Chapitre 7 :

6 4 1
                                    


« Assied-toi. »

Ma mère m'accueillit dans son bureau. Elle semblait débordée. Je pris place en attendant qu'elle reprenne la parole. Elle sembla chercher ses mots :

« J'ai reçu un rêve. »

Elle recevait souvent des rêves. Elle était la passerelle principale du Soleil noir après tout. Ce qui m'étonnait, c'était qu'elle m'en parle. Elle n'en parlait à personne et se contentait de réunir le Conseil quand le rêve en question était important.

« Ça te concernait. »

Elle me tendit un voile aux arabesques compliquées que j'aurais reconnu entre mille. Je peinais à lever la main pour le saisir.

« On t'ouvrira les Portes, après le passage de la prêtresse Anne.

—Mais, je n'ai reçu aucun rêve, je n'ai pas été choisie personnellement.

—IL m'a transmit le message, dit-elle froidement.

—Ça me paraît inconcevable, pourquoi IL a fait ça ? IL ne l'a jamais fait.

—Je n'en sais rien. IL a été clair. IL veut te voir et te rencontrer.

—Je ne serais pas une prêtresse ?

—IL n'a rien dit là-dessus. Juste qu'IL voulait te voir. Tu devrais t'estimer heureuse.

—Heureuse ? Alors que je ne suis qu'un second choix ? Alors que je ne serais peut-être pas une prêtresse ? Je pourrais en devenir folle ...

—Ne dis pas de sottises. Au moins, IL accepte de te voir après mes supplications.

—Et donc quoi ? Je mets ce voile et j'attends mes réponses ? Je fais de nouveau croire que je serais légitimement une Prêtresse alors qu'IL ne m'a pas choisi personnellement ?

—Veux-tu bien arrêter ? cria ma mère. Je n'y peux rien. Je fais tout ce que je peux pour chercher des réponses, pour comprendre, pour supplier qu'on te choisisse. Parfois, il n'y a pas de réponses. Parfois, il n'y a que le caprice du Soleil.

—Je suis désolée.

—Je comprends ta situation. Mais, c'est une première. Et, tu peux toujours refuser cette rencontre.

—Je devrais ? »

Ma mère poussa un soupir et s'affaissa dans son siège. Elle sembla soudain avoir brusquement vieilli d'une dizaine d'années.

« Peut-être que oui. Peut-être que tu devrais te contenter d'être une servante de l'ombre du Soleil.

—Mais pourquoi ? Vous ne croyez pas en moi, c'est ça ?

—C'est en LUI que je ne crois pas ! hurla-t-elle soudain. »

Elle devint pâle et posa les mains sur sa bouche, regrettant soudain ses paroles. Je me tus, complètement sous le choc. On frappa à la porte :

« Grande Prêtresse, tout va bien ?

—Oui. Laissez-moi. »

Elle se pencha sur le bureau et prit la parole en chuchotant :

« Tu regretteras peut-être cette rencontre. C'est pour cette raison que je te dis que tu devrais refuser.

—Pourquoi ? Expliquez-moi.

—Il n'y a rien à expliquer. Prends ton voile et mets-le si tu accepte mon rêve. Ne le mets pas si tu veux bien écouter ta vieille mère. »

Elle me fit signe de sortir. J'attrapais le voile et me hâtais de retrouver Anne. Je devais lutter contre les larmes qui menaçaient de couler.

Je voulais m'enfermer dans notre chambre et réfléchir à tête posée. Il n'y avait qu'une chose qui me revenait en tête, j'étais moi aussi choisie. Qu'importe si le rêve ne me venait pas personnellement. Je prouvais enfin que toutes ces années avaient servis à quelque chose. Je LE verrais, je LE contemplerais et IL me parlera.

Tant pis si je n'avais pas mon propre rêve. Tant pis si je n'étais pas une Grande Prêtresse. IL avait accepté une rencontre. Peut-être qu'IL s'expliquerait. Peut-être que je comprendrais.

Je n'avais pas à fuir, ni à accepter ma défaite contre Diane. Le Soleil Noir m'acceptait enfin. IL acceptait que je me trouve face à LUI. C'est tout ce qui comptait. C'était tout ce que j'avais toujours voulu. Je n'aurais pas une fête aussi impressionnante que celle que j'avais été destinée à avoir, mais je me contenterais du minimum. Je me contenterais de voir le Soleil Noir. Je n'avais jamais eu d'autres buts dans la vie à part celui-là.

Anne me sourit en me voyant et se pencha vers moi :

« Que ce qui te fait marcher si gaiement ?

—Le Soleil a accepté de me voir. Je vais accomplir ma destinée.

—C'est une merveilleuse nouvelle ! Tu vois, il n'y avait pas à s'inquiéter. C'est ta mère qui a intercepté ton message ?

—Oui. Mon passage est prévu après le tien. On pourra fêter ensemble notre rencontre avec le Soleil, qu'en dis-tu ?

—Avec grand plaisir. Je suis heureuse que la situation se soit réglée Célia. Je savais bien que ça te pesait lourdement.

—Tu as raison. Mais, je me sens mieux, bien plus légère. Ma situation n'est pas tout à fait régler, ce n'est qu'une question de temps. Tu n'imagine pas à quel point j'ouvrirais les portes à Diane le cœur plus léger.

—J'imagine. D'ailleurs, on nous attend pour une dernière répétition, on devrait y aller. »

On se dirigea vers le Temple situé au centre de la Cité. Je menais Anne directement devant les Portes où nos camarades de foi attendaient déjà. On prit place et on attendit l'arrivée de Diane.

Elle portait une immense robe blanche et un voile qui masquait totalement son visage. Elle marchait pieds nus, comme il en était coutume. Elle s'approcha la tête haute et me dépassa, les yeux fixés sur les deux immenses portes qui la laisseraient entrer voir le Soleil Noir.

Elle était sublime et je dus la contempler un moment. Ma mère prit la parole, répétant le discours qu'elle m'avait déjà maintes fois. Je ne l'écoutais pas et j'imaginais ce que Diane pouvait ressentir. Elle devait préparer la douce exaltation qui précède une rencontre avec LUI.

On entonna les chants qui activèrent les runes sur les Portes. Personne n'ouvrit les Portes ce soir-là. Une impatience palpable régnait dans ce hall. La Mère Supérieure passa une nouvelle fois dans nos rangs pour vérifier nos postures et nos chants. Tout semblait parfait pour une future rencontre.

« N'oubliez pas, l'harmonie de ce chant aide le Soleil à accueillir notre prêtresse. Surtout quand il s'agit de la Future Grande Prêtresse. C'est une cérémonie très importante, ne décevez pas le Soleil. »

On fut autorisé à partir et à aller se coucher. L'excitation et l'impatience m'empêchèrent de dormir un moment. Après m'être tournée et retournée un moment, je m'endormais enfin. 

Le Soleil noirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant