PROLOGUE

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1er août 2023

L'air était presque frais ce matin d'août sur l'île d'Oahu de l'archipel d'Hawaï. Le soleil pointait déjà bien haut dans le ciel mais la légère brise marine rendait la température des plus agréables. La plage de Cliffs, bordée par le célèbre Diamond Head, était encore vide de touristes, et seuls les locaux arpentaient le sable blanc, la plupart une planche de surf à la main.

Après 2 cours privés pris à Waikiki, l'antre des surfeurs, pour parfaire sa technique et appréhender les vagues du Pacifique, Agnes était assez confiante pour se lancer seule sur sa première vague hawaïenne. Elle n'était pas une professionnelle de la glisse, mais elle avait déjà pris des cours en France et surfé des vagues lors de ses vacances dans le Bassin d'Arcachon. Sa dernière vague en Atlantique remontait maintenant à quelques années, mais elle adorait cette sensation de glisse, cette connexion à l'océan. Impossible que son séjour à Hawaï, où le surf est roi, se déroule sans avoir pu pratiquer ce loisir. Après tout, ce voyage était, pour Agnes, synonyme de liberté, de renouveau, de prise de risque et d'évasion.

Elle gara sa voiture de location à quelques centaines de mètres de la plage et, sa planche louée la veille sous le bras, un tote bag sur l'épaule, elle rejoint le bord de la falaise, auprès duquel les surfeurs locaux ont l'habitude de laisser leurs affaires. Elle portait déjà un bas de maillot de bain couleur corail qu'elle avait trouvé sur un marché lors de son premier jour sur l'archipel, ainsi que son haut de combinaison de surf. Elle rejoint rapidement l'océan, n'ayant aucun mal à rentrer dans l'eau grâce à une température des plus agréables.

Agnes faisait illusion au milieu des surfeurs locaux. Certains quittaient déjà le spot, probablement attendus au travail pour le reste de la journée. La jeune femme sentait la fatiguer peser sur ses muscles, mais difficile de s'arrêter quand il y a toujours une nouvelle vague à prendre. La plage commençait à s'animer, elle remarquait un groupe d'une dizaine de garçons se passer une balle de volleyball par dessus un filet fictif. Une dernière vague et elle s'arrêterait, pour profiter du reste de sa journée à arpenter l'île.

Agnes se mis en position, laissant passer quelques petites vagues en se préparant pour la suivante. Elle parvint à se mettre debout, tenant l'équilibre du mieux possible, sur un joli rouleau. Le sourire aux lèvres, elle appréciait au maximum cette sensation de glisse et de liberté incomparables. Trop concentrée, elle ne vit pas le touriste arriver à toute allure pour emprunter sa vague, la frôlant de trop prêt. Surprise, Agnes perdit l'équilibre et tomba. Prise au piège dans un tourbillon d'eau, sa planche toujours accrochée à son pied, elle sentit à peine un choc sur la tête avant de perdre connaissance.

———

Sur la plage, le groupe de volleyeurs amateurs riait aux éclats, des phrases en français fusant à chaque perte de ballon. Arrivés la veille, et victimes du décalage horaire, ils s'étaient échappés de leur hôtel de Waikiki pour se dégourdir les jambes et profiter de ce lieu paradisiaque. L'ambiance était parfaite pour eux : personne à l'horizon, si ce n'est quelques surfeurs locaux s'adonnant à leur activité favorite de bon matin.

L'un d'eux s'était éloigné du groupe pour prendre une photo avec son téléphone afin d'immortaliser son premier réveil hawaïen. Il observait les surfeurs et admirait leur technique, impressionné par autant de stabilité. Deux hommes attirèrent son attention. Ils chahutaient beaucoup trop et surfaient de manière erratique. L'un d'eux venait de voler la vague d'un surfeur recouvert de tatouages maori, qui lâcha un juron d'agacement. Tout le monde connaissait la règle tacite des surfeurs : ne pas voler la vague d'un autre. Les suivant du regard depuis la plage, les sourcils froncés, le Français vit l'homme au comportement douteux se ruer sur la vague qu'était en train de surfer une jeune femme. Lorsque la surfeuse tomba dans l'eau et se retrouva emportée, sa planche heurtant sa tête, le sang de l'observateur ne fit qu'un tour.

Il lâcha son téléphone dans le sable et couru dans l'eau sans se retourner, sous les cris de surprise et d'interrogation de ses amis qui jouaient à la balle. La plage n'était pas surveillée, et celui qui avait fait tomber la jeune femme n'avait aucune intention de venir en aide à sa victime. Le Français fixa le point dans l'eau où il l'avait vue disparaitre. Sa planche remonta à la surface, et son corps inerte en fit autant. Voyant qu'elle était inconsciente, le visage dans l'eau, le jeune homme accéléra son mouvement, poussé par l'adrénaline. Une fois qu'il l'eue rejoint, il la prit dans ses bras et sortit son visage de l'eau. Deux de ses amis les rejoignèrent à mi-chemin entre le point de chute et la plage et détachèrent la planche du pied de la surfeuse.

Une fois délicatement posée sur le sable, entourée de tout le petit groupe qui avait abandonné les passes de balle, et de quelques surfeurs locaux qui venaient aux nouvelles, le Français colla son oreille contre le nez et la bouche de la jeune femme pour écouter sa respiration. N'ayant aucune réaction positive, il redressa sa tête, pinça son nez et expira profondément dans la bouche de la jeune femme. Il avait été formé aux gestes de premiers secours, comme tous ses amis présents d'ailleurs.

Après quelques gestes de bouche à bouche, la surfeuse se redressa soudainement, toussant pour expulser l'eau qui était entrée dans ses poumons. Le jeune homme et tous les témoins de la scène autour d'eux expirèrent le souffle qu'ils retenaient sans s'en rendre compte. Une main dans son dos, il l'aida à maintenir sa position assise pour reprendre son souffle et ses esprits.

« Are you alright? » il questionna, les yeux inquiets, scrutant le visage de la jeune femme. C'est seulement à ce moment qu'elle fit attention à lui, interpellée par un accent similaire au sien, et l'espace d'un instant elle cru perdre connaissance de nouveau.

« Je suis morte, c'est ça ? »

« Quoi ? Non, vous allez bien. Enfin, aussi bien que possible j'imagine. » Les sourcils froncés, le jeune homme essaya d'attraper le regard fuyant de la rescapée, sans même remarquer qu'elle s'était exprimée en français. Son visage était parsemé de grains de sable et quelques mèches de cheveux blonds étaient collés à son front et ses joues.

Elle s'effondra dans le sable, retrouvant la position allongée qu'elle avait lorsqu'elle était inconsciente. Sans l'écouter, elle continua de parler.

« Evidemment que je suis morte, dans quel monde je me retrouverais face à Antoine Dupont après un bouche à bouche digne de Baywatch. Ca va, j'imagine qu'il y a pire comme endroit où mourir. Il faut bien y passer de toute façon. »

Encore sous le choc, elle semblait incapable de s'arrêter de parler. Antoine eut un léger mouvement de recul en entendant son nom. Il réalisa enfin qu'elle s'exprimait en français, et sa réaction fit soudainement bien plus de sens. Son visage était peut être inconnu des Hawaïens, il ne l'était pas pour beaucoup de Français.

Sa manière de s'exprimer sans s'arrêter alors qu'elle venait d'échapper à la noyade le fit sourire. Au moins, elle semblait aller bien !

Finalement, elle arrêta de parler, ferma les yeux quelques secondes, puis les rouvrit en grand et se redressa de nouveau.

« Je suis pas vraiment morte en fait, hein ? » elle regarda Antoine, gênée, semblant finalement comprendre que rien de ceci n'était une apparition de l'au-delà.

« Non » sourit de nouveau le rugbyman. Du bout des doigts, il repoussa quelques mèches de cheveux et grains de sables de son visage. Il ne put s'empêcher de penser que, circonstances mises à part, elle ressemblait à une sirène venant d'hériter d'une paire de jambes qui se serait échouée sur la plage.

La jeune femme pris le temps d'observer le visage de son sauveur, puis elle détailla son cou, incroyablement musclé, ses épaules, ses bras, le torse qui se dessinait sous son t-shirt imbibé d'eau, tous ces muscles définis comme jamais elle n'en avait vu auparavant.

« Et tu es bien Antoine Dupont » conclut-elle.

« C'est bien moi. »

Le coup du destin - Antoine DupontOù les histoires vivent. Découvrez maintenant