VITO
– On en est où dans la livraison des HK 416 ? me demande Alessio en se penchant sur la table de billard pour tirer dans une boule rayée.
– Le bateau part du Maroc dans deux jours.
La boule tombe dans le trou. Je rage car Alessio mène la partie.
– C'est une cargaison de combien ?
– Trois cents armes sont prévues.
Il rate son tir. Je me concentre, place ma queue de billard en direction d'une boule pleine. J'effectue de légers coups d'avant en arrière pour ajuster mon positionnement et tire. La boule entre dans le trou. J'adresse un clin d'œil à mon meilleur ami pour le narguer.
– Ne penses pas que tu vas gagner parce que ça n'arrivera pas, me charrie-t-il.
Un rictus se dessine sur mes lèvres. Alessio déteste perdre, mais il oublie que c'est également le cas pour moi.
– Tout est prêt pour le transport ?
– J'ai appelé les marocains cet après-midi, ils m'ont informé que tout était OK. On récupérera la cargaison directement à Gibraltar vers deux heures du matin.
– Je pensais que vous ne parliez jamais de boulot pendant votre rituel, nous interrompt Camila, allongée dans le canapé, un bouquin dans les mains.
– Tu as raison mi belleza, lui lance Alessio. On va plutôt parler de nos conquêtes comme on a l'habitude de faire. D'ailleurs Vito, il faut que je te raconte, dit-il en reportant son attention sur moi. J'ai baisé ...
– Cállate*, le coupe Camila.
Alessio joue avec ses sourcils pour l'embêter, ma soeur lui adresse en retour un regard noir, et ça me fait rire.
Nous sommes interrompus par la porte d'entrée qui s'ouvre.
– Les jeunes, je suis rentré ! Où êtes vous ? nous demande Tobias.
– Dans le salon papa, lui indique Camila.
Mon père rentre de sa journée au cours de laquelle il était parti chez Pedro pour visionner les caméras de surveillance que ce dernier avait branché à l'occasion de la trêve annuelle. J'ai hâte de savoir s'il a des informations croustillantes à nous transmettre.
Alessio et moi posons les queues de billard sur la table pendant que Camila accueille mon père en le prenant dans ses bras. Tobias me jette un regard lourd de sens. Je comprends qu'il a beaucoup de choses à nous dire.
– Alors ? lui demandé-je.
– Installez-vous dans le canapé, je vais tout vous expliquer.
Je remplis trois verres de scotch au niveau du bar et les apporte sur la table basse. Camila s'éclipse rapidement dans la cuisine pour se servir un verre de soda. Mon père attend qu'elle revienne dans le salon.
– Je commence par la bonne ou la mauvaise nouvelle ? propose Tobias.
– La mauvaise, déclarons-nous tous les trois en chœur.
Il est important de toujours commencer par la mauvaise nouvelle. D'abord le négatif pour ensuite terminer sur une note positive.
– Ça concerne Alarico, commence-t-il. Dans les enregistrements, on le voit entrer dans une salle de réunion avec Rafael en compagnie des passeurs du détroit de Gibraltar.
– Les passeurs ? Ces gars sont des frappés du cerveau ! s'exclame Alessio.
Effectivement, les passeurs sont connus dans le pays comme étant des mecs qui ont soif de sang. Ils sont payés pour faire le sale boulot. Meurtres, vols et détournements font partie de leur quotidien. Si Alarico s'est éclipsé de la soirée pour faire une réunion avec eux à l'abri des regards, ça ne sent pas bon.
– Tu sais ce qu'il s'est dit au cours de leur réunion ? demandé-je à mon père.
– Justement, c'est ça la mauvaise nouvelle, soupire-t-il en passant sa main dans ses cheveux. Pedro avait branché des caméras dans la salle principale mais pas dans la salle où ils se sont réunis. On ne sait donc pas ce qu'il ressort de leur entrevue.
– Fais chier, marmonné-je.
– La seule chose que je peux affirmer, c'est que leurs échanges nous concernent. Ne pas savoir ce qui se trame dans notre dos, c'est très frustrant.
– Comment as-tu la certitude que ça nous concerne ? questionne Camila.
– Quand ils reviennent dans la salle principale, on entend Alarico dire à son fils qu'il est excité à l'idée de niquer la famille Alvarez.
Que cet hijo de puta fasse appel aux passeurs du détroit, ça ne sent pas bon. Toutefois, apprendre qu'il les a contactés pour "nous niquer", ça pue littéralement la merde.
Silencieusement, nous réfléchissons à la raison pour laquelle Alarico a passé un contrat avec les passeurs.
– Est-ce que vous pensez que ça peut avoir un rapport avec notre cargaison qui sera livrée dans deux jours ? les interrogé-je.
– Tu as raison Vito, intervient ma sœur. C'est certainement ça. Comme par hasard, vous avez bientôt une livraison qui arrive à Gibraltar et Alarico a contacté les passeurs qui sont des spécialistes du détroit.
– J'y ai pensé, affirme mon père. Néanmoins, sans savoir ce qu'il projette contre nous, il va être difficile de les contrer.
Pendant les minutes qui suivent, nous pensons aux différentes possibilités d'agissements pour faire tomber leur plan à l'eau. Cependant, tout est flou. Ont-ils l'intention d'agir au moment du départ du bateau ? Pendant la navigation ? À l'arrivée au port ? Le champ des possibilités est tellement large qu'il est vraiment impossible de prévoir toutes les alternatives.
– Vous pensez que Louisa sait quelque chose ? demande Alessio.
Nous levons tous la tête pour regarder mon meilleur ami. Sa question est très intéressante. Je n'avais pas pensé à cette éventualité.
– Effectivement, on peut tenter de lui soutirer des informations, annoncé-je.– Je doute qu'elle sache quelque chose, intervient Tobias.
– Papa, avant de la kidnapper, tu n'as pas arrêté de nous rabacher qu'elle jouait un rôle dans les activités de son père, lui dis-je. Si c'est le cas, elle doit sûrement savoir ce qu'il se trame dans notre dos.
– Ça...
Tobias n'a pas le temps de finir sa phrase que je suis déjà debout, me dirigeant vers la porte permettant d'accéder à la cave.
* Cállate : Tais-toi.

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Oxygène
RomansaDepuis sa naissance, Louisa subit les violences de son père, un mafieux en quête de pouvoir. Séquestrée dans sa maison située en Andalousie, elle garde espoir de pouvoir réaliser son rêve le plus cher : quitter cette vie misérable. Toutefois, Louis...