhaite tout le courage. Je souhaite que tu réussisses. J'espère que tu ouvriras tes ailes et que tu voleras librement. Je t'attendrais.
—Je reviendrais. »
La création de l'esprit piailla en me regardant et s'installa sur mon épaule. J'embrassais une dernière fois cet endroit des yeux. J'avais apprit à aimer ces milliers de fleurs rouges, roses et violettes. J'aimais tant ces pierres grises et délicates. Ces pierres qui brillaient doucement.
Et que dire de cette vue unique sur les milliers d'étoiles du ciel ? Ou quand je me baisse pour regarder en bas ? Cette vision onirique me donnait presque envie de rester éternellement ici. Ici avec l'esprit et son calme. Loin du Soleil je pouvais presque oubliés que j'étais enchaînée et que les chaînes blessaient mon âme et mon esprit. Pendant un court moment, je pouvais oublier toute la peine qui cascadait sans fin en moi. J'oubliais mon courroux, ma soif de vengeance, ou la terreur qui creusait mon ventre.
J'avais pu me reposer pour la première fois depuis des mois. Je n'en m'étais pas rendu compte. Je n'avais plus réellement dormi depuis si longtemps ... maintenant, je devais partir. Je jetais un dernier regard à mon nouvel ami qui avait retrouvé sa forme spirituelle. Il baissa la tête en signe de salut.
Je rassemblais ma magie, je calmais mes émotions et j'émis un vœu. Je me sentis m'élever du sol lunaire. Je me sentis flotter dans le vide. Puis, je me dirigeais vers le petit village perdu dans la forêt de sapins près de Solisneir.
Je fus émerveillée et prise d'une passion sans fin. Le vent fouettait tendrement mon visage avec la caresse de la liberté infinie. J'ai volé avec les oiseaux et les rubans de magie du vent et de la nature. J'ai sentis les courants d'air du monde et j'ai dansé dans le ciel bleu. J'ai dansé en volant et j'ai dansé avec les oiseaux qui chantaient à mes côtés. J'ai ri avec ma petite fée. Puis, j'ai vu le village, je me suis approché du village.
Les Filles qui vénéraient l'esprit de la Lune m'attendaient. Dans leurs yeux, j'ai vu un respect que je n'avais jamais vu. Je suis doucement redescendu au sol. Elles s'étaient reculées pour me laisser la place de me poser. Je vis Diane s'approcher de moi, avec une déférence que je ne lui connaissais pas. Elle souriait :
« On pensait que tu ne reviendrais plus ... »
Elle m'enlaça et chuchota :
« Je savais que tu reviendrais. Je crois en toi. »
Je lui souriais à mon tour et je contemplais son visage. Elle avait l'air épuisée.
« Ne t'en fais pas. J'avais besoin de temps. J'ai discuté longuement avec l'Esprit de la Lune. Il m'a montré quelques petites choses.
—Nous avons reçu une femme qui vient de Solisneir. C'est ta mère qui nous l'envoie.
—Est-elle passée par la Salle ?
—Non. C'est Jacqueline.
—Il faut que je la voie ! m'écriai-je en m'écartant d'elle.
—Calme-toi. Elle se repose. Elle a voyagé durant des jours. Mais elle nous a confié un parchemin que tu devrais lire. »
Dame Justine se fraya un chemin au travers de la foule et me fit signe de la suivre. Elle me confia un parchemin. Son air était grave.
Ma mère décrivait qu'elle avait cessé de nourrir le Soleil depuis quelques temps. Malheureusement, il s'agitait de plus en plus.
« Je t'en prie, j'ai bien reçu ta fleur, mais nous ne pourrons pas le retenir plus longtemps. Les Prêtresses se dévouent jour et nuit, utilisant les derniers fragments de magie qu'il nous a confiés pour le retenir et l'immobiliser.
Nos ressources sont bientôt épuisées. J'espère que vous avez trouvé un moyen de le vaincre de tout mon cœur.
Célia, si tu n'as rien trouvé, fuis le plus vite possible. Le Soleil TE demande. Et il demande à te dévorer. »
J'arrêtais là tant l'émotion me prit et me saisit d'un coup. Je dus m'asseoir. Me dévorer, moi ? Son propre enfant ?
Je peine à affronter les chaînes qui m'enserraient. Pendant un moment, les ténèbres revinrent et je fus prise d'un énorme doute.
« Nous devons y aller, affirma Dame Justine.
—Êtes-vous prêtes ?
—Nous le sommes toutes. Nous n'attendons que ça. Nous n'attendions. Tu es en maîtrise de la magie. Tu vas nous guider.
—Je suis prête. »
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Le Soleil noir
FantasyCélia, fille de la Grande Prêtresse de Solaria, est destinée à reprendre le rôle de sa mère à la mort de celle-ci. On la prépare depuis la naissance à ce rôle. Le jour se rapproche de plus en plus, pourtant, dans un pays où le rôle d'un Dieu prévaut...