𝐜𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟗

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 Quand je me réveille à nouveau, je suis toujours dans cette pièce obscure, mais cette fois, je me sens moins désorientée. La femme qui m'a parlé plus tôt est assise en face de moi, une lettre à la main. Elle me regarde avec une intensité qui me met mal à l'aise.

-"Il faut que tu lises ça", dit-elle d'une voix grave en tendant la lettre vers moi.

Je prends l'enveloppe d'une main tremblante et l'ouvre lentement. L'écriture est familière, mais ce qui me frappe immédiatement, c'est la signature au bas de la lettre : C'est elle.

-"Je... je ne comprends pas", balbutiai-je en regardant la femme, cherchant une explication. "Pourquoi elle ferait ça ?"

-"Lis", ordonne-t-elle fermement.

Je commence à lire, mon cœur battant à tout rompre. La lettre est adressée à quelqu'un que je connais bien, et chaque mot pèse lourdement sur moi. Elle raconte son enfance au couvent, comment elle a été abandonnée par ceux qui devaient la protéger. La rancœur suinte de chaque phrase, la haine qu'elle a nourrie toutes ces années devient évidente à mesure que je déchiffre les lignes.
Puis, soudain, la révélation me frappe comme un coup de poignard : elle a donné l'adresse. L'endroit où nous nous trouvons maintenant: Le refuge d'Azraël. Elle les a tous attirés ici... pour les tuer.
Un frisson glacé parcourt ma colonne vertébrale. Je lève les yeux vers la femme, mon esprit en proie à la panique.

-"Comment a-t-elle pu faire ça ? Pourquoi ?"

La femme me fixe, son regard devenu étrangement compatissant.

-"Elle a été brisée", murmure-t-elle. "Mais elle n'a pas été la seule. Tous ceux qui sont ici ont une part de responsabilité, toi y compris."

Je sens la terreur m'envahir. Je me souviens maintenant... de ce que nous lui avons fait, de ce que nous avons laissé faire. Les souvenirs refoulés remontent à la surface, me submergeant. Les rires cruels, les murmures venimeux, et la solitude dans laquelle nous l'avions laissée.

Les bonnes sœurs nous ont demandé de faire du mal à cette fille, la nouvelle qui est récemment arrivée au couvent. Ils l'ont attaché au sous-sol.

-"On va tous ensemble punir cette jeune fille d'accord les enfants."

Personne n'avait le courage de dire non, elles font trop peur, elles sont dangereuses, je veux pas subir encore les coups, mais je ne veux pas les faire subir non plus, pauvre fille..

-"Elle veut que justice soit faite", continue la femme. "À sa manière."

Je l'entends soudain, le bruit lourd des pas à l'extérieur de la pièce. Ils sont là. Ils sont tous là. Alexander, Azrael... et les autres. Ceux que nous avions connus au couvent.

-"Il n'y a pas d'échappatoire", me souffle la femme, et je comprends qu'elle fait partie du plan. Elle fait partie du plan.

Soudain, la porte s'ouvre avec fracas, et les hommes de main d'Azrael surgissent. Mais au lieu de se tourner contre moi, ils se tournent vers la femme. Un sourire cruel se dessine sur son visage tandis qu'ils l'encerclent.

-"C'est le moment", dit-elle, ses yeux étincelant d'une malice froide. "Faites ce que vous avez à faire."

Je réalise trop tard ce qu'elle avait prévu. Ce n'était pas moi, ni eux. C'était elle la cible de cette folie. Elle avait tout orchestré, sachant que sa mort déclencherait le chaos nécessaire pour se venger une dernière fois de nous tous.

Les hommes s'emparent d'elle, et avant que je puisse réagir, un coup de feu retentit. Le silence qui suit est assourdissant. Je me retrouve seule, le goût amer de la trahison sur la langue. La lettre glisse de mes doigts, tandis que l'écho de ce dernier acte de vengeance résonne dans le couvent désert.
Les murs résonnent encore du coup de feu, l'écho se dissipe dans l'obscurité oppressante. Je reste figé, le souffle court, incapable de détourner les yeux du corps inerte de la femme à mes pieds. Tout s'est passé si vite, et pourtant, chaque détail est gravé dans ma mémoire : son sourire cruel, le fracas de la porte, le claquement sec de l'arme.
Un silence lourd s'abat sur la pièce, mais il est rapidement brisé par un murmure à peine perceptible. Je tourne la tête, cherchant la source du bruit, et c'est alors que je le vois. Azrael, couvert de sang, debout dans l'encadrement de la porte, un regard de terreur et d'incompréhension fixé sur la scène.

-"Qu'est-ce que... qu'est-ce que tu as fait ?" balbutie-t-il, ses yeux se posant tour à tour sur moi et sur la femme morte.

-"Ce n'est pas moi", dis-je d'une voix rauque, mais les mots semblent vides, insignifiants face à l'horreur de la situation. "Elle... c'était elle, tout ce temps."

Azrael s'approche lentement, ses pas résonnant sur le sol froid du couvent. Il s'agenouille près du corps et fouille dans les poches de la femme. De sa main tremblante, il en sort une autre lettre, identique à celle que j'avais lue plus tôt. Ses yeux s'écarquillent en la dépliant, ses lèvres tremblent alors qu'il parcourt le texte.

-"Non... non, c'est impossible", murmure-t-il, secouant la tête. "Elle savait... elle savait qu'on viendrait ici. Elle a tout prévu."

Je me rapproche, jetant un coup d'œil à la lettre. C'est un plan, détaillé et froidement calculé. Elle savait que nous viendrions ici, que nous tomberions dans le piège. Mais ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi elle s'est sacrifiée dans ce plan diabolique. Quel était le but final ?

-"C'était pour nous punir", dit soudain Azrael, comme s'il avait lu dans mes pensées. "Elle voulait qu'on se déchire entre nous, qu'on se méfie les uns des autres... jusqu'à ce qu'il ne reste plus personne."

-"Mais pourquoi se sacrifier ?" demandai-je, l'esprit embrouillé. "Elle aurait pu nous détruire autrement, sans mourir."

Azrael me fixe alors, une lueur de compréhension s'allumant dans ses yeux.

-"Parce qu'elle savait qu'en mourant, elle deviendrait intouchable. Une martyr. Elle savait que sa mort nous hanterait

pour toujours, que la culpabilité nous dévorerait. Et c'est exactement ce qu'elle voulait."

Je sens mon cœur se serrer à ces mots. Elle avait tout prévu, jusqu'à la moindre réaction. Elle nous a manipulés même dans la mort. Mais avant que je puisse m'enfoncer davantage dans cette spirale de pensées sombres, un bruit à l'extérieur du couvent attire notre attention.
Les pas résonnent à nouveau, mais cette fois, ils sont plus lourds, plus nombreux. Alexander entre dans la pièce, suivi de plusieurs hommes, tous armés. Le regard qu'il me lance est empreint de colère, mais aussi de confusion.

-"Qu'est-ce qui s'est passé ici ?" demande-t-il, sa voix grondant dans l'air oppressant.

Je n'ai pas le temps de répondre que l'un des hommes s'avance et saisit la lettre des mains d'Azrael. Il la parcourt rapidement, puis lève les yeux vers nous avec une expression de stupeur.

-"Elle a tout orchestré. Elle nous a attirés ici pour se venger... et elle a réussi."

Alexander reste silencieux un moment, ses poings se serrent à ses côtés. Puis, d'un geste brusque, il fait signe à ses hommes.

-"Nous devons partir. Maintenant. Avant que quelqu'un d'autre ne tombe dans ce piège."

Mais avant que nous ne puissions bouger, un dernier coup de théâtre survient : une autre lettre, cette fois déposée discrètement sur une table au fond de la pièce. Je m'en approche, l'ouvre avec précaution, et commence à la lire à haute voix :

-"À ceux qui survivront, sachez ceci : ma mort n'est que le début. Vous ne pourrez jamais échapper à votre passé, tout comme vous ne pourrez jamais fuir ce lieu maudit. Le couvent vous appartient désormais. Faîtes-en bon usage... ou laissez-le vous dévorer."

Le silence retombe, plus pesant que jamais. Une dernière partie du plan venait de se révéler, et nous comprenons alors que nous sommes pris au piège, non seulement physiquement, mais aussi mentalement. Le couvent n'est plus simplement un lieu ; c'est un symbole de tout ce que nous avons été, et de tout ce que nous ne pourrons jamais effacer.
Alexander se tourne vers moi, une lueur d'inquiétude dans les yeux.

-"Nous devons détruire cet endroit", dit-il d'une voix ferme. "Le brûler jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien."

Mais au fond de moi, je sais que ce ne sera jamais suffisant. Le couvent peut brûler, mais les fantômes de notre passé, eux, resteront à jamais.

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