Le temps a bien passé depuis l'époque – vraiment moins lointaine qu'il ne l'admettrait si on lui posait la question – où Harry pouvait se contenter d'une gorgée de potion au matin pour tenir éveillé toute la journée. Désormais, il s'enfile une demi fiole au réveil et le reste de celle-ci en milieu d'après-midi. Sans ça, il devient irritable, incapable de réfléchir et ses mouvements sont parasités par tout un tas de saccades qu'il ne contrôle pas. Un vrai zombie. De quoi réjouir Hermione, qui pourra ajouter cette nouvelle espèce à sa collection de créatures à protéger.
Ça aurait pu être un problème au vu de son départ plus qu'imminent, mais après avoir bouclé ses valises, Harry trouve un nouveau colis sur le pas de sa porte. Une fois encore, il est accompagné d'un mot. Un mot en forme de mise en garde.
« Du repos vous fera le plus grand bien. Alors profitez de vos vacances et résistez à la tentation. »
Résister à la tentation ? Est-ce que la personne qui lui fournit les fioles saurait ce qu'il a en tête ? Impossible. Il est un piètre occlumens, mais il sait encore remarquer quand quelqu'un se glisse dans son esprit. À priori, son fournisseur doit parler d'autre chose. Mais de quoi ?
S'il commence par s'interroger sur le sens à donner à cette phrase, c'est pourtant l'esprit occupé par une tout autre énigme qu'Harry arrive aux grilles du parc. L'esprit occupé, il n'a pas décroché un mot, et si Severus a bien tenté d'engager la conversation quelques fois, il a fini par y renoncer, supposant que le peu d'heures de sommeil accumulées par l'entraîneur ces dernières semaines se faisaient enfin ressentir.
Ainsi, plongé lui aussi dans ses propres songes, ne redresse-t-il la tête que quand il entend le jeune sorcier marmonner pour lui-même.
— Il risque d'y avoir de nouvelles portées d'ici à la rentrée. Ça va coûter une fortune de les faire tous stériliser.
Les mains dans les poches, Severus hausse un sourcil, aussi amusé que surpris.
— Qui veux-tu faire stériliser ? Il est vrai que les élèves ont tendance à se reproduire entre eux une fois sortis d'ici, mais j'ai bien peur qu'il soit illégal de les en empêcher.
Préoccupé – mais ça, Severus l'ignore – par les finances de son ami garde chasse, Harry ne relève pas la blague. S'il la joue habillement, peut-être que le demi-géant acceptera qu'il paie une partie des frais ? Voire leur totalité.
— Les kneazles d'Hagrid, répond-il, l'esprit toujours perdu dans des multiplications bien complexes pour un garçon dont le dernier cours de math remonte à ses onze ans. Ils pullulent depuis le début de l'année. On ne peut pas faire un pas dans le parc sans tomber sur plusieurs d'entre eux.
Et c'est vrai que depuis qu'ils ont quittés le château, ils en ont croisés au moins trente. Cinquante si on ajoute à ceux-là les vingt matous qui se prélassent devant eux, juste sous les grilles, là où la neige a été dégagée. La réponse de Severus met un moment à arriver, mais elle fini par tomber sous la forme d'un éclat de rire. Perplexe, Harry se retourne vers lui, les sourcils froncés.
— Il est vrai que c'est Hagrid qui est chargé de les nourrir, mais ces animaux ne lui appartiennent pas. Et je crois que Minerva verrait d'un assez mauvais œil que tu castres ses bons amis.
— Comment ça ?
— Tu te souviens, lors du dîner chez les Weasley, qu'elle a évoqué un nouveau système d'alarme installé dans l'école ?
— Oui, et ?
— Tu n'es pas sans savoir que c'est une animagus ?
Le souvenir de ce cours de première année où la professeur de métamorphose s'est changée en chat devant eux est encore bien présent dans son esprit, et Harry fait rouler ses yeux dans leurs orbites.
— Je crois m'en rappeler, oui.
Severus secoue la tête en voyant que son compagnon ne comprend pas de quoi il parle.
— Si tu avais été un peu plus attentif en cours, tu saurais que les animagi n'ont pas que la capacité de se transformer en animaux, mais qu'ils peuvent aussi communiquer avec ceux dont ils prennent la forme. Pour notre chère directrice, ça comprend bien évidemment les chats, mais aussi les kneazles dont ils sont cousins.
Les yeux d'Harry s'écarquillent et il bondit sur Severus.
— Vraiment ? Mais c'est génial ! Je le savais pas... Ça veut dire que je pourrais parler avec des cerfs, moi aussi ?
— Tu es un animagus ? s'étonne Severus en fronçant les sourcils.
— Ah... Je... Non. Ça ne marche pas quand tout ce qu'on sait faire, c'est créer un patronus corporel, alors ? Je me disais, comme c'est une magie assez proche...
Severus secoue la tête et lui glisse une main dans les cheveux pour le consoler. Heureusement, sa déception n'est que de courte durée, et il reprend ses questions aussitôt, se demandant désormais si elle est en mesure de les contrôler.
— Pas du tout, lui apprend l'homme. Ces chats ne sont pas des machines, ils sont ici parce qu'elle a passé un marché avec eux. Ils peuvent chasser sur le domaine, s'y reproduire et élever leurs petits en toute sécurité. Ils bénéficient également d'un abri dans le château et même de nourriture dispensée par Hagrid si un jour, ou même pendant plusieurs mois, ils décident de se la couler douce et d'arrêter de courser la vermine. En échange, ils patrouillent jour et nuit autour du parc et aux entrées du château. Si la moindre chose leur semble suspecte, tout leur réseau se met en branle et en moins d'une minute Minerva est mise au courant. Aucun des autres dispositifs mis en place par les anciens directeurs n'a jamais été aussi efficace que celui-ci. Même Dumbledore a avoué en être jaloux l'une des dernières fois où je lai vu.
La nouvelle laisse Harry coi, et Severus se rend compte que si les professeurs qui étaient présents l'année précédente ont été mis au courant, personne n'a pensé à avertir ceux arrivés cette année.
— Moi qui m'attendais à des sorts compliqués...
Severus hausse les épaules.
— Il y en a aussi, mais je ne pense pas avoir besoin de te rappeler à toi, entre tous, qu'un groupe d'ersatz est parvenu à passer malgré la forte magie qui entourait l'école à l'époque. Même si, pour être parfaitement honnête, aucun n'a retenté l'expérience depuis, à chaque fois que nous avons fait un test, l'alerte a été donnée en un temps record.
— C'est vrai, approuve Harry. Les attaques aussi ont cessé après la Bataille du ministère. Pourtant, je ne parviens pas à croire que c'est fini. Tout ça n'a eu aucune incidence réelle et Malfoy ne peut pas être celui qui est derrière tout ça. Ça n'aurait aucun sens.
À ses côtés, Severus se renfrogne. À ses yeux non plus, Drago ne peut pas être le coupable, mais il n'a toujours pas pu le voir pour s'en assurer. Ne pas savoir ce que les aurors font subir à celui qu'il considère comme son neveu le rend fou d'inquiétude, même s'il tente de ne pas trop le montrer à son compagnon ou à ses collègues.
Quand ils arrivent au loch peu de temps après, les deux hommes ont le plaisir de découvrir la maison couverte d'un épais manteau blanc et les eaux sombres suffisamment gelées pour qu'ils s'y risquent après avoir transformé leurs chaudes bottines en patins à glace.
Ce soir-là, blotti contre Severus, les yeux mi-clos et le visage rougi par le feu qui se consume dans l'âtre, Harry ne pense plus à son plan suicidaire. Le temps d'une soirée, au moins, il savoure la quiétude de l'instant.
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La complainte de la Vouivre (Snarry)
Fanfiction/!\ Ce livre est la suite des larmes du Phénix. Ne le commencez pas sans avoir lu le premier tome, au risque de ne rien comprendre /!\ Le résumé comporte des spoilers sur les larmes du Phénix. Vous voilà prévenus, les gens. Après la Bataille du M...