Épilogue

24 3 11
                                        

Temps de lecture : 06 minutes.

⎯⎯⎯

𝐉e reste là, à me triturer les doigts, baissant les yeux sans savoir comment les relever. Je ne sais plus comment regarder les gens dans les yeux, comme si j'étais encore bloquée d'une certaine manière. À chaque fois que je croise leur regard, tout se bouscule dans mon esprit : j'imagine ce qu'ils pensent de moi, je ressens leur jugement sur ma peau et leur amusement dans mes oreilles. Je ne suis pas assez forte pour affronter ce qui m'entoure, alors je continue de me replier dans ma propre bulle.

C'est ce qui a toujours fonctionné, et ça continuera de fonctionner jusqu'à ce que je permette quelque chose de différent. Pour l'instant, je ne vois pas d'issue possible. Je ne peux pas changer ce qui est en moi, ce qui est ancré, ce qui est gravé dans mon cœur.

Je ne peux pas changer ce qui m'a transformée.

- Comment te sens-tu depuis notre dernière séance ?

Je sais qu'elle s'attend à ce que je lève la tête pour lui parler, mais je n'y arrive pas. Je sens cette frustration en moi, ce besoin de dire quelque chose, mais suis incapable de le faire. C'est comme si j'avais érigé des barrières autour de moi sans le vouloir et que je devais maintenant les affronter sans savoir comment les surmonter.

J'ai peur de rester ainsi toute ma vie, de ne jamais retrouver cette normalité en moi. Je doute que ce soit possible. Après ce qui s'est passé, après ce que j'ai fait, après ce que mes parents ont vu, il n'y a plus de « normalité » à proprement parler. Il y a seulement une nouvelle réalité que j'ai du mal à comprendre.

C'est difficile, c'est vrai, de ne pas savoir quelle direction prendre. Je suis perdue, complètement désemparée. Peut-être que si on me donnait une indication, je pourrais enfin m'en sortir.

- Tu sais, Aelia, tout commence avec toi. C'est toi seule qui peut te permettre d'aller mieux. Alors, j'ai besoin que tu me parles, peu importe ce que tu souhaites dire. Je suis là pour t'écouter.

Je reste silencieuse. Peut-être que ça contribue à mon mal-être. Peut-être que c'est la raison pour laquelle je me sens aussi mal. J'ai l'impression de lui faire perdre son temps, d'être inutile. Je ne me sens pas assez courageuse, pas assez bonne.

J'essaie de trouver en moi une capacité, mais je n'en trouve aucune. Je tombe dans le vide. Je suis dans le vide. Il y a ce trou en moi qui ne peut être comblé, une partie de moi qui a été volée et que je ne parviens pas à retrouver. Je ne comprends pas ce sentiment. Je ne sais pas d'où il vient.

Ce que je sais, c'est qu'il est là. Qu'il y a quelque chose qui me manque, mais j'ignore sa nature. C'est comme si on m'avait dérobé quelque chose. Quelque chose dont je ne me souviens plus. Et c'est ça qui est le plus douloureux. Je n'arrive pas à affronter cette douleur-là.

Depuis que je me suis réveillé dans cette chambre d'hôpital, je sens qu'il y a quelque chose qui ne va pas chez moi. Je suis consciente qu'une transformation s'est opérée depuis ce jour-là.

Au début, je ne comprenais pas ; j'étais confuse. Je pensais que c'était juste le choc, que ça passerait. Cependant, deux mois se sont écoulés et je me trouve toujours dans le même état. Je n'arrive pas à comprendre ce qui m'arrive. On m'a dit que j'étais restée inconscient pendant plusieurs heures avant de reprendre connaissance.

On m'a retrouvé allongée par terre au bord du pont, le plus haut de la ville, celui que j'avais choisi spécifiquement. Je me souviens de ce qui s'est passé là-bas. Je croyais avoir sauté, pensais avoir chuté. Mais apparemment, rien de tout ça ne s'est produit. Tout ça n'était que dans mon imagination.

A Life Without MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant