𝐏𝐫𝐨𝐥𝐨𝐠𝐮𝐞

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— Indianna est passée tout à l'heure, elle m'a dit de te dire à bientôt.

Je reste figée, le cœur lourd, incapable de répondre. Indianna, ma meilleure amie depuis toujours, celle avec qui j'ai partagé tant de moments, de secrets, de fous rires, va disparaître de ma vie. Comment ma mère peut-elle prononcer ces mots avec une telle légèreté ? Comme si ce n'était qu'un simple départ, une transition banale. Mais pour moi, c'est bien plus que ça. C'est l'arrachement d'une partie de moi-même, une fracture dans notre lien indéfectible.
Je monte dans ma chambre, le pas lourd, les larmes menaçant de couler. Je m'effondre sur mon lit, le visage enfoui dans l'oreiller, cherchant à étouffer les sanglots qui montent. L'idée de perdre Indianna m'est insupportable. New York est si loin, si différent de notre petit coin tranquille ici. Comment allons-nous rester proches ? Comment vais-je survivre sans elle à mes côtés ?
Je pense à tous nos moments ensemble, aux après-midis passés à regarder des films, à nos discussions interminables sur tout et rien, à nos projets pour l'avenir. Tout cela semble soudainement si lointain, si fragile. Et moi, je reste ici, seule, dans ce vide qu'elle va laisser derrière elle.
Ma mère frappe doucement à la porte avant d'entrer. Elle s'assied à côté de moi, une main réconfortante posée sur mon dos.

— Je sais que c'est difficile, chérie, mais tu pourras toujours aller la voir. New York, ce n'est pas le bout du monde, tu sais ?

Ses mots se veulent rassurants, mais ils ne font que renforcer ma tristesse. Non, ce ne sera plus jamais pareil. Indianna part, et avec elle, une partie de moi s'en va aussi.
Je me redresse lentement, essuyant mes larmes du revers de la main. Ma mère se lève, me jetant un regard compatissant avant de quitter la pièce. Je sais qu'elle essaie de faire de son mieux, mais rien ne peut adoucir cette douleur.
Je rassemble mes dernières affaires, traînant des pieds comme si cela pouvait retarder l'inévitable. La maison est silencieuse, chaque bruit résonne dans un écho vide. Je jette un dernier coup d'œil à ma chambre, à ces murs qui ont été témoins de tant de moments partagés avec Indianna. Un pincement au cœur, puis je ferme la porte.
Dans le couloir, ma mère m'attend, les clés de la voiture à la main. Elle me sourit faiblement, et je hoche la tête, signe que je suis prête. Nous descendons les escaliers en silence, chaque pas me rapprochant un peu plus de cette nouvelle réalité que je refuse d'accepter.
Une fois dehors, l'air frais me frappe, me ramenant un peu à la réalité. Je regarde autour de moi, essayant de graver ces images dans ma mémoire. Le jardin, le grand chêne sous lequel Indianna et moi avons passé tant de moments, tout me semble soudain si précieux.
Nous montons dans la voiture. Je m'installe sur le siège passager, mon sac posé à mes pieds. Ma mère démarre le moteur, et sans un mot, nous quittons notre maison. Je garde les yeux rivés sur le paysage qui défile par la fenêtre, essayant de retenir chaque détail, chaque coin de rue.
La route est longue, monotone. Les kilomètres s'enchaînent, et avec eux, le sentiment d'éloignement grandit. New York me semble un monde à part, un endroit inconnu où je ne sais pas encore quelle place je vais trouver. Miles, mon beau-père, est un homme bien, je le sais, mais l'idée de vivre avec lui me paraît étrange, irréelle. Je n'ai pas choisi cette nouvelle vie, et pourtant, je dois l'accepter.
Ma mère tente de briser le silence en lançant une conversation sur le déménagement, sur la nouvelle école que je vais intégrer. Je hoche la tête, répondant par des monosyllabes. Rien de ce qu'elle dit ne parvient à me réconforter.
Après plusieurs heures de route, nous approchons enfin de New York. Les immeubles gigantesques commencent à se dessiner à l'horizon, les lumières de la ville scintillent malgré l'après-midi qui décline. Mon cœur se serre une nouvelle fois. Je sens que tout va changer, et cette pensée me terrifie.
Nous arrivons enfin devant l'immeuble où Miles nous attend. Il se tient là, souriant, mais je ne peux m'empêcher de ressentir un étrange mélange d'appréhension et de tristesse. Ma mère se tourne vers moi, posant une main douce sur mon épaule.

— Ça va aller, tu verras, me dit-elle doucement.

Je prends une grande inspiration, puis ouvre la portière. Les pavés froids de la rue sous mes pieds, je réalise que c'est ici que tout commence. Une nouvelle vie, loin de tout ce que je connais, loin de tout ce que j'aime.
Miles s'approche, m'accueille avec une étreinte chaleureuse, mais mon cœur reste ailleurs, dans cette maison que j'ai quittée, avec Indianna.
Je suis encore dans les bras de Miles quand j'aperçois un garçon un peu plus âgé que moi, adossé à l'encadrement de la porte de l'immeuble. Il a l'air de nous observer, un sourire en coin, un brin moqueur. Je fronce les sourcils, ne le reconnaissant pas.
Miles se recule légèrement, posant une main sur mon épaule.

— Alesha , je te présente Camille, mon fils. Il vivra avec nous à partir de maintenant. Il a deux ans de plus que toi, mais je suis sûr que vous allez bien vous entendre.

Je reste figée un instant, surprise, deux ans de plus que moi, il a donc 21 ans. Personne ne m'a dit que j'aurais un nouveau frère. Je le fixe, essayant de deviner quelque chose à travers son expression détachée. Il s'avance vers moi, les mains dans les poches, et je sens un malaise grandir en moi.

— Salut, dit-il d'un ton décontracté, mais son sourire se transforme en un rictus sarcastique. Bienvenue chez nous, Sunshine. Ton cauchemar commence maintenant.

Je cligne des yeux, perplexe. Est-ce censé être une plaisanterie ? Son regard ne laisse rien transparaître, mais ses mots résonnent étrangement en moi. Un mélange de provocation et de défi, comme s'il voulait me tester, voir ma réaction.
Je jette un coup d'œil à ma mère et à Miles, cherchant un indice, une réaction, mais ils semblent ignorer l'échange. Ma mère sourit encore, rassurée, pensant peut-être que tout se passe bien.

— Euh, merci... je suppose, dis-je finalement, essayant de cacher mon inconfort derrière une réponse neutre.

Camille me fixe un moment de plus, puis hausse les épaules avant de se détourner. Il disparaît dans l'immeuble, me laissant seule avec mes pensées. Je ne sais pas quoi penser de lui, mais une chose est certaine : cette nouvelle vie s'annonce beaucoup plus compliquée que je ne l'avais imaginé.

My step brother | EN CORRECTION|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant