Azaël
Je me tiens dans la grande bibliothèque du manoir, un livre ouvert devant moi, mais mon esprit est ailleurs. Les mots sur la page se brouillent alors que mes pensées dérivent inexorablement vers Azélia. Ce manoir, autrefois mon refuge, est maintenant une prison. Chaque recoin, chaque ombre murmure son nom, me rappelant ce que j'ai perdu.
Soudain, un bruit de pas brise le silence. C'est Ryle, mon ami de longue date, qui entre dans la pièce. Il m'observe, son visage marqué par l'inquiétude. Ryle sait que depuis le départ d'Azélia, je ne suis plus le même. La tristesse et la solitude m'ont englouti.-"Tu ne peux pas continuer comme ça," dit-il en s'approchant. "Elle te manque, et ça te ronge de l'intérieur."
Je ferme les yeux un instant, essayant de chasser la douleur.
-"Je sais, Ryle. Mais c'est compliqué. Elle m'a quitté pour une raison. Elle a besoin de temps, de distance... et peut-être qu'elle est mieux sans moi."
Ryle s'assoit en face de moi, son expression grave.
-"Peut-être qu'elle avait besoin de temps, oui. Mais ça ne veut pas dire que tu dois rester ici à te morfondre. Tu l'aimes, Azrael. Tu ne peux pas simplement abandonner sans essayer de la retrouver."
Je soupire, posant le livre que je n'ai même pas lu.
-"Je ne veux pas la blesser davantage. J'ai déjà causé assez de douleur. Et puis, que vais-je lui dire ? Que je suis désolé ? Que je regrette tout ? Les mots ne suffisent pas. Elle mérite mieux."
Ryle secoue la tête, son regard perçant.
-"Elle mérite la vérité, Azrael. Elle mérite de savoir que tu es prêt à te battre pour elle, que tu es prêt à changer, à être l'homme dont elle a besoin. Tu ne peux pas laisser la peur te paralyser. La vie est trop courte pour laisser passer l'amour."
Je reste silencieux, mes pensées tourbillonnant dans mon esprit. Je sais que Ryle a raison. L'idée de vivre sans Azélia m'est insupportable, mais l'idée de la décevoir encore une fois m'effraie tout autant.
-"Et si je la perds pour de bon ?" murmuré-je, la voix brisée par l'émotion. "Si elle me repousse ?"
Ryle pose une main ferme sur mon épaule.
-"Tu ne sauras jamais si tu n'essaies pas. Parfois, il faut prendre des risques, même si c'est effrayant. Ne laisse pas la peur te dicter ta vie. Tu l'aimes, Azrael. Ne la laisse pas partir sans te battre pour elle."
Les mots de Ryle résonnent dans mon cœur. Je sens une étincelle d'espoir, un besoin irrépressible de revoir Azélia, de lui dire ce que je n'ai jamais eu le courage de dire avant. Je me lève brusquement, une décision enfin prise.
-"Tu as raison," dis-je, ma voix plus ferme. "Je dois la voir. Peu importe combien c'est compliqué, je dois au moins essayer."
Ryle sourit légèrement, satisfait de voir que j'ai retrouvé un peu de ma détermination.
-"Alors, qu'est-ce que tu attends ? Va la chercher. Montre-lui que tu es prêt à tout pour elle."
Je hoche la tête, attrapant ma veste. Je n'ai aucune idée de ce que je vais dire ou de comment Azélia réagira en me voyant. Mais je sais une chose avec certitude : je ne peux plus rester ici, passif, à me laisser consumer par la tristesse et le regret. Je dois agir, et je dois le faire maintenant.
La nuit est tombée quand j'arrive à New York. Le bruit de la ville me frappe de plein fouet, un contraste brutal avec le silence oppressant du manoir. Je me tiens en bas de l'appartement d'Azélia, le cœur battant à tout rompre. Le doute m'envahit à nouveau – et si je faisais une erreur ? Et si elle avait vraiment besoin de cette distance ? Mais l'image d'elle, seule, tout comme moi, me donne la force de continuer.
Je me tiens au bas des escaliers, mon regard fixé sur la porte de l'appartement d'Azélia. Le battement rapide de mon cœur résonne dans mes oreilles, comme s'il tentait de m'encourager à monter les quelques marches qui me séparent d'elle. Mais malgré toute la détermination qui m'a conduit jusqu'ici, quelque chose en moi se fige.
Je n'arrive pas à bouger. Mes pieds semblent enracinés au sol, comme si une force invisible me retenait. Les doutes, que j'avais réussi à repousser pendant le trajet, refont surface avec une intensité dévorante. Et si je ne faisais qu'aggraver la situation en venant ici ? Et si mon apparition ne faisait que rouvrir des blessures qu'Azélia essaie de guérir ?
Le silence du hall d'entrée contraste avec le bruit de la rue qui s'étouffe à mesure que je m'enfonce dans mes pensées. La lueur d'un réverbère filtre à travers la porte vitrée, projetant une ombre tremblante sur le sol. Je glisse une main dans ma poche, mes doigts serrant compulsivement le bout de papier où j'ai griffonné ce que je pourrais lui dire. Mais ces mots me semblent soudainement dérisoires, incapables de saisir toute l'ampleur de ce que je ressens.
Le souvenir du dernier regard qu'Azélia m'a lancé avant de partir hante mon esprit. Elle était blessée, mais aussi résolue. Je me demande si elle a commencé à reconstruire sa vie ici, à trouver un semblant de paix loin de moi. Peut-être a-t-elle enfin trouvé ce qu'elle cherchait : une vie sans les fantômes de notre passé commun.
L'idée que je pourrais tout gâcher en frappant à cette porte me serre le cœur. Peut-être suis-je venu trop tôt, ou peut-être même que je n'aurais jamais dû venir. Azélia m'a demandé du temps, et voilà que je me tiens là, prêt à tout bouleverser par égoïsme, par peur de la perdre pour de bon.
Je ferme les yeux un instant, essayant de calmer le tourbillon d'émotions qui m'envahit. Chaque fibre de mon être me hurle d'agir, de courir à sa porte, de lui dire tout ce que j'ai sur le cœur. Mais je reste là, figé, incapable de faire ce pas de plus.
Je me rappelle alors des mots de Ryle : "Ne laisse pas la peur te dicter ta vie." Pourtant, à cet instant, c'est précisément la peur qui me paralyse. La peur de ne pas être assez, de ne pas être l'homme qu'elle mérite. La peur que, malgré tout mon amour, je sois incapable de réparer ce qui est brisé.
Les secondes s'étirent en une éternité alors que je me débats intérieurement. Je ne suis pas sûr de pouvoir supporter de la voir me tourner le dos une fois de plus.
L'idée de repartir sans même avoir tenté le moindre geste me semble tout aussi insupportable.
Finalement, je recule lentement, me dirigeant vers le coin sombre du hall, hors de la vue des fenêtres de l'appartement d'Azélia. Je m'adosse au mur, mes jambes faiblement supportées par la force de ma résolution défaillante. Je laisse échapper un souffle tremblant, sentant le poids du choix que je dois faire.
Je reste là, dans l'ombre, écoutant les bruits étouffés de la ville à travers les murs épais. Je l'imagine de l'autre côté de cette porte, peut-être en train de se préparer à dormir, inconsciente de ma présence en bas. L'image me brise le cœur, mais en même temps, je ne veux pas briser la paix qu'elle a peut-être trouvée ici.
Je sors mon téléphone de ma poche, hésitant un instant avant de taper un message. Je commence à écrire, puis efface, recommence, les mots ne venant pas comme je le voudrais. Finalement, j'écris quelque chose de simple, mais vrai :-"Je suis en bas. Je voulais te voir, mais je n'ai pas osé. Je t'aime, Azélia. Tu me manques tellement que je ne pouvais plus rester loin de toi. Mais si tu as besoin de plus de temps, je comprends. Je serai là, quand tu seras prête, si tu veux bien de moi."
Je reste là, le pouce suspendu au-dessus du bouton d'envoi, hésitant une dernière fois. Puis, je prends une profonde inspiration et j'appuie sur "Envoyer". Le message part, laissant derrière lui un Azrael en proie à une angoisse sourde.
Je reste quelques minutes supplémentaires, espérant un signe, un message, un mot d'Azélia. Mais le silence est tout ce que je reçois. Se sentant plus seul que jamais, je me résigne. Je me détourne enfin et sors lentement du bâtiment, chaque pas m'éloignant d'elle me semblant plus difficile que le précédent.
Je jette un dernier regard vers les fenêtres de son appartement avant de disparaître dans la nuit new-yorkaise, le cœur lourd, mais en paix avec l'idée que j'ai au moins essayé.
Je me détourne lentement du bâtiment, chaque pas m'éloignant de l'appartement d'Azélia semblant plus lourd que le précédent. La nuit new-yorkaise enveloppe la ville d'une obscurité réconfortante, mais pour moi, elle ne fait qu'accentuer ma solitude.
Je marche sans but précis, les pensées en vrac, les émotions en tumulte. Le poids de ma décision, ou plutôt de mon indécision, m'écrase. Je m'étais préparé à affronter mes peurs, à prendre des risques, mais une fois face à elle, la réalité m'a submergé. J'avais espéré trouver la force de franchir ce seuil, mais la peur et le doute ont eu raison de moi.
En montant dans un taxi, je fixe le paysage urbain défiler par la fenêtre. La ville continue de vibrer autour de moi, indifférente à mon désespoir. Je soupire profondément, essayant de comprendre ce qui s'est passé, pourquoi je n'ai pas pu pousser cette porte, pourquoi je n'ai pas pu la voir.
Le taxi m'amène lentement vers le manoir. Une partie de moi se sent soulagée de retourner là-bas, mais une autre partie est remplie de regret et de frustration. Une prochaine fois, me dis-je. Peut-être que la prochaine fois, je serai plus courageux. Peut-être que je trouverai les mots justes, le moment parfait. Mais pour l'instant, tout ce que je peux faire, c'est accepter que ce n'était pas le bon moment.
Quand je rentre enfin au manoir, il est tard. Le silence du grand hall me semble encore plus oppressant qu'avant. Chaque pièce, chaque objet semble me rappeler ma défaite. Je me rends directement à ma chambre, laissant mes pensées vagabonder sans but.
Je me laisse tomber sur le lit, regardant le plafond, perdu dans une contemplation morne. Je pense à Azélia, à ce qu'elle pourrait être en train de faire, à la manière dont elle pourrait réagir en recevant mon message. Est-ce que je lui ai causé plus de douleur en venant jusqu'ici sans oser la voir ?
Je prends mon téléphone, vérifiant à nouveau si elle m'a répondu. Rien. Je comprends que je dois laisser le temps faire son œuvre, qu'il n'y a rien d'autre à faire pour l'instant. L'idée de tout recommencer me paraît décourageante, mais je sais qu'au fond, c'est ce que je dois faire. Je dois me préparer à revenir plus fort, plus déterminé, prêt à affronter mes peurs.Je ferme les yeux, murmurant pour moi-même :
-"Une prochaine fois, peut-être." C'est une promesse à moi-même, une promesse de revenir quand je serai prêt, quand je serai capable de franchir cette porte et d'affronter la réalité, quelle qu'elle soit.
Je m'endors finalement, le cœur lourd mais déterminé à ne pas abandonner complètement. La prochaine fois, je me le promets, je serai prêt.FIN
A bientôt, peut être ?
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Secrets
RomanceAzélia Celle qui est chassé. Orpheline, recueillie dans un couvent depuis le tragique décès de ses deux parents. Malheureusement pour elle, ce couvent est loin d'être ce qu'elle pensait, regorgeant de secrets et de choses immondes et sombres, elle d...