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𝐉'ai un moment de pause, un instant où je considère vraiment ses mots et me demande pourquoi elle semble si sincère dans ses propos, pourquoi j'y perçois de la confusion et de l'impatience plutôt que de la haine. Je n'ai pas l'impression qu'elle feigne de ne pas me connaître, pas tout de suite.
C'est même tout le contraire.
Je fais un mouvement de recul, fronçant les sourcils. Ses yeux sont perdus et elle m'observe comme si je venais d'ailleurs ; ce n'est qu'à cet instant que je remarque son regard vide. Il n'y a aucune émotion ; seulement de l'incompréhension. Un coup atteint mon cœur, une brûlure tellement forte que je suis obligée de toucher ma poitrine pour l'apaiser.
Soudain, j'ai l'impression de flotter. C'est comme si j'étais propulsée dans les airs, incapable de trouver le moindre repère pour atteindre le sol. Je vole sans destination, percutant le moindre obstacle que je rencontre. En reculant toujours, je manque de trébucher, mais me retiens à la dernière seconde. Mon attention reste fixée sur ma mère, mais je ne peux pas contenir la panique en moi.
— Je... Je dois partir, bafouillé-je, tapotant le mur derrière moi avant de me retourner.
— Attends ! m'interpelle-t-elle lorsque j'atteins la porte. Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qui t'arrive ?
Je secoue la tête.
— Je... Je ne sais pas.
Elle me tient le bras fermement, m'observant désormais avec une expression inquiète. C'est une expression que je n'ai pas vue depuis longtemps ; ça fait longtemps que ma mère et moi ne vivons plus sur la même planète. La plupart du temps, elle et mon père ne sont pas à la maison. Et lorsqu'ils le sont, il n'y a rien de tout ça, rien de cette profondeur que je retrouve dans ses yeux.
Ça fait tellement longtemps que je ne leur ai pas parlé sincèrement que je me demande si je l'ai jamais réellement fait. Tout reste en surface, comme si nous étions deux inconnues l'une pour l'autre. Je ne suis pas sa fille, mais simplement quelqu'un qu'elle héberge. Il n'y a plus aucune connexion entre nous, et le temps où j'étais une enfant me manque. Au moins, là, j'étais trop innocente pour comprendre la notion d'amour.
Au moins, là, j'étais encore innocente.
— Assieds-toi deux secondes, me conseille-t-elle en m'entraînant avec elle dans le salon, là où elle me dépose sur un canapé. Reste ici, d'accord ? Je vais te chercher quelque chose à boire.
J'acquiesce sans rien ajouter, me mordant la lèvre inférieure en me laissant retomber dans le canapé. J'inspire profondément, laissant mes pensées se reposer quelques secondes. J'essaie de comprendre ce qui est en train de se passer, j'essaie de mettre du sens sur la situation.
Ma mère ne semble pas me reconnaître. Comment est-ce possible ? Est-ce que je me suis cogné la tête au point d'en perdre la raison ? Et si j'avais perdu toute notion et m'étais trompée d'appartement et de personne ? Mais comment ça peut-il même être possible ? Je suis persuadée de vivre ici et je sais qu'elle est ma mère. Je ne peux pas me tromper sur ça. Impossible. Non, il y a quelque chose qui cloche. Est-ce que ça a quelque chose à voir avec la lettre ? Ça doit forcément être le cas, n'est-ce pas ? Je ressors immédiatement le papier et en lis les premières lignes.
Un test. Qu'est-ce que ça signifie ?
— Tiens, intervient ma mère en me tendant un verre d'eau.
Je la remercie en le prenant, le portant immédiatement à mes lèvres. J'en bois une petite gorgée avant de le poser sur la table. Ma mère me surveille d'un œil attentif, s'installant à l'autre bout du canapé en L.
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A Life Without Me
Novela JuvenilEt si elle n'avait jamais existé ? Aelia, épuisée et désespérée, se tient au sommet du plus haut pont de la ville, prête à mettre un terme définitif à ses souffrances. Pourtant, lorsqu'elle effectue ce dernier pas, elle se retrouve inexplicablement...