L'INSOUPÇONNABLE [EN PAUSE]

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L'INSOUPÇONNABLE

ALZIRA ROJAS

À Dallas aux Texas, États Unis.

Je n'arrive pas à croire que je vais conduire la Porsche de mon frère pour une course. Heureusement qu'il est en déplacement, sinon il aurait déjà découvert mon arrêt.

Lino pourrait être capable de le faire. Je n'ai aucune envie qu'il connaisse mes passe-temps, mais, d'un autre côté, je désire ardemment piloter cette voiture de sport.

Je suis comme mon père, passionné d'automobiles. Il m'a transmis cette passion, je savais qu'à sa mort toutes ses voitures appartiendraient à mon frère, notamment une en particulier.

La Bugatti Veyron, je rêve de la conduire mais Lino la refusera même avant que je lui pose la question.

J'espère juste pouvoir la conduire un jour. Je ne sais pas comment avouer à mon frère que je veux partir d'ici, que j'ai envie de découvrir de nouvelles choses.

Après tout, nous n'avons qu'une seule vie et nous ne savons pas ce que demain nous réserve. Quelque chose me retient ici, mon frère, mais ce n'est pas la seule chose...

Lui.

Oui, Aran me manque terriblement. J'aimerais lui donner une autre chance, mais la peur d'être de nouveau blessée m'en empêche. Si seulement je savais pourquoi il se comportait ainsi.

Si nous n'en étions pas là, nous serions comme je l'ai toujours rêvé. Partir à l'étranger, faire le tour du monde ensemble, construire notre avenir à deux mais tout cela n'est qu'un rêve futile.

J'aurais voulu qu'il prenne soin de moi comme j'ai pris soin de lui. Pourquoi, nous les filles, tombons-nous toujours amoureuses de garçons qui se moquent de notre existence ?

Cette fois, c'est décidé, il est temps que je tourne la page. Si je laisse tomber une seule larme à cause d'un homme, qu'on me gifle sur-le-champ.

L'anniversaire de ma mère approche. Je n'ose pas dire à Lino que j'ai envie de retrouver notre mère, de comprendre ce qui l'a poussée à s'éloigner de nous.

On m'a souvent dit que je ressemblais à ma mère physiquement et à mon père mentalement. Ce qui n'est pas faux. Elle me manque, mais je préfère ne pas en parler devant mon frère.

Il déteste évoquer le sujet, alors que moi, c'est tout ce dont je rêve. Parfois, je me dis que je suis simplement dans un long sommeil et que ma mère n'est pas partie, qu'elle va revenir. Mais non, rien de tout cela, c'est faux, elle ne reviendra jamais. Je la déteste autant que je l'aime.

Pourtant, je devrais la haïr pour ce qu'elle nous a fait subir, mais aucune rancœur ne me vient. Peut-être suis-je dans le déni, désireuse de ne pas accepter la vérité telle qu'elle est.

Je m'arrête à l'endroit où se déroulent toutes les courses. Je n'arrive pas à croire que j'ai amené Evie avec moi. Je sais qu'elle ne dira rien à mon frère, je peux lui faire confiance. En entrant sur le circuit, tous les regards se tournent vers moi. Ils sont sûrement captivés par la Porsche. Je gare la voiture et elle fait de même.

Nous sortons toutes les deux de notre voiture. Je m'approche d'Evie pour lui expliquer comment cela va se passer.

— Bon alors, voilà, il y aura une course dans moins de dix minutes.

Je lui explique le circuit.

— Ah ouais, ça va être incroyable ! s'exclame-t-elle.

Je souris.