A Life Without Me

06. Claque

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𝐍ous avons parcouru le trajet en voiture dans un silence total, simplement ponctué par la radio. J'ai pu ainsi constater que les artistes populaires restaient les mêmes et que ma mère avait toujours autant d'aversion pour la musique pop, préférant le RnB. Bien que nous n'ayons pas échangé pendant le trajet, j'ai beaucoup apprécié ce moment à deux où j'ai simplement pu retrouver une partie de la mère que je connais. C'était libérateur, je dirais.

Je sais qu'elle est stressée et, pour être honnête, je la comprends parfaitement. Je suis bien consciente qu'elle a du mal à accorder sa confiance à une fille qui a débarqué chez elle avec ses propres clés et qui prétend être sa fille – je me demande d'ailleurs ce à quoi elle est en train de penser. Je ne sais pas si elle a accepté de faire ça de son plein gré ou si elle pense que c'est la seule chose à faire face à quelqu'un comme moi.

J'espère sincèrement ne pas l'avoir – trop – effrayée.

Il est tout juste neuf heures lorsque nous arrivons devant le lieu de travail de mon père, son entreprise. Tout semble vaste sous cet angle, lorsque nous nous trouvons aussi bas. Je ne crois pas avoir un jour pris le temps de contempler ce bâtiment, principalement parce que je ne venais qu'en voiture avec mes parents, en utilisant le parking souterrain réservé aux employés. Je n'avais jamais pris le temps de considérer la grandeur et l'éclat de l'endroit.

Du haut de cet endroit, je me suis toujours sentie bien plus grande que je ne l'ai jamais été. D'en bas, c'est tout le contraire. Cet immeuble m'étrangle, il me suffoque du fait de son immensité qui écrase chaque passant alentour. Et je pense que c'est précisément le sentiment que ma mère ressent.

Elle serre ses mains sur le volant tout en fixant l'immeuble vitré devant nous. Elle est nerveuse concernant l'endroit, tout comme elle l'est de la rencontre qu'elle y fera. Je crois que je suis dans le même état à l'anticipation de voir mes parents se réunir. J'ai un peu peur de savoir comment il va réagir – autant face à ma mère que face à moi. À vrai dire, je crains surtout la façon dont il va agir auprès de ma mère.

Il ne se souviendra certainement pas de moi.

Je jette un coup d'œil à ma mère, m'assurant de son état actuel. Voyant ses phalanges blanchir à nouveau, je pose ma main sur les siennes, la faisant tourner son regard vers moi. Je ne sais pas ce qu'elle essaie de me dire à travers ses yeux ; peut-être tente-t-elle de me convaincre que tout va bien pour elle, même si je sens que ce n'est pas le cas.

Ou peut-être remet-elle tout en question, se demandant si suivre une inconnue jusqu'ici était vraiment une bonne idée.

Finalement, elle secoue la tête, puis prend une inspiration qui lui permet enfin de sortir de la voiture. Je la suis peu de secondes après, claquant la porte derrière moi tout en levant la tête pour continuer mon inspection de l'endroit. Yep, je me sens vraiment comme une fourmi, là, tout de suite. Je frotte ma veste, comme si ça pouvait m'aider à trouver du courage, puis avance droit devant, ma mère à mes côtés.

J'ignore à quoi je ressemble aux yeux de ma mère lorsque nous arrivons à la réception. Je porte les mêmes vêtements depuis hier soir sans avoir pu les changer. J'ai pris une douche ce matin, mais je n'ai pas osé l'importuner plus longtemps en lui demandant de me prêter des vêtements.

Ma mère, quant à elle, semble s'être mise sur son trente-et-un et je ne peux m'empêcher de penser qu'elle le fait en partie parce qu'elle va retrouver mon père. Je ne peux pas en être certaine, mais c'est une supposition qui me semble bien plus que probable étant donné les circonstances.