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𝐒ous le voile de la nuit, je tente de retrouver mon chemin vers le pont, mais à mesure que j'avance, ma vision s'obscurcit. Je ressens une force invisible qui semble me retenir à chaque pas que je fais. Je force pour m'éloigner de l'appartement, mais la fatigue envahit rapidement mon corps, m'obligeant à m'arrêter brusquement.
Je reste là, immobile, observant les environs. J'apprécie vraiment ce quartier. C'est un endroit magnifique. Mes parents ont choisi de s'y installer peu après ma naissance en raison de sa sécurité et de son environnement idéal pour les enfants. Je pense que c'est ce qui le rend si spécial. C'est le seul endroit où je me sens vraiment en paix. C'est le seul endroit où je me sens en sécurité.
Quand la nuit est à son plus sombre et que le monde est endormi, être ici, dans le parc, me permet enfin de respirer. Je peux vider complètement ma tête et simplement oublier.
C'est exactement ce dont j'ai besoin.
Cependant, je suis incapable de le faire. Je ne sais pas si c'est à cause de la frustration qui monte en moi, ou peut-être parce que je suis toujours à bout et que je ne parviens pas à trouver du positif dans la douleur, mais les larmes recommencent à couler. Je déteste pleurer. Je déteste ne pas pouvoir retenir mes sanglots.
Tout au long de la journée, je m'efforce de tout contenir et de ne jamais rien montrer. J'essaie de ne pas laisser le monde voir à quel point la peine est forte, tout en espérant qu'il puisse entendre ma souffrance. Peut-être est-ce là mon erreur. Peut-être est-ce là ma stupidité – espérer qu'ils puissent comprendre ce que j'essaie de leur cacher.
Parce que j'ai honte, je cache. Parce que je cache, personne ne me voit. Et parce que personne ne me voit... je ne tiens plus. Seule. Je le suis. Encore. Aujourd'hui. Hier. Demain. Je suis toujours seule. Et ça me fait tellement mal.
Il n'y a rien de plus ironique dans ma situation. J'entends ces gens qui disent que je devrais parler. J'essaie de les écouter. Mais quand il s'agit de passer à l'acte, comment faire ? Je ne sais pas m'exprimer, et c'est bien pour ça que tout s'est déroulé de cette manière.
Les gens s'attendent à ce que l'on soit courageux pour faire ce qui est mieux. Le courage s'acquiert, et je n'en ai jamais trouvé le secret. Les bras serrés contre moi, je me pince inconsciemment le biceps, comme pour me maintenir dans la réalité parce que je sais ce que mon imagination est capable de faire. Elle peut me ramener en arrière, elle peut réveiller des souvenirs et les utiliser contre moi. Et ce n'est certainement pas ce dont j'ai besoin, pas maintenant.
Mon cœur saigne déjà sous les coups que je lui ai donnés. Je ne pourrais pas survivre à une autre épine dans la poitrine.
D'un geste de manche, je nettoie ma joue, effaçant toute trace de faiblesse. J'inspire profondément et cligne des yeux pour empêcher d'autres larmes de se former. Lorsque je pense m'être suffisamment calmée, je bloque toutes mes pensées pour me concentrer sur celles dont j'ai besoin.
Je viens d'être renvoyée de chez moi et je n'ai nulle part où aller. Je dois relativiser tout ça, n'est-ce pas ? Je dois voir le bon côté des choses, même quand il semble qu'il n'y en ait pas. Je ne dois pas baisser les bras. C'est bien ce qu'on dit, non ? C'est ce qu'on ne cesse de nous répéter : arrêter de se focaliser sur le négatif quand il y a tant de positif autour de moi.
Parce qu'il y a tant de positif, n'est-ce pas ? Je devrais être reconnaissante d'être en vie, de pouvoir respirer normalement, de ne pas avoir de problèmes de santé, d'avoir une parfaite mobilité. C'est sur ces choses-là que je devrais me concentrer, n'est-ce pas ? Je devrais être fière de ne pas me trouver dans une situation où j'aurais dû me battre pour survivre.

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A Life Without Me
Teen FictionEt si elle n'avait jamais existé ? Aelia, épuisée et désespérée, se tient au sommet du plus haut pont de la ville, prête à mettre un terme définitif à ses souffrances. Pourtant, lorsqu'elle effectue ce dernier pas, elle se retrouve inexplicablement...