CHAPITRE 2 : MON ENFANCE

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Pour comprendre la relation fusionnelle que j'avais avec mon père, je dois vous raconter quelques éléments de notre vie.

Tout d'abord, papou (c'était son surnom et moi j'étais sa « patute ») était un homme d'une incroyable générosité et aimait ses filles comme tous les pères devraient les aimer. Mon père était et est le seul homme en qui j'ai une confiance aveugle. Il ne m'a jamais trahi, ni fait du mal ou encore moins manquer de respect. Il a toujours su être bienveillant et à l'écoute lorsque j'en avais besoin (surtout pendant mon adolescence).

Mon père était quelqu'un d'immensément drôle, une des seules personnes qui pouvait me faire pleurer de rire tous les jours. Il imitait (très mal assurément) des chanteurs, des personnages de dessins animés ou encore des accents (l'accent portugais restera à jamais mon préféré).

Il faut savoir que mon père travaillait comme chef de chantier, donc il était régulièrement en déplacement la semaine. On ne le voyait que les weekends la plupart du temps. Malgré la fatigue du travail ou les disputes avec maman, il rentrait tout le temps et ne manquait jamais à l'appel. Pour rien au monde, j'en suis certaine, il aurait loupé un week-end avec ses filles.

Pour tout vous dire, papou était un homme impliqué dans notre vie (pas forcément dans le ménage mais bon c'était un chef cuistot hors pair). Je vais vous donner quelques anecdotes parmi tant d'autres mais celles-ci sont mes trois préférées.

Un jour, on découvre à la télé le jeu « À prendre ou à laisser » présenté par Arthur. Le jeu de société n'était pas encore sorti mais nous adorions ma sœur et moi cette émission. Alors un week-end il est rentré et avait préparé le jeu pour nous. Il avait glissé des petits bouts de papier entre deux legos pour former les boîtes de jeu. On a passé la soirée à y jouer. Un souvenir peut être anodin pour vous et même ridicule mais pour moi un souvenir si bon à garder.

Et pour vous prouver à quel point mon père était à l'écoute et d'une gentillesse... Un soir je rentre de l'école et je précise, depuis que je sais parler, je veux devenir enseignante en maternelle (ce que je suis devenue et dont j'aurai aimé qu'il voit l'aboutissement). Et bien je suis rentrée de ma journée de classe et quand je suis arrivée dans notre salle de jeu, j'y ai trouvé un énorme tableau noir (qui prenait une bonne partie du mur). Papou l'avait spécialement conçu pour moi pour que je puisse jouer à la « maîtresse » (au plus grand désespoir de mes sœurs qui n'en pouvaient plus de jouer mes élèves).

Puis une fois, il était sur un chantier à Paris, mon père savait que j'étais une fan inconditionnelle du chanteur Christophe Maé. Ce jour-là, il voit un attroupement au loin et découvre que c'est le chanteur et son équipe qui tourne le clip « La parisienne ». Mon père s'est donc arrêté et m'a envoyé plein de vidéos en avant-première du clip de cette chanson.

Juste en écrivant tout cela, je me rends compte à quel point j'ai eu de la chance d'avoir un père aussi présent et à l'écoute. Je ne vous conte pas toutes les nombreuses fois où il est revenu avec des fleurs (pour ma mère et nous, ses trois filles) ou encore il avait toujours un petit message mignon pour certaines occasions. Mon père nous a toujours préserver et protéger de tout.

Je me rappelle une seule fois m'être prise la tête avec lui (et même sur son lit d'hôpital je me suis excusée à nouveau). Cette histoire remonte au collège (je devais être en quatrième ou troisième : l'époque de « l'âge con » comme disaient souvent mes parents). J'ai menti tout bêtement à mes parents pour une soirée et un cinéma que je devais aller faire avec mes potes. Sophie ma grande copine de connerie était dans le coup mais maman a surpris notre conversation au téléphone et a tout raconté à papou.

Papa a très mal pris le fait que je mente et que je me moque d'eux. Oui, je me suis moquée, pour un truc très con, nous devions aller au cinéma pour voir le film « Gravity » (je peux vous assurer que je déteste ce film depuis) en famille et ma pote m'a proposé. Je lui ai dit oui en disant « De toute façon quand j'irai avec mes parents je ferai genre waouh trop cool ce film !». Bref, mon père l'a très mal pris et m'en a voulu. Pendant trois mois (jour pour jour), mon père m'a totalement ignoré. Je lui disais bonne nuit le soir il ne détournait même pas le regard, je l'embrassai et je n'avais rien en retour. Une situation des plus horribles puisque comme vous l'avez compris, nous étions très proches.

Je vous avoue que j'ai toujours été la gamine très studieuse et douée à l'école. Je ne répondais jamais à mes parents et respectais la plupart du temps les règles de la maison sans broncher. Donc d'un coup déception de l'enfant « sage » et j'en ai pris pour mon grade.

Bref, un jour, ne supportant plus la situation (malgré les discussions avec ma mère, les amis de mes parents et mon père qui ne voulait rien entendre) je me suis pointée devant lui et j'ai dit :

- Tu sais quoi papa, je n'en peux plus de ton silence. Bats-moi à sang si tu veux mais fais quelque chose parce que là je n'en peux plus... (je suis en larmes)

Il m'a regardé, une larme coulait sur son visage et il m'a pris dans ses bras en m'embrassant (Quel putain de soulagement !!) et il m'a dit « Ne recommence jamais ça ! ». Je vous assure que je n'ai plus jamais manqué de respect à mon père et on ne s'est plus jamais fait la gueule.

Bref, j'ai eu une enfance heureuse, je ne peux pas mentir là-dessus, mais j'ai eu une adolescence assez triste (des chagrins d'amour, des déceptions amicales) mais pas que... À la maison, les parents s'engueulaient, j'étais un peu la bonne à tout faire à la maison aussi. Ce n'était pas évident parfois mais je pouvais compter sur ma sœur Marine pour me faire rire et nous détendre. J'aime plus que tout également mon autre sœur Anna mais avec Marine, nous n'avons que 10 mois d'écart et avons été élevées comme des sœurs jumelles. Elle est ma petite lueur dans les jours sombres tout comme je suis la sienne. Elle est très importante dans ma vie et occupe une place quotidienne.

J'ai pu grandir avec deux frangines à mes côtés, deux frangines avec qui je m'entends à merveille et avec qui nous avons un lien très fort (d'autant plus maintenant).

On compare souvent notre famille à un « CLAN » et bien que certains déteste ce mot moi je l'adore. J'adore faire partie de ce clan où nous sommes en totale harmonie les uns avec les autres (que de l'amour et bien sur des engueulades mais comme dans toutes les familles).

Mais dans des moments sombres comme nous avons vécu, il y a quelques années maintenant, il faut savoir être soudés puisque certains se barrent sans donner de nouvelles, d'autres font genre d'être présents pour dorer leur blason (ce sont les pires). Mais dans ces épreuves- là, les langues se délient aussi, on apprend des secrets de famille, des mensonges où l'on ose encore nous regarder droit dans les yeux, on ose nous dire des choses horribles et on ne vous parle plus « parce que tu es chiante quand tu es triste ».

Alors comme vous le comprenez, j'ai fait du ménage dans mes amis, dans ma famille et dans ma vie... Commençons par le début de ce long processus de deuil. Apprendre la maladie, la comprendre, l'assimiler et l'accepter (même si cela n'est toujours pas fait bien entendu). Foutu cancer de merde ! Je te déteste !

PATUTE, à coeur ouvertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant