En septembre 1963, le Lycée Voltaire, jusqu'alors réservé aux garçons, devient mixte et accueille des filles pour la première fois. Même si elles sont peu nombreuses, cette ouverture est une vraie révolution. La vie du lycée en est bouleversée.
Ros...
Le vendredi est arrivé et avec ça, le dernier contrôle important de maths. Rose a intensément révisé pour être prête, ne laissant pas Descamps la déconcentrer avec ses envies de « balade » qui n'était juste que des prétextes pour éviter de réviser. Assise à côté d'Annick, la jeune fille était en pleine rédaction quand elle a senti une personne par-dessus son épaule et a sursauté quand elle a vu le professeur.
- Seigneur, Monsieur ! Faut pas espionner sur la copie des autres comme ça.
- Navré, ricane t-il. Allez, encore une demi-heure.
Il passe entre les rangs, fumant sa cigarette. Rose le suit des yeux, croisant le regard de son copain qui lui fait un clin-d'œil. La porte s'ouvre à la volée sur Laubrac, en sueur et essoufflé.
- Être à l'heure fait partie de l'examen, Laubrac.
- Je suis désolé.
- Moi aussi, Laubrac. Moi aussi.
Le brun prend un sujet et va s'installer à sa place, se mettant rapidement au travail. Rose et Annick échangent un regard avant de retourner à leurs feuilles. La sonnerie a retentit et les élèves sont sortis un par un, remettant leur copie au professeur. Les deux blondes sont passés à côté d'un couloir où Laubrac et Michèle parlaient à voix basse. Elles les ont dépassées et se sont stoppées dans les escaliers de l'étage.
- Tu trouves pas que Laubrac est distant ces derniers temps ? Fait Annick. Je veux dire, niveau étude.
- Ouais. Je ne sais pas à cause de quoi mais il va devoir se ressaisir s'il veut passer l'année.
Laubrac a traversé le couloir et Annick en a profité pour l'interpeller.
- Qu'est-ce que tu as foutu ?
- Pardon ?
- Qu'est-ce qui s'est passé en math ?
- C'est la ferme, se justifie t-il.
- Vraiment ? Ou c'est Michèle ?
Le jeune homme les observent une par une avant de soupirer.
- Et ? Vous venez me féliciter ?
- Tu as foiré en Histoire et en Anglais. Maintenant tu foires en maths aussi.
- Mais de quoi tu te mêles, Annick ?
- Les études c'est ta seule chance, bon sang. À quoi tu joues ?
- Et tu crois que je ne le sais pas, ça ?
- Mais tu fous tout en l'air pour une amourette.
- C'est pas une amourette.
- Si tu l'aimes vraiment, tu dois savoir faire la part des choses entre les études et les amours, fait Rose. Quand tu seras adulte et que t'auras un travail et une femme, tu seras obligé de te consacrer aussi à ton boulot, pas qu'à elle. Michèle comprendrait sûrement si tu lui disais que tu avais besoin de plus de temps pour réviser que pour aller compter fleurette.
- Elle m'aime vraiment, insiste t-il.
- Quand elle devra trouver un mari convenable dans cinq ans, que crois-tu qu'elle fera ?
- En fait, je crois pas vraiment avoir besoin de conseil venant d'une personne dont le père peut tout acheter sans le moindre soucis. À croire que ton diplôme ou ton inscription ici ne sera que grâce à lui.
Sa tête sous le coup de la gifle. La claque a résonné dans le hall, faisant le silence, les regards se tournant vers eux.
- Réfléchit bien à ce que tu vas faire de ton avenir, Laubrac. Ça pourrait très vite se terminer pour toi.
Rose tourne les talons, descendant les marches avec hâte. Annick l'a suivit, la rejoignant dans la cour où elle a prit un grand bol d'air frais.
- Rose, je suis sûre qu'il ne le pensait pas.
- Moi je crois surtout qu'il fout ses études en l'air pour une fille alors que s'il était lucide, il pourrait très bien faire les deux. Je sors avec Descamps mais ça ne m'empêche pas de mettre des limites quand je dois me concentrer sur un exam.
- Je sais. Il était juste énervé. Mmm, je vais y aller. On se voit plus tard.
La blonde fronce les sourcils, se retournant pour voir Descamps marcher vers elles. Elle sourit à Annick qui va voir Pichon tandis que le châtain se poste devant elle.
- Ça va ?
- Applebaum est venu me trouver pour me dire que t'avais giflé Laubrac. Qu'est-ce qu'il a fait ce crétin ?
- Rien, soupire t-elle. C'est pas important.
- Je pense que pour que tu l'ai baffé, c'est important.
Elle baisse les yeux sur ses mains, les triturant et Descamps les prend dans les siennes, les caressant tendrement.
- Rosie, dis-le moi.
- Les résultats de Laubrac ont baissés depuis qu'il est avec Michèle alors avec Annick ont est allées le voir pour le secouer un peu et lui dire de se reprendre car il n'a qu'une seule chance pour les études au vu de sa situation. On a essayé de la raisonner mais il s'est énervé et a dit qu'il ne recevait pas de conseils de quelqu'un dont le père peut acheter ses diplômes et sa place dans un lycée.
- Je ne veux pas que tu écoutes la moindre chose que ce que ce pouilleux dit, OK ? T'es la fille la plus intelligente que je connaisse, tu surpasses même les intellos mecs, t'es une vraie tête. Alors ton bac et ton diplôme, tu vas l'avoir haut la main et sans l'aide de ton père. T'en ai parfaitement capable. Je crois en toi.
Rose lui sourit, les yeux larmoyants et l'enlace. Le jeune homme referme ses bras autour d'elle, nichant sa tête dans le creux de son cou.
- Je t'aime, Jo.
- Moi aussi, princesse.
Au début, il avait décidé de laisser couler ce qu'il avait vu. Mais après que Laubrac ait fait pleurer sa blonde, aucune chance qu'il ne les épargnent. Rose est rentrée chez elle quand sa mère l'a appelée, recevant un coup de téléphone de la part de Simone. Elle est descendue, collant le combiné à son oreille.
- Simone ?
- Rose, je te dérange pas ?
- Pas du tout. Quoi de neuf ?
- Je sais pas trop... Ça va pas en ce moment avec Jean-Pierre. J'ai l'impression de ne plus ressentir les mêmes choses pour lui qu'au début. Tout à l'heure, quand il m'a embrassé, j'étais plus gênée qu'autre chose.
- Tu as essayé de lui en parler ?
- Non, je voulais un autre avis avant.
- Je pense que tu ne dois pas te forcer. Cette relation ne doit pas devenir un fardeau et une épreuve pour toi. Si tu n'as plus de sentiment pour lui, rompt. Ça sera toujours mieux que de rester avec lui et être malheureuse.
- Tu crois ? Soupire son amie.
- C'est ce que je ferais personnellement.
- Merci beaucoup, Rose. T'es une super amie !
- Je t'adore aussi, ricane t-elle. On se voit demain.
- Bye !
Rose a raccroché et est remontée dans sa chambre pour lire un peu avant le dîner.
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