Elena
Mon attention se porte sur le second du gang. Surprise, je ne suis pas certaine de comprendre ce qu'il me demande réellement.
— Retire lui.
— Je....
— Aucun de nous ne peut le faire et n'a les connaissances suffisantes. Tu l'as dis toi-même, il faut agir vite.
Je regarde Kent, toujours inconscient, puis Devon. ma tête fait la navette entre ces deux hommes, indécise quant à la décision que je dois prendre.
— S'il te plait.
L'atmosphère est lourde, chargée d'une tension palpable. Je ne sais pas ce qui me prend. J'opine de la tête donnant mon assentiment à cette folie qu'il me demande.
Dois-je leur dire que je n'ai jamais fait ça ?
L'adrénaline prend le pas sur l'appréhension de faire un geste que j'ai vu des milliers de fois mais que je n'ai jamais du réaliser à l'hôpital. J'énumère une liste de tout ce qu'il me faut comme de l'antiseptique, une pince, un couteau bien aiguisé.
Le doute me gagne un court instant lorsque l'on m'apporte une bouteille de rhum. Je comprends qu'ils n'ont pas d'antiseptique et que ça sera ce qui me servira de désinfectant pour les plaies. Je suis tentée par le fait de prendre une grande lampée. Juste pour me donner du courage. Il me faut toute ma force de caractère pour ne pas flancher.
L'avantage d'un patient inconscient c'est l'immobilité. Sans anesthésiant, la douleur peut le faire se réveiller à tout moment ou activer des zones de réflexe. Je demande donc à ce que deux personnes restent à mes côtés afin de réagir au plus vite si Kent reprend conscience. Mes gestes sont rapides mais mesurés, une danse entre la vie et la mort s'enclenche au bout de mes doigts.
La pince à épiler glisse entre mes doigts qui se colorent du sang de mon patient. Elle finit par s'insérer lentement dans la plaie aidé par l'agrandissement de la plaie que j'ai dû effectuer avec un couteau de cuisine..Je sens les regards dans mon dos, il n'y a plus un bruit dans la pièce. Lorsque je brandis un premier éclat de balle puis un second j'exulte. C'est fait ! Victorieuse, je me retourne vers les hommes de la pièce. Je lis du soulagement et un soupçon de reconnaissance.
Un raffut se fait entendre au bout de la pièce, puis un petit homme grisonnant avec une longue barbe blanche se précipite dans ma direction. Il est suivi de près par le geek qui revient avec le fameux kit de transfusion à la main.
— Je suis là poussez-vous !
J'aurais presque envie de rire face à la situation. Je comprends que c'est le fameux "Doc". A quelques minutes près je n'aurais pas eu à effectuer cette opération improvisée. Le nouvel arrivant se penche et observe mon travail.
— Beau travail mademoiselle. Si vous voulez bien, je vais prendre la suite.
J'acquiesce. L'adrénaline retombe et je me rends compte de ce que je viens de faire.
Je m'éloigne quelque peu de la table d'opération improvisée. Rapidement je suis rejointe par Devon qui m'observe intensément.
— Merci. S'il s'en sort, ça sera grâce à toi.
— Je... c'est normal.
— Si tu le dis. Tu extraies souvent des balles ?
— Non... c'était la première fois. Je n'ai jamais eu à intervenir de la sorte... jusqu'à maintenant.
Au regard qu'il me lance, je lis l'énormité de ce qu'il vient de se produire. A cet instant je ne sais pas s'il veut me remercier, ou m'étrippler d'avoir pris le risque de tuer son ami. La seule chose que je sais c'est que j'ai suivi son ordre. " Fais-le". J'essaie de me convaincre que je n'ai pas eu le choix et que s'il ne s'en sort pas je ne serai pas totalement responsable.
Foutaises
Les heures passent, nous attendons tous que Kent finisse par se réveiller. Bones, le geek, a pu donner de son sang. Le rythme cardiaque du blessé est désormais plus régulier. Pour un club de motards, ils sont assez bien équipés, un ECG professionnel portable est sorti de nulle part.
Mon pied tape, sans que je ne puisse le contrôler, sur sol. C'est agaçant, je le sais, mais je ne parviens pas à être sereine face à la situation. S'il ne s'en sort qu'adviendra-t-il de moi ? Pratiquer une telle intervention sans préparation, ni lieu stérile est clairement un acte inconscient. Je suis inconsciente. S'il meurt, ce sera de ma faute. Je pourrais dire au revoir à ma petite carrière mais également à mon âme. Avoir son sang sur les mains est inconcevable.
***
Le petit matin se lève quand j'entends des voix s'enhardir. Je me suis assoupie sur l'une des chaises de la salle. Ma nuque est douloureuse, la position que mon corps a pris pendant ce court instant de répit va me coûter sur les heures à venir.
Je me relève, doucement. Devon, jamais loin, me scrute et m'intime de m'approcher.
L'ambiance paraît bien plus légère. J'en déduis facilement que Kent est toujours en vie et qu'il a repris conscience.
Arrivée à hauteur du grand brun je ne peux me retenir de le regarder. Ses traits sont tirés, visiblement lui n'a pas dormi. Son t-shirt est marqué par les traces rougeâtres des dernières heures. Malgré tout, il reste... beau.
— Le Doc est reparti. Il compte sur toi pour que tu puisses t'occuper de Kent le temps qu'il se remette sur pied.
— Ok.
— Tu ne m'implore pas pour partir ? Pour rentrer chez toi ?
— Peut-être plus tard? tenté-je
Il s'esclaffe, mais ne rebondit pas plus.
Reprenant l'excuse parfaite qu'il m'a donnée quelques instants plus tôt, je me dirige vers mon blessé. Les gars qui l'entourent me laissent passer. Leurs regards ont changé. Je ne lis plus d'hostilité mais une sorte de reconnaissance. Comme si le fait de sauver l'un des leurs m'avait fait gagner une partie de leur respect. Je pense que ça n'aurait pas été la même si Kent ne s'était jamais réveillé. Je n'ose même pas imaginer le sort auquel j'aurais eu droit. Je chasse rapidement ces idées de mon esprit.
— Hé! Contente de te revoir parmi nous.
Le mastodonte me regard, l'étonnement peint sur son visage.
— Cette nana t'a sauvé mec ! Si t'avais vu comment elle a inséré la petite pince à épiler d'Alana dans ton torse pour retirer deux morceaux de balle ! C'était gore !
À la grimace que fait Kent je pense que ce genre de détail n'étaient pas utiles.
— Waren, dégage de là, l'apostrophe le blond qui m'a aidé avec le corps inerte de Kent lors de mon examen préliminaire.
Décidément, il les cumule. J'aurai presque un petit pincement au coeur. Son gang ne l'épargne pas. Ce gars a tout d'un type bien, et je pense ça sans arrière pensée. La journée passée à ses côtés et la légèreté de notre échange était vraiment appréciable. Sans la blessure de Kent j'aurais pu me retrouver bien loin de ce petit monde, grâce à lui. L'heure n'est plus aux regrets. J'ai fait un choix et j'ai l'intime conviction que c'était le bon, sans quoi je n'aurais pas été capable de me regarder dans une glace.
— Merci.
La voix de Kent me ramène à l'instant présent.
—C'est ... normal.
Ses sourcils se froncent d'incompréhension. Mais je lis une sincère reconnaissance dans son regard.
— C'est une sorte de prêté pour un rendu .. tu sais mes cauchemars, ajouté-je, et quand tu es présent pour me sortir de mes torpeurs, chuchoté-je suffisamment bas pour ne pas être entendue par les autres motards.
Le doute s'installe sur son visage. J'ai peur de ce qu'il va me dire quand il ouvre la bouche après un long silence.
— Je ne sais pas de quoi tu parles.
Il n'a jamais aligné autant de mots en ma présence. Et pour la première fois depuis que je me retrouve avec lui, j'aurais voulu qu'il s'abstienne, qu'il ne me dise rien.
VOUS LISEZ
Black Shadow : l'écho des secrets [en cours de réécriture]
Romance/! \ Destiné à un public averti /! \ Dans un monde où les secrets peuvent tuer et où l'amour s'avère être une arme à double tranchant, Elena, une jeune infirmière, se retrouve plongée dans l'univers dangereux des bikers après son kidnapping. Sauvée...