11. Conflit

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Temps de lecture : 14 minutes.

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𝐂'est difficile de pleinement saisir la situation et de comprendre tout ce qui se passe. Je suis encore sous le choc de ce qu'Idir m'a appris il y a quelques jours : il est coincé dans une boucle temporelle dont il ne peut pas s'échapper. Je pensais qu'en me réveillant, je réaliserais que tout ça n'était que le fruit de mon imagination, et que, plongée dans cet autre monde, j'avais commencé à inventer des choses.

Toutefois, maintenant que je suis chez lui et qu'il répète les événements avant qu'ils ne se produisent, je comprends que c'est bien réel et que je suis peut-être en train de devenir folle. C'est bien ça, n'est-ce pas ? Je veux dire, je peux accepter l'existence de mondes parallèles, surtout un comme celui-là. Mais les boucles temporelles ? Non, c'est impossible. C'est carrément flippant.

Idir est capable de réciter tout ce que son voisin dit et de me donner des informations télévisées sans se tromper sur la moindre donnée. Il ne peut pas faire semblant d'une telle chose.

Impossible.

— Depuis combien de temps tu es coincé ici ? lui demandé-je en m'asseyant sur son canapé.

Il soupire avant de s'adosser au mur.

— Deux mois, environ.

Il est là depuis bien plus longtemps que moi. Je me demande ce qu'il a pu ressentir pendant tout ce temps. À quel point ça l'a-t-il torturé ? À quel point en a-t-il souffert ?

Deux mois, c'est long. Deux mois sans que rien ne change, c'est très long. Je ne sais pas si j'aurais pu tenir deux mois ; je ne sais pas comment il fait. Comment est-ce possible de tenir le coup aussi longtemps ? Comment a-t-il pu le faire sans perdre la tête ? N'importe qui serait devenu fou et aurait baissé les bras bien avant lui.

— As-tu une idée de ce qui a pu se passer ? De comment ça a pu arriver ?

Il croise les bras en me regardant. Depuis que je lui ai demandé de m'amener ici, il a perdu toute sa bonne humeur. J'ai l'impression d'avoir absorbé toute sa joie, et je m'en veux. Il est sûrement blessé que j'aie besoin de toutes ces preuves pour le croire, mais il ne peut pas non plus m'en vouloir d'être un peu sceptique face à la situation. N'importe qui le serait.

— Non. Je n'en ai aucune idée. Un jour, ma vie est normale, et le lendemain, je me réveille et la même journée se répète. Crois-moi, j'ai essayé de trouver un facteur déclenchant, de déterminer un point de départ. Mais je n'ai rien fait de spécial ce jour-là ; c'est ce qui rend tout ça bien plus difficile. Rien ne se passe.

— Tu devrais vraiment prendre ton temps pour réfléchir, répliqué-je en glissant mes mains sous mes cuisses. Il faut que tu examines chaque détail. Il n'y a rien ? Rien que tu aurais pu faire d'inhabituel ?

Il se détache du mur en me lançant un regard noir.

— Tu crois que je n'ai pas déjà fait ça ? Tu crois que je suis resté les bras croisés tout ce temps ? J'essaie ! J'ai déjà essayé de trouver une solution ! Tous les détails, toutes les conversations, tout ce qui pourrait m'aider, je l'ai déjà cherché. Et ça ne m'a rien donné !

Je baisse les yeux.

— Je suis désolée. Je ne voulais pas–

— Écoute, je veux juste rentrer chez moi, OK ? murmure-t-il d'une voix cassée. Je veux juste revoir ma mère et mes sœurs. C'est tout ce que je veux.

Mon cœur se serre en l'écoutant. Je hoche la tête, incapable de trouver la moindre réponse à ses supplications. Je veux l'aider, c'est vrai, mais je ne sais pas par où commencer. Je suis aussi perdu que lui – voire plus. Tout ce que je sais, c'est que je ne peux pas le laisser comme ça. Je ne peux pas rester les bras croisés en le voyant souffrir de cette manière. Je sais que je dois faire quelque chose, n'importe quoi.

A Life Without MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant