Chapitre 19 : L'espionne

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La pluie tombait sans relâche sur le district, créant une mélodie constante et rythmée de gouttes d'eau frappant les pavés. Les rues étaient couvertes de flaques d'eau et de boue, chaque pas soulevant des éclaboussures froides et sales. Des silhouettes emmitouflées couraient en tout sens, leurs manteaux et capes de pluie tirés serrés autour de leurs corps pour se protéger de l'averse. Les visages étaient fermés, les regards baissés, chacun cherchant à échapper à la pluie battante et à l'ambiance oppressante qui régnait dans l'air.

Au milieu de cette agitation, des soldats des Brigades Spéciales patrouillaient, arrêtant les jeunes femmes qu'ils croisaient, les fouillant brutalement, inspectant leurs bijoux avec une attention obsessionnelle. Des cris de protestation et de douleur s'élevaient de temps en temps, mêlés aux ordres autoritaires aboyés par les soldats. Ils tiraient sur les colliers des femmes, vérifiant chaque pendentif, chaque bijou à la recherche du cristal tant convoité. Les visages des femmes étaient marqués par la peur et la confusion, leurs mains tremblantes alors qu'elles essayaient de se défaire de l'emprise des soldats.

Au milieu de ce chaos, Marie et Erwin marchaient d'un pas rapide mais mesuré. La pluie ruisselait sur leurs vêtements, et Marie, vêtue d'un manteau sombre, se serrait contre son frère, ses boucles brunes collées contre son visage par l'eau. Elle observait avec appréhension les scènes autour d'eux, ses yeux agrandis par la peur et l'incertitude. Elle voyait comment les jeunes filles étaient traînées, fouillées, humiliées, et elle sentait une boule de panique monter dans sa gorge.

Erwin, d'un calme presque dérangeant, avançait droit devant, son regard fixé devant lui. Son uniforme, bien que trempé, portait encore le poids de son autorité. Ils arrivèrent à un poste de contrôle, où plusieurs soldats des Brigades Spéciales étaient rassemblés. À la vue d'Erwin, les soldats se redressèrent immédiatement, reconnaissant le major du Bataillon d'exploration.

Marie, instinctivement, serra le bras de son frère, son cœur battant plus fort dans sa poitrine. Elle savait que ces soldats pouvaient être impitoyables, et l'idée de se faire fouiller comme les autres filles la terrifiait. Erwin sentit sa main se resserrer autour de son bras et jeta un bref coup d'œil à sa sœur.

L'un des soldats s'avança, la main levée pour les arrêter, mais en reconnaissant Erwin, il se figea. « Major Smith... » balbutia-t-il, se redressant immédiatement. « Toutes nos excuses, monsieur. Vous pouvez passer. »

Erwin hocha la tête, son expression impassible, mais ses yeux fixaient les soldats avec une intensité froide. « Continuez votre travail, » ordonna-t-il d'une voix calme mais autoritaire.

Les soldats s'inclinèrent respectueusement et s'écartèrent pour laisser passer Erwin et Marie. Marie respira profondément, se sentant légèrement soulagée mais toujours sur ses gardes. Elle relâcha un peu la prise sur le bras de son frère, mais resta proche de lui, son regard toujours alerte.

Ils continuèrent à marcher, leurs pas les menant vers une ruelle plus calme où se trouvait le cabinet du docteur Kraus, le maître de Marie en médecine. La pluie semblait s'intensifier à mesure qu'ils approchaient, les gouttes frappant le sol avec une force accrue, créant une nappe d'eau continue sous leurs pieds.

Lorsqu'ils atteignirent enfin le bâtiment, Marie remarqua que la porte du cabinet était légèrement entrouverte. Son cœur se serra d'inquiétude. Cela faisait déjà un moment que le docteur Kraus n'était pas revenu, et cette absence prolongée commençait à la rendre nerveuse.

Ils entrèrent dans le cabinet. La salle d'attente, habituellement modeste mais accueillante, était plongée dans l'obscurité. La lumière du jour, obstruée par des rideaux épais, ne faisait qu'accentuer l'atmosphère lugubre de la pièce. Les murs semblaient presque se resserrer autour d'eux, et une odeur de moisi flottait dans l'air, mélange de vieux bois et de médicaments oubliés.

𝕃'𝔥𝔢́𝔯𝔦𝔱𝔦𝔢̀𝔯𝔢 𝔢𝔱 𝔩𝔢 𝔠𝔞𝔭𝔦𝔱𝔞𝔦𝔫𝔢 (𝕃𝕖𝕧𝕚 𝕩 𝕆𝕔)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant