Chapitre 8 :

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« Je donnerais tout pour ne pas y aller ..., marmonna Anne.

—Tu semblais pourtant impatiente de cette cérémonie, que ce qui ne va pas ?

—J'ai fait un affreux cauchemar. Le pire de toute ma vie ! Il avait l'air si réel ...

—On ne doit pas arriver en retard. Tu pourras en parler après la cérémonie.

—La Mère Supérieure serait capable de nous couper en tout petits morceaux, de nous recoller, de nous redécouper si on arrive en retard ! Tant que je me change les idées, ça me va. »

Anne m'aida à m'habiller. On se hâta de rejoindre le Temple.

Des vignes immenses ornées de fleurs blanches pendaient du plafond. Ils étincelaient de magie dorée et une cascade de fleurs s'écoulait de part et d'autre des Portes de marbres. À cela, s'ajoutait les lanternes colorées accrochées aux murs à droite et à gauche. Sur de petites colonnes blanches qui délimitaient cette petite nef, on avait enchanté des statues de prêtresses dansantes et souriantes. Des luths lévitaient en jouant une douce musique.

Je me dirigeais vers la place qui m'était destiné et j'attendis. Diane ne devrait plus tarder. Je joignis mes mains en signe de prière, le regard tourné vers l'entrée du hall d'où ne tarderait pas à surgir la jeune femme.

« Elle est en retard, chuchota Anne.

—Peut-être un problème avec sa robe ? songeais-je à voix haute. »

Diane était escortée par deux gardes. Je fronçais les sourcils. Je commençais à chanter, rejoignant le chœur d'autres prêtresses.

Ma mère attendait, près des portes et quand Diane s'approcha, elle leva les mains. Je sentis un souffle magique me traverser et courir tout le long de la pièce avant que les portes ne s'ouvrent pour laisser apercevoir des ténèbres profondes.

On m'avait longtemps expliqué quel était le sort appliqué sur l'intérieur de cette pièce. Pour celui qui se tient sur son pas, il n'y verrait que du noir. Seule la personne à l'intérieur peut y voir clair et comme en plein jour.

La future Grande Prêtresse sembla hésiter un moment. Comme si elle redoutait quelque chose. Puis, elle entra. Les Portes se refermèrent sur elle avec un bruit sourd. Diane était entrée. Elle rencontrait le Soleil. On devait à présent attendre qu'elle sorte pour savoir si elle était acceptée par LUI.

Je me tournais vers Anne et remarquais son air pâle :

« Tu veux sortir ? lui demandais-je. »

Elle hocha la tête. Sur la place devant le Temple, une foule s'était rassemblée et attendait qu'on leur donne des nouvelles de Diane. Je ne parvenais pas à détacher mon regard de cette assemblée venue pour elle. Ils semblaient inquiets.

On se dirigea vers le Couvent et on se cacha dans notre chambre. De notre fenêtre, nous pouvions toujours voir cette foule en bas du Temple. Anne ferma les rideaux et s'installa sur son lit :

« Mon cauchemar ...

—Qu'est-ce qu'il avait ?

—Il était sur le Soleil Noir, rajouta-t-elle en serrant ses bras contre elle. Il n'était pas comme je me l'étais imaginée. Dans mon cauchemar, il était terrible et monstrueux. Il jouait avec moi. C'est dingue, mais ça avait l'air réel que je m'y suis prise. »

Ses mains tremblaient. Je m'assis près d'elle :

« Ce n'était qu'un cauchemar. Tu es juste inquiète de ta Cérémonie qui arrive bientôt.

—Oui, sûrement. Mais j'ai eu si peur. Cette sensation refuse de me quitter. Et quand on était près des portes, pendant un moment ... j'ai cru qu'IL allait sortir de là. Comme s'il allait surgir de là-dedans et nous attraper pour nous manger. C'est stupide, je sais.

—Ce n'est pas stupide. Un cauchemar ça ne se contrôle pas. Mais tu dois arrêter d'y penser. Lors de ta Cérémonie, ce sera différente. Ce sera une aussi belle journée que pour Diane. C'était si beau. Cette cascade de roses blanches, ces statues chantantes ...

—Nous n'aurons pas quelque chose de si extraordinaire.

—Je te trouverais une rose blanche, tu verras. Quand tu sortiras, tu pourras la sentir, ou enlever toutes ses pétales pour les lancer au dessus de nos têtes. Je chanterais ta gloire et ta beauté ! Ce ne sera pas si extraordinaire, mais je serais là.

—Que ferais-je sans toi ?

—Pleurer sur ton sort et ton cauchemar ? répliquai-je en ricanant.

—Quand penses-tu qu'elle va sortir de là ? On raconte que ta mère avait passé toute une journée avec LUI.

—Je n'en sais rien. On verra bien. »

Le temps que j'affirme cela, on entendit des hurlements de bonheur venant de la foule. On se leva en vitesse pour se poster à la fenêtre.

« C'est elle. »

Diane, dans son immense robe blanche, avait retiré son voile et souriait à pleines dents aux gens. Elle les saluait et de ses mains s'écoulaient une énergie magique magnifique. Elle bénissait les gens venus à sa rencontre.

« Ça, c'est de la belle magie ..., laissa échapper Anne. »

Il fallait du temps pour maîtriser la magie que vous confiait le Soleil. Ma mère a mit des mois. Pourtant, Diane semblait y arriver sans le moindre effort. Je contemplais cette lumière surnaturelle qui dansait au dessus des gens. C'était merveilleux.

« Quand je pense que nous n'aurons qu'un fragment de ce qu'elle peut faire ...

—C'est suffisant, si je peux lancer un petit sort je serais satisfaite, ajouta mon amie. »

C'est vrai, tant que je pouvais toucher cette sensation bénie, cette essence évanescente de pure Soleil. C'est ce que je voulais du plus profond de mon cœur. Je voulais être si près du Soleil qu'IL me confie un fragment de son immense être.

« Elle retourne au Temple, sûrement à sa chambre. Elle était épuisée, encore plus après les bénédictions.

—On va l'entendre demain, je suis officiellement la Grande Prêtresse du Soleil. Croyez en moi !

—Bonne imitation, fit remarquer Anne. Mais je pense qu'elle sera plus humble. Après une rencontre avec le Soleil, tu te fais plus petite.

—Ça m'étonnerait que Diane redescende de là-haut. Elle a enfin ce qu'elle voulait, elle sera infernale. Je ne veux certainement pas la recroiser, dis-je en frissonnant.

—Peut-être que tu ne la verras plus jamais. Peut-être que tu ne la croiseras que de loin. De toute façon, quand tu n'auras plus ton voile, peut-être que personne ne se souviendra plus de toi.

—Ce serait horrible ...

—Ou peut-être pas. Tu ne trouve pas ce voile pesant, parfois ? Tu vis dans la peur qu'on voit ton visage avant que le Soleil ne puisse le contempler, mais c'est stupide, non ?

—Ce n'est pas stupide, affirmé-je.

—Ce n'est que ton visage Célia. Le Soleil peut voir ton âme, ton essence la plus secrète, qu'IL en a à cirer d'un faciès ?

—Tais-toi. J'ai comprit ... »

Je détournais le regard de celui de mon amie. Elle n'avait pas à dire une telle chose sur le voile que j'avais accepté de porter depuis les premiers mois de ma vie. Ma mère m'avait offert la plus grande richesse qu'une jeune fille pouvait rêver. J'offrirais au Soleil la beauté de contempler mon visage le premier, je LUI offrirais de pouvoir poser son bienveillant regard sur moi en premier. Personne d'autre n'aurait ce privilège, à part LUI. IL le méritait.

Anne ne commenta pas, mais son regard se perdit dans la foule qui se dissipait au pied du Temple. Je ne voulais pas la blesser, ni me disputer avec elle, mais personne n'avait le droit de critiquer le plus grand honneur qu'on ne m'ait jamais fait. 

Le Soleil noirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant