Black Shadow : l'écho des secrets [en cours de réécriture]

Chapitre 34

Elena

— Je te le redis, je ne t'appartiens pas, Devon.

Mes mots sonnent faux, ils m'écorchent presque. C'est sûrement l'effet tequila. J'aurais dû écouter Alana et ne pas prendre le deuxième shot... et encore moins m'en servir un petit troisième au moment de monter sur le podium.

À ma décharge, je devais me booster un peu afin de ne pas faire machine arrière. Je me remémore l'expression horrifiée de Jared lorsqu'il m'a vu parader en petite tenue. Je suis assez fière de mon petit effet. Il n'aurait pas dû me dire de faire profil bas. Sa très chère sœur s'est chargée de le distraire pendant que je faisais mes premiers pas sur le podium. Je n'avais jamais, au grand jamais, imaginé être capable d'un tel lâché prise. Les sifflements de contentement et les acclamations de la foule m'ont permis de me sentir plus à l'aise. La timidité des premières minutes a rapidement laissé place à un sentiment de confiance et le plaisir a pris le pas sur l'anxiété.

Je me suis sentie... vivante, libre. J'avais le sentiment d'avoir la pleine maitrise de moi même, si on omet les quelques degrés d'alcool dans le sang. Déterminée à ne plus laisser quiconque me dicter ma conduite, j'ai eu la sensation, le temps de quelques heures, de recouvrer le contrôle d'une partie de ma vie. Lorsque Devon est venu me récupérer sur l'estrade, j'ai bien cru que mon cœur allait défaillir. Son regard, chargé d'une lueur sombre, m'a profondément troublée, éveillant une excitation que j'ose à peine m'avouer. À un moment, j'ai presque pensé que sa présence n'était qu'une illusion, une création de mon esprit exaltée par mes excès. Lorsque ses mains ont touché ma peau, j'ai dû me rendre à l'évidence : il était bel et bien là, et le frisson qui m'a parcourue était bien réel, à la fois doux et puissant, tel un électrochoc. Il n'était pas censé se trouver au Poppy's, il devait rentrer seulement deux jours plus tard. Fidèle à lui même, il s'est montré imprévisible.

Je reviens à l'instant présent en sentant Devon s'approcher de nouveau, comme une ombre menaçante, mais terriblement excitante.

Punaise, je dois vraiment arrêter de boire.

Il me donne le tournis à bouger comme il le fait. Son doigt me désigne, une expression indéchiffrable sur le visage. Je le fixe intensément, mordant ma lèvre inférieure juste pour le plaisir de voir ses yeux suivre ce mouvement et se tendre un peu plus. À cet instant, c'est lui qui semble envoûté. Quand il arrive enfin à ma hauteur, quelque chose en lui change. Il abaisse sa main, et je peux presque sentir la tension qui l'habite, prête à éclater. Ses paumes passent sur son visage, comme s'il perdait pied et cherchait à reprendre son calme.

Nos visages ne sont plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, ses iris brillent comme des petites flammes prêtent à embraser tout sur leur passage. Ses yeux descendent vers mes lèvres entrouvertes. Il est sur la retenue, je le sens, je le vois.

Embrasse-moi.

Je m'en veux aussitôt d'éprouver une telle envie. Je ne devrais pas. Sa main se pose délicatement sur ma joue, et d'emblée, une chaleur brûlante se répand dans tout mon corps. La simple pression de ses doigts allume un feu en moi. L'atmosphère change imperceptiblement, la tension entre nous prend une nouvelle dimension. Nos regards se croisent, et à cet instant précis, plus rien d'autre n'existe.

— Tu es bien plus à moi que tu ne le penses, Trésor.

Trésor. Ce petit surnom fait battre mon cœur à chaque fois qu'il sort de ses lèvres, comme une caresse me procurant un effet indescriptible. Pour l'avoir lu dans bien trop de romans à l'eau de rose, je l'ai toujours trouvé mièvre et banal. Pourtant, l'entendre le prononcer, avec sa voix rauque, me provoque une montée d'excitation incontrôlable. Chaque syllabe résonne en moi, éveillant des sensations que je ne peux pas ignorer. Pour autant, je reste sur mes gardes, j'ai croisé un nombre incalculable de beaux parleurs dans ma vie. Je refuse de me laisser duper. Je ne suis pas une fille facile, sensible aux simples mots doux ou aux belles promesses. Je ne compte pas succomber si facilement. Du moins je vais essayer.