CHAPITRE 6 : LES OBSÈQUES

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Ce que je détestais le plus au début du décès, c'étaient les couchers, le cerveau se mettait en route et rien ne pouvait contrôler ses pensées incessantes. Je m'endormais de fatigue à force de pleurer. Je m'endormais souvent avec le son de la télévision car le silence devenait trop pesant et c'était impossible pour moi de dormir sans un bruit de fond. Et ça je remercie Antoine d'avoir été compréhensif là-dessus et de laisser chaque nuit la télé pour que je me sente mieux.

Mais les couchers étaient une chose, les réveils étaient finalement les plus horribles parce que, c'est là, que la réalité te rattrape et te dis : ton père est mort, tu ne lui parleras plus jamais, tu n'entendras plus jamais le son de sa voix et tu ne le toucheras plus. Tout ça, c'est terminé ! Et le plus dur c'est que c'est si vrai et ça, faut encore l'accepter.

Dès le lendemain du décès c'était le début des hostilités. À peine je réalisais la gravité de la situation au réveil, que les appels fusaient.
J'étais encore chez tonton et un premier appel se fait entendre c'est l'hôpital.

- Oui bonjour madame. 

- Bonjour. 

- C'est l'hôpital, avez-vous commencé les démarches auprès des pompes funèbres ?

- Heu écoutez, nous avons appris le décès hier soir et j'ai déjà du mal à le réaliser.

- Je comprends mais là il faut agir vite vous savez on ne peut pas garder éternellement votre papa ici.

- Oui je sais bien mais vous savez, je ne sais pas trop comment procéder moi ...

- Vous devez vous mettre en relation avec les pompes funèbres qui devront récupérer le corps.

Quelle conne ! Tu peux arrêter de parler de mon père comme si c'était un objet! Tu peux le respecter. Je sais qu'ils font ça tous les jours et que c'est leur métier. Mais n'ont-ils pas des cours de tact dans leur formation ?

- Oui je comprends je vais appeler ma maman pour voir ça avec elle.

- Oui il faut agir vite parce qu'après 24H chez nous, la présence du corps de votre père vous sera facturer une certaine somme pour qu'on puisse le garder plus longtemps !

Mais elle me parle business là maintenant ?? Elle se fout de ma gueule ?? Je suis outrée qu'on puisse manquer d'empathie à ce point. 

- Alors vous savez, je n'ai que 22 ans je viens de perdre mon père de 46 ans et vous osez me parler pognon maintenant ?

- Pardon mademoiselle je ne m'étais pas rendu compte de mes propos !

- Au revoir !

Je lui raccroche au nez. Je n'en reviens pas. Comment peut-on me dire des choses pareilles. C'est insensé !

Nous finissons par appeler rapidement le service des pompes funèbres et tout est allé très vite. Dès le lendemain j'étais de retour à l'hôpital, nous devions récupérer les affaires personnelles de papou. Encore une étape parmi tant d'autres. Ce n'était que le début de la descente aux enfers.

Nous pouvions, si nous le souhaitions, aller voir papou à la morgue. Je déteste ce mot, je le trouve morbide à souhait. C'est la seule chose que je n'ai pas pu faire de tout le processus de prise en charge du corps jusqu'à la crémation.

Je ne voulais pas y aller, j'imaginais les longs couloirs pour y arriver, une ambiance très glaciale, avec des tiroirs de partout et l'étiquette sur le doigt de pied de mon père (qui n'était plus considéré comme un être humain mais un objet dans un tiroir putain). J'ai peut-être trop regardé de séries ou de films mais tout cela était au-dessus de mes forces.

PATUTE, à coeur ouvertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant