Chapitre 24 - Jonas

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Karim continue à parler, mais ses mots étaient devenus de simples échos lointains, sans signification. Le prénom résonne en boucle dans la tête de Jonas, brouillant tout le reste. Ses pensées tourbillonnent, emportées par une tempête d'émotions qu'il croyait enfouies depuis longtemps : la douleur de l'avoir perdue, le regret, la culpabilité.

Non, ça ne peut pas être elle, songe-t-il en fermant les yeux. Yan as raison, les gens changent, bougent...

— Jonas ? Monsieur Dupré ? appelle Karim, surpris par l'absence de réaction de son invité.

Jonas cligne des yeux, revenant brusquement à la réalité. Un léger sursaut trahit son trouble, mais il se redresse aussitôt, masquant son désarroi derrière un sourire froid, presque professionnel. Une façade qu'il a appris à perfectionner au fil des années.

— Pardon, je...

Il passe une main nerveuse dans ses cheveux, essayant de reprendre le fil de la conversation.

— Je suis désolé. Je n'ai pas vraiment écouté. Le voyage a été long et je crois que j'ai... eu une absence.

— Bien sûr, je comprends parfaitement. Je suis vraiment désolé. Merci encore d'être venu malgré tout. Peut-être aurions-nous dû repousser ce rendez-vous...

— Non, ne vous en faites pas. Vous pouvez juste... reprendre là où vous en étiez ?

Le maire hoche la tête, soulagé et reprends avec l'enthousiasme qui le caractérise, bien qu'une ombre de doute traverse brièvement son regard en direction de Jonas.

— Je disais donc... Nelly n'est pas toujours facile à vivre.

Un petit rire gêné accompagna cette remarque.

— Elle a un caractère bien trempé, mais c'est une personne en or. Je suis sûr que vous l'apprécierez une fois que vous la connaîtrez.

Jonas sentit son estomac se nouer. Il resta silencieux, concentré sur le maire, mais son esprit commençait déjà à flancher, le ramenant vers des souvenirs qu'il avait soigneusement évités pendant des années. Il chassa l'image de ses yeux, la douceur de sa voix. Pas maintenant.

— Notre professeur est... légèrement têtue.

Le maire continua, ignorant le tourment intérieur de Jonas.

— L'idée serait de créer, en plus du spectacle de fin d'année, un festival en plein air, l'été prochain, en juillet. Une façon de découvrir de nouveaux talents. Et nous aimerions que vous soyez le parrain de l'événement. Cela donnerait du poids à l'affaire.

— Et... elle n'est pas d'accord pour le festival ? demande Jonas, tentant de rester concentré malgré l'écho lancinant de ce prénom dans son esprit.

— En fait, répondit M. Warid en se frottant la nuque, un peu embarrassé, elle a déjà proposé plusieurs fois ce genre de projet, mais l'idée de parrainer avec une célébrité... disons que ça ne fait pas vraiment partie de ses plans. Elle est plus pour l'authenticité, vous voyez ?

— Je vois.

Mais Jonas voyait surtout la complexité d'une situation qu'il n'avait pas anticipée.

— Pour être tout à fait honnête, elle n'a pas été très enthousiaste à l'idée de votre venue. Je crois qu'elle a peur de ne pas être à la hauteur. C'est une personne sensible, malgré son fort caractère.

— Je vois..

Il ne savait pas quoi répondre d'autre. Son esprit était en ébullition, chaque fibre de son être luttant contre les vagues de souvenirs douloureux qui menaçaient de le submerger.

Joue-moi, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant