Le coup du destin - Antoine Dupont

CHAPITRE 5

9 août 2023

L'équipe s'était rendue sur Big Island le lendemain de la défaite face à l'Ecosse. Là bas, Agnes les avait emmenés randonner sur le lac de lave séché du volcan Kilauea. Fabien Galthié en avait profité pour faire un discours particulièrement galvanisant, en utilisant une jolie métaphore filée comparant un volcan endormi au peuple français qu'il fallait réveiller pour amener jusqu'à l'éruption pendant leur coupe du monde à la maison. Ce moment fut évidemment filmé et posté sur les réseaux sociaux de France Rugby. Agnes admirait de plus en plus le sélectionneur de l'équipe, qui semblait toujours emprunt d'un calme et d'une sérénité apaisants. Elle avait également pu observer son accessibilité et sa proximité avec ses joueurs, il était exigeant mais toujours juste.

Ce jour là, Philippe, le médecin de l'équipe, avait de nouveau ausculté la Française pour s'assurer qu'elle n'avait aucune séquelle de son accident de surf quelques jours auparavant. Heureusement, tous les voyants étaient au vert. Agnes prit le temps de le remercier longuement, reconnaissante.

Ils avaient ensuite pris l'avion vers l'île de Kauai, l'île Jardin, souvent décrite comme l'île la plus sauvage de l'archipel. La plus belle, aussi. C'est là qu'aurait lieu le deuxième match de préparation pour les Bleus, de nouveau face à l'Ecosse, 3 jours plus tard.

En concertation avec le préparateur physique de l'équipe, ils avaient prévu de randonner à la fraiche sur le Kalalau Trail, l'une des randonnées les plus belles d'Hawaï. Le préparateur physique avait également élaboré un programme pour allier cette promenade à l'entrainement : sprints, mêlées et sauts de touche étaient au programme.

Agnes n'avait pas parlé avec Antoine depuis leur longue conversation sur la plage quelques jours plus tôt. La jeune femme était gênée d'avoir été « prise sur le fait » par les rugbymen. Elle avait peur d'avoir dépassé des limites invisibles et de s'être montrée trop proche du capitaine. La dernière chose qu'elle souhaitait, c'était d'avoir l'image d'une fille facile qui cherche à conquérir le meilleur joueur du monde.

De son côté, Antoine avait toujours les mots de Damian en tête. Il n'y avait toujours eu que le rugby pour lui, et la coupe du monde était le plus grand objectif de sa vie. Etait-il prêt à risquer sa concentration pour une fille qu'il venait de rencontrer ? Après quelques jours à distance d'Agnes, son moral était pourtant au plus bas. Comme un besoin vital, son regard cherchait constamment la blonde.

« Ya un malaise entre Toto et toi ? » lui demanda Romain lors de la randonnée, assez à l'écart du reste du groupe pour pouvoir discuter sans risquer les oreilles indiscrètes. Agnes s'était beaucoup rapprochée du demi d'ouverture toulousain, sympathique, à l'écoute, blagueur mais moins lourd que certains de ses coéquipiers, ce que la jeune femme appréciait. Tout comme Anthony et Grégory, les meilleurs amis d'Antoine, Romain avait bien remarqué la distance prise entre Agnes et son sauveur, qui tranchait avec la proximité qu'ils avaient affiché les jours précédents. Pire, ils avaient vu à quel point la Française fuyait le regard du capitaine du XV de France, qui lui l'observait à la moindre occasion.

Agnes soupira et réfléchit à la réponse à donner à Romain. Finalement, elle opta pour la vérité. Elle sentait qu'elle pouvait lui faire confiance et elle avait définitivement besoin de vider son sac.

« Disons que je suis assez mal à l'aise. »

« Depuis la soirée sur la plage ? » Agnes hocha la tête et Romain sembla comprendre l'origine du problème. « Damian peut être très lourd quand il s'y met. »

« Mais je n'aurais pas dû me retrouver dans cette position. Je suis vraiment idiote. Je suis déjà très chanceuse de pouvoir vous côtoyer pendant ces quelques semaines, je n'ai pas à passer une soirée entière avec Antoine, à porter sa chemise, à... »