Le coup du destin - Antoine Dupont

CHAPITRE 2

Agnes discutait avec le gérant du restaurant qu'elle avait réussi à faire privatiser pour le XV de France lorsque l'équipe et le staff au complet arrivèrent. En tout, ils étaient près de 60 : 42 joueurs, les entraineurs, les analystes, le personnel médical, la communication, la coordination, le diététicien, etc.

Agnes avait fait un travail remarquable en une après-midi. Le restaurant était privatisé, elle y avait mangé la veille et avait eu un coup de coeur pour son cadre et son atmosphère. Elle avait déjà géré la logistique d'une équipe, en sport automobile, et était donc habituée à organiser des diners comme celui-ci. Cette petite mission lui rappela ses années passées aux Pays-Bas, où elle avait énormément souffert de la solitude, dans un pays qui n'était pas le sien.

Une immense table avait été dressée sur la terrasse en bois du restaurant, juste en bord de plage. Des guirlandes lumineuses ainsi que plusieurs flambeaux offraient une lumière chaleureuse. Ici, c'était à la bonne franquette : on s'asseyait sur un banc en bois, des plats étaient apportés à table et chacun se servait comme il le voulait. Agnes adorait ce genre d'ambiance et elle pensa, à raison, que cela plairait à des rugbymen. Ce soir, les Bleus pourraient assister à un véritable luau hawaïen : une fête mêlant musique, spectacle folklorique, et nourriture. Typique du luau, un porc étaient déjà en train de cuire dans un imu, ce four artisanal creusé dans le sol. Agnes se dit qu'il fallait au moins ça pour rassasier toute une équipe de rugby, l'image de Obelix et son sanglier dans la tête. Quelques musiciens étaient déjà en train de jouer des morceaux polynésiens, camouflant à peine le bruit des vagues.

« Eh bien mademoiselle, vous avez fait fort ! » s'exclama le sélectionneur de l'équipe, en regardant l'ardoise positionnée à l'entrée de la terrasse sur laquelle était inscrit, en hawaïen, bienvenue à l'équipe de France.

« J'espère que ça vous plaira » répondit Agnes timidement. « Vous allez pouvoir vous immiscer dans la culture hawaïenne, et bien sûr profiter d'un bon repas. »

Les joueurs poussèrent des cris d'exclamation, certains prirent Agnes dans leurs bras, d'autres la remercièrent, avant d'aller s'assoir. Philippe, le médecin de l'équipe, s'assura que la jeune femme n'avait aucun symptôme suite à sa chute ce matin.

« Agnes, viens, on t'as gardé une place ! » Romain Ntamack lui fit des grands signes en désignant l'espace libre entre lui et Anthony Jelonch. La jeune femme s'excusa auprès du médecin et rejoint la place qui lui avait été réservée, en remerciant timidement le joueur toulousain. Elle faisait face à Antoine Dupont, celui qui l'avait secourue le matin même. Il la regardait, intensément, si bien qu'elle rougit et baissa la tête, replaçant nerveusement une mèche de cheveux derrière son oreille.

La soirée se déroula sans encombre. Agnes était au centre de l'attention, mais tout le mode était tellement bienveillant qu'elle ne se sentait plus intimidée. Les joueurs étaient tous très curieux et elle répondait à leurs questions avec plaisir.

« Et tu habites où en ce moment, la ch'ti ? » lui demanda Cyril Baille après qu'elle eut expliqué être originaire des Hauts-de-France.

« Eh bien j'ai pas mal bougé mais en ce moment je suis à Lyon. »

« Ohhhh, t'es une supportrice du LOU ? »

« J'avoue je ne connais pas encore assez le Top 14 pour avoir une équipe favorite... Mais je suis allée voir le LOU à Gerland cet hiver. »

« Ah mais il faut que tu soutiennes le LOU alors ! Baptiste et Romain tombent jamais sur des supporters, même les Lyonnais supportent Toulouse, alors bon, ils font un peu la gueule... »