Chapitre 26

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Elena

Je supplie intérieurement pour que ce vacarme cesse. La douleur est si intense que j'ai l'impression que ma tête va éclater, comme si un marteau-piqueur perforait mon crâne de part et d'autre. Lorsque j'arrive finalement à ouvrir les yeux, il me faut un moment pour me rappeler où je me trouve : la chambre d'Alana.

Visiblement, tenter de sauver une demoiselle en détresse resserre les liens. Je dois dire que je suis la première surprise de la tournure de notre relation. L'anniversaire de Waren aura au moins permis une chose : crever l'abcès. Vider des shots de vodka aussi. Nous nous sommes laissées un peu aller sur la bouteille, et finalement je me retrouve beaucoup en elle. Une fois les aprioris mis de côté j'ai pu découvrir une personne drôle, pétillante, entière et qui ne mâche pas ses mots.

Bon, sur ce dernier point, je m'en étais rendu compte bien avant, j'en ai même fait les frais.

J'avais l'impression qu'elle admirait tous les membres du club que son père dirige, mais en y réfléchissant, je me rends compte qu'elle subit plus qu'elle ne choisit sa position parmi ces hommes. Sur certains aspects, elle me paraît contrainte de faire partie de cet environnement, plutôt que de le vouloir vraiment. Elle n'est pas totalement libre de faire ce qu'elle veut, toujours accompagnée pour sa sécurité. C'est peut-être ce petit point commun qui me permet de la voir autrement. Elle m'a confié ne jamais sortir du club sur un coup de tête, l'imprévu n'a pas de place dans sa vie. J'ai pris conscience hier, malgré l'alcool qui coulait dans mes veines, qu'il fallait prendre au sérieux les avertissements quant aux ennemis qui sont aux portes du club.

Quoi qu'il en soit, nous avons terminé la soirée ensemble, dans un état presque minable, mais euphorique. Je n'ai pas eu la foi de retourner dans ma chambre. L'avantage des appartements d'Alana c'est qu'ils se situent au rez-de-chaussée, autant dire qu'hier soir je n'étais pas apte à monter les marches des escaliers. Elle n'est pas la fille du chef pour rien. Son espace est bien plus grand que les chambres à l'étage. Décoré avec goût, ce petit deux-pièces est un charmant cocon où je me sens en sécurité. Cette sensation est assez spéciale. Je ne suis pas à ma place, ici, au club, et pourtant je me découvre de plus en plus d'affinités avec chacun des membres. D'une certaine manière, je ne me sens plus prisonnière. Une fois de plus, mon esprit s'est fait une raison. On pourrait croire que je baisse les bras, mais je prends de plus en plus mes marques. Le point noir reste bien évidemment la violence qui paraît être la norme entre ces murs.

Perdue dans mes réflexions, je ne vois pas une masse moelleuse voler dans ma direction. Lorsque l'oreiller m'atteint, je hoquette de surprise.

— Hé ! Tu en tires une tête, se moque Alana.

C'est certain, je ne dois pas faire rêver. La bouche pâteuse, une migraine qui ne s'atténue pas et mes petits yeux sont la preuve de la soirée haute en couleur que nous avons passé. Malgré les circonstances, je ne suis pas loin de dire que c'est l'une des meilleures depuis mes années universitaires.

— Salut, murmuré-je

— La nuit a été bien courte, mais je dois aller ranger tout le bazar que les gars ont très certainement laissé.

— Oh oui, j'avais oublié ce détail. Je vais venir te filer un coup de main.

Elle paraît surprise de mon initiative, mais me rend un sourire radieux.

Où est passée la peste de nos débuts?

— On va aller prendre des forces, hors de question de faire les tâches ingrates sans avoir quelque chose dans le bide. Tu sais cuisiner ?

— Tu rigoles ? M'exclamé-je, en prenant un air outré.

— Bah quoi ?

— Je suis la reine de crêpes.

Black Shadow : l'écho des secrets [en cours de réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant