Oxygène

Chapitre 8

LOUISA

Je suis dans l'incapacité de déterminer depuis combien de temps je suis enfermée dans cette cave. D'après la minuscule fenêtre située en hauteur, je sais seulement que le jour s'est levé depuis plusieurs heures.

J'ai passé la pire nuit de toute ma vie, attachée à une chaise. L'air ambiant est chaud, humide. Ma robe de soirée me colle à la peau à cause de la transpiration. Ma tête est lourde, j'ai mal aux cervicales. Je bouge mes doigts régulièrement pour éviter qu'ils ne s'engourdissent.

Je suis épuisée, j'ai faim, j'ai soif, j'ai envie d'aller aux toilettes et je sens mauvais.

– Il y a quelqu'un ?

Personne ne me répond, encore une fois. J'ai passé la nuit à crier. J'ai usé de toutes les stratégies possibles dans l'espoir qu'il revienne : une envie pressante, une urgence médicale, un besoin de m'hydrater.
Malheureusement, toutes mes tentatives ont été un échec total.
L'homme au nœud papillon n'est jamais revenu.

Le temps est affreusement long, je n'ai donc pas le choix que de m'enfermer dans mes pensées. Je me pose un tas de questions. Que va-t-il me faire ? Qu'attend-il de moi ? Vais-je mourir ?

Est-ce que mon père a remarqué mon absence ? Si oui, comment a-t-il réagi ? Pense-t-il que j'ai fugué ? Va-t-il tenter de me retrouver ?
À mon avis, il doit supposer que j'ai réussi à m'échapper. Il a toujours été convaincu que je sauterai sur la moindre occasion pour m'éloigner de lui. Il n'avait pas tort non plus, même si je n'imaginais pas une seule seconde quitter mon enfer personnel de cette manière.
Quant au fait que mon père me retrouve, une partie de moi ne l'espère pas.

Je suis sortie de mes pensées en entendant des bruits de pas descendre des marches. Le son s'intensifie de plus en plus, signe que quelqu'un approche. Enfin !

Je fixe la porte et la vois s'entrouvrir. Je reconnais Tobias alors qu'il entre dans la cave, vêtu d'un jean et d'un polo bleu marine. Ses cheveux gris sont humides. Il doit sortir de sa douche. La chance !
Il jette un coup d'œil dans ma direction, le regard dur, avant de se placer face à moi.
Lorsque je l'ai rencontré à la soirée, j'ai vu en lui un homme honnête et droit. Je me suis totalement trompée sur son compte. S'il est là, c'est qu'il a participé à mon enlèvement. Par conséquent, il est un homme tout aussi abject que les autres.

– Bonjour Louisa, je m'appelle Tobias Alvarez, mais je pense que tu le sais déjà. Comment vas-tu ?

Je le fixe mais choisis de ne pas lui répondre. Sa question est inappropriée. Il sait très bien comment je vais.
Qu'il m'épargne ses politesses, je n'en crois pas un traître mot.

– Tu sembles fatiguée, ajoute-t-il.

– Non, sans blague ! lancé-je en adoptant un ton ironique. Pouvez-vous me dire ce que je fais ici ?

– Ton père nous a pris quelque chose qui nous appartient et on compte bien le récupérer.

Je sursaute en reconnaissant cette voix devenue familière. Je repère l'homme prénommé "Monsieur Va te faire voir Princesse Pétasse" dans l'encadrement de la porte.
D'ailleurs, il a troqué sa tenue de soirée pour une plus décontractée : un jean noir et un tee-shirt de la même couleur.
Je ne l'ai pas entendu arriver. Il semble apprécier me voir déstabilisée par sa présence.

– Louisa, je te présente mon fils, m'indique Tobias.

Je balaie du regard les deux hommes et note des ressemblances physiques. Tous les deux ont une mâchoire finement dessinée recouverte d'une légère barbe ainsi que des yeux noisettes qui reflètent une dangereuse intensité.