Oxygène

Chapitre 6

LOUISA

Voilà trente minutes à peu près que j'ai rejoint la salle de réception et, dès mon retour, Alarico m'a fait remarquer le temps que j'avais pris pour aller aux toilettes.

J'ai justifié mon retard par des douleurs aux pieds causées par les talons et de la nécessité de m'asseoir pour les enlever.

« C'est normal, tu n'as pas l'habitude d'être belle » m'a-t-il dit.
Je ne savais pas que l'on qualifie une femme de la sorte à partir du moment où elle sait marcher avec des échasses.

J'écoute sans intérêt la conversation de mon père avec Rafael et Joaquin. J'ai juste compris qu'ils allaient d'ici peu entrer en contact avec les passeurs du détroit de Gibraltar.

Depuis tout à l'heure, je fais acte de présence tout en me remémorant la confrontation bouleversante que j'ai eue avec cet homme sur le balcon.

Son autorité et sa domination m'ont donnée la sensation d'être une petite fille tandis que la confusion que j'ai remarqué dans ses yeux et son excitation m'a donnée l'impression d'être une femme.

Malgré ses paroles déplacées, je me suis sentie en sécurité auprès de lui. J'avais la certitude qu'il ne me ferait aucun mal. Pas comme mon père.

Je suis étonnée de ne pas l'avoir revu dans la salle, je pensais qu'il n'aurait pas tardé à rejoindre les convives peu de temps après moi.
Je ne connais même pas son prénom.
Aurai-je l'occasion de le recroiser pour le lui demander ?

Il a probablement dû partir. L'homme aux cheveux châtains à qui il parlait en début de soirée n'est plus ici non plus.

Seule la jeune femme à la robe beige est encore présente, elle discute avec l'homme croisé en haut des escaliers à notre arrivée. De mémoire, il s'appelle Tobias.

Ces deux personnes qui me sont étrangères s'approchent de nous, et nous ouvrons le cercle formé pour leur laisser de la place.

– Ta soirée se passe bien Alarico ?

Mon père se tend, comme tout à l'heure, mais il essaie de garder une posture dominatrice.

– À merveille, et la tienne Tobias ?

– À merveille également. Pedro a l'art de recevoir. C'est une belle soirée.

Leurs échanges sont glaciaux.

– Ton fils et son toutou ne sont plus ici ? fait remarquer mon père.

– Je vous interdis de surnommer Alessio de toutou, s'immisce la jeune femme brune.

– Mais c'est qu'elle a les crocs cette petite Camila, se moque Alarico.

– Fais attention à tes propos concernant ma fille et Alessio, s'énerve Tobias.

Je range mentalement ces informations dans un coin de ma tête. La fille de Tobias s'appelle Camila. Qui est son fils ? L'homme au nœud papillon ? Celui qui discutait avec eux se prénomme Alessio.
Ils ne peuvent pas prononcer le prénom qui m'intéresse le plus ?

Je remarque Rafael qui me regarde en coin. Il a vu que l'arrivée de Camila et Tobias m'avait intéressée. Il s'approche de mon oreille pour me transmettre des informations qu'il juge important de me communiquer.

– Tobias Alvarez est l'ennemi numéro un de papa. On a perdu énormément de contrats et donc d'argent à cause de lui. Tu n'as pas intérêt à les approcher sinon tu vas le regretter, me menace-t-il. Ce sont des mauvaises personnes.

Alvarez ? Ce nom me dit quelque chose.

Alarico remarque que mon frère me met en garde et me lance son regard noir habituel.