Oxygène

Chapitre 14

VITO

Assis sur le canapé en cette fin de journée, je fixe le liquide ambré qui tourbillonne dans mon verre. Ce soir, je n'ai pas attendu Alessio, qui est monté se laver, pour me servir un scotch. Exténué par ces derniers jours, je n'ai très sincèrement pas le courage de faire une partie de billard.
Tu as surtout la tête ailleurs !

Louisa disait vrai. Alarico avait bel et bien sollicité les passeurs du détroit de Gibraltar pour attaquer le bateau qui devait nous apporter la cargaison des HK 416. Grâce aux informations qu'elle m'a données, leur plan est tombé à l'eau.
L'infiltré ainsi que deux autres passeurs ont été neutralisés. Les jumeaux, les deux hommes de main en qui j'ai le plus confiance, ont été chargés de les découper en morceaux et d'envoyer une caisse contenant leurs têtes décapitées aux autres membres de leur groupe.
Les passeurs du détroit sont des malades mentaux mais ils n'en sont pas moins cons. Ils savent pertinemment que mon gang est très puissant en Espagne ainsi que dans les pays voisins.
S'attirer des problèmes avec nous n'est pas bénéfique pour leurs affaires.

Le chef des passeurs m'a donc contacté dès la réception du colis pour me proposer un cessez-le-feu.
J'ai accepté tout en lui précisant que je le gardais dans ma ligne de mire. Il était prêt à me la mettre à l'envers en acceptant le contrat avec Alarico et je ne risque pas de l'oublier de si tôt.

D'autant plus que, malheureusement, notre intervention n'a pas été sans conséquence puisqu'un de mes hommes a été tué en voulant prendre par surprise l'infiltré pour l'enlever. Paix à son âme. Le couteau qu'il s'est pris lui a perforé un poumon, nous n'avons rien pu faire pour le sauver.

Hier soir, j'ai donc passé la soirée à Madrid en compagnie de mon père, d'Alessio et de mes hommes.

Nous avons organisé une cérémonie en l'honneur de notre soldat décédé au front, laissant une femme et trois enfants à qui j'ai versé une somme leur permettant de subvenir à leurs besoins.

Après les obsèques, la soirée s'est poursuivie par une fête dans notre quartier général basé dans les alentours de la capitale où l'alcool et les femmes coulent à flot.

À défaut d'avoir une putain de gueule de bois depuis ce matin, mes cojones sont toujours pleines. Et ce n'est pas faute d'avoir essayé de les vider.

Je n'ai pas pour habitude de boire jusqu'à l'ivresse. Toutefois, je me suis octroyé une exception. J'avais besoin de noyer mes problèmes dans l'alcool.
Sauf que tu oublies que les problèmes savent nager.

C'est le cas, car malgré un taux d'alcoolémie assez important, je n'ai pas pu me sortir de la tête les évènements de ces derniers temps.
Entre le refus d'échange d'Alarico, sa volonté de détourner notre cargaison mais également la mise en place d'un nouveau plan pour retrouver Giulia, c'est clairement le bordel.
Tu oublies la gueule d'ange qui a élue domicile dans la cave. Et dans ta tête.

Alessio entre dans le salon vêtu d'un jogging gris et d'un tee-shirt de la même couleur, ce qui me sort de mes pensées. Il se sert un verre au bar puis s'installe sur le canapé, à mes côtés.

– Où est Tobias ? me demande-t-il.

– Resté à Madrid, il a rendez-vous demain matin avec la ministre de la Défense.

Je prends une gorgée de ma boisson, la laissant m'anesthésier l'œsophage.
Tu picoles alors que tu as une gueule de bois ?
Ne dit-on pas qu'il faut combattre le mal par le mal ?

– Je n'ai pas envie de faire une partie de billard ce soir. J'aimerais plutôt que l'on dédie cette soirée à Giulia, m'informe mon meilleur ami, attristé.

Camila, également en pyjama, revient de la cuisine et dépose sur la table basse les pizzas qui sortent du four.

– Je suis d'accord avec Alessio, cette soirée doit être en son honneur. C'est un jour bien trop spécial pour faire comme si de rien n'était, confirme-t-elle en s'asseyant par terre, en tailleur.

Aujourd'hui, nous sommes le 29 mai et c'est l'anniversaire de Giulia. Nous aurions tellement aimé qu'elle soit parmi nous, confectionner son gâteau au chocolat préféré et y déposer dix-huit bougies qu'elle aurait soufflées après avoir ouvert ses cadeaux.