Chapitre 42 - Jonas

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L'interne s'approche avec un regard désolé mais compatissant, tout en manipulant délicatement la main de Jonas.

— Je suis désolé, c'est cassé, annonce-t-il avec un soupir. Je vais vous faire un plâtre, mais vous ne pourrez pas jouer avant deux bons mois. Pas de cascades, pas de folies non plus, ajoute-t-il avec un sourire complice, tentant de détendre l'atmosphère avec une pointe d'humour.

Jonas hoche la tête, son regard vide. La douleur physique semble à peine effleurer la souffrance émotionnelle qui l'habite. Il fixe ses doigts sans vraiment les voir, comme s'ils appartenaient à quelqu'un d'autre. Chaque geste que l'interne fait est suivi mécaniquement, sans résistance, comme si son esprit se situait ailleurs.

Yan, inquiet, observe la scène. Il se redresse légèrement, posant une main protectrice sur l'épaule de son ami, sentant combien Jonas était vulnérable, cassé, autant mentalement que physiquement.

— Je vais le surveiller, dit Yan d'une voix calme et rassurante, jetant un regard au médecin tout en appuyant doucement sur l'épaule de Jonas, comme pour lui transmettre un peu de force.

Le silence entre eux était lourd, mais l'asiatique sait que Jonas a besoin de temps. Il regarde l'interne travailler, poser délicatement les bandes de plâtres une par une.

— C'est terminé, annonce l'interne avec un sourire bienveillant. Prenez soin de vous.

Le médecin lui prescrit des anti-inflammatoires et des antidouleurs, ainsi qu'un prochain rendez-vous deux semaines plus tard pour vérifier l'état de la consolidation. Il pose une dernière fois ses yeux sur Jonas, comme pour lui transmettre silencieusement une part de courage.

Jonas acquiesce à nouveau, mais ses yeux demeurent perdus, ses pensées sans doute coincées quelque part dans les tourments de sa mémoire. Ce n'est pas sa main cassée qui lui fait mal, non. C'était son cœur. Cette lettre... cette perte insoutenable... le vide que ses grands-parents laissent derrière eux, le manque qui brûle dans sa poitrine.

Yan resserre un peu plus son emprise sur l'épaule de Jonas, un geste simple, mais rempli de toute la sollicitude et la loyauté qu'il avait pour son ami.

— Viens, on rentre, murmure Yan doucement.

Jonas ne répond toujours pas. Il se laisse guider, le regard baissé, tel un enfant perdu, incapable de se débattre contre ce chagrin.

En sortant de la clinique, le soleil de fin de journée commence à décliner, teintant le ciel d'une douce lumière orangée. Les rayons caressent doucement la peau de Jonas, mais il ne sent rien. L'extérieur semble si déconnecté de ce qu'il vit à l'intérieur, comme si le monde continuait à tourner sans lui.

Yan jeta un coup d'œil vers lui. Le voir ainsi le déchirait.

— Hé, murmure-t-il tout en essayant d'attirer l'attention de Jonas. Ça va aller. T'es pas tout seul.

Jonas tourna légèrement la tête vers lui, mais ses yeux restent voilés, embrouillés par la tempête intérieure qu'il traverse. Il ne parvint pas à articuler le moindre mot mais il espère que son ami sait que sa présence le réconforte.

Dans la voiture, sur le chemin du retour, un silence lourd s'installe. Le moteur ronronne doucement, et la route défile, mais ni Jonas ni Yan n'osent rompre cette paix fragile. Le poids des événements pèse lourd sur les épaules de Jonas, qui, malgré sa douleur, commence doucement à émerger de sa torpeur.

— Je suis désolé, murmure-t-il finalement, brisant le silence.

Le son de sa voix, rauque et brisée, résonne dans l'habitacle, presque étouffé par l'atmosphère pesante. Yan sursaute légèrement, surpris. Il jette un coup d'œil rapide à son ami, un mélange d'inquiétude et de soulagement dans ses yeux. Jonas n'avait pas prononcé un mot depuis leur départ pour les urgences.

— Qu'est-ce qui t'a mis dans un état pareil ? demande l'asiatique, avec douceur, mais aussi une pointe de curiosité inquiète.

Jonas laisse échapper un rire amer, un son dénué de joie, presque involontaire. Comment peut-il expliquer le tsunami d'émotions qui l'a submergé en lisant cette lettre ?

— La lettre... ils se sont suicidés, murmure Jonas, ses yeux fixés sur l'horizon, son esprit ailleurs, loin de cette voiture, loin de cette route.

— Tes grands-parents ? répète Yan, incrédule.

— Oui... ils avaient tout planifié, tout prévu. Ils ne m'ont rien dit.

Yan secoue la tête, confus. L'idée d'une mort préméditée, déguisée en une crise cardiaque, semble tellement inconcevable. Ses yeux se froncent alors qu'il tente de comprendre.

— Mais, ils sont morts d'une crise cardiaque, vieux ! s'exclame-t-il, cherchant à faire sens de tout ça.

Jonas serre les dents, une vague de douleur remonte en lui, mais il la repousse. Il n'a même pas eu l'occasion de leur dire au revoir.

— Ils avaient tout prévu, répète Jonas, sa voix tremblant légèrement sous le poids de la révélation. Ils voulaient partir ensemble. Et ils ne m'ont rien dit, Yan. Rien.

Un silence glacial retombe sur eux. Yan avale difficilement sa salive, déstabilisé. Que peut-il répondre à ça ? Lui qui s'efforce d'être la présence solide et réconfortante dans la vie chaotique de Jonas se retrouve sans réponse.

— Écoute, on va bouffer, et après tu vas te reposer, propose Yan, avec une tentative maladroite de remettre un peu d'ordre dans la situation.

Jonas hoche la tête, épuisé. Le poids de tout ce qu'il vient d'apprendre l'écrase, mais il ne résiste pas. Il se laisse porter, comme un navire dérivant sans cap. Le bruit des pneus sur le bitume devient un arrière-plan lointain, étouffé par ses pensées.

Une fois arrivés à l'hôtel, Yan prend les choses en main. Il s'assure que Jonas s'installe confortablement, commande un repas, et s'efforce de créer une atmosphère rassurante. Mais Jonas est ailleurs, son esprit fixé sur la lettre, sur la maison, sur le vide que ses grands-parents laissent derrière eux.

— On verra pour vider et trier la maison le week-end prochain, d'accord ?

Yan brise à nouveau le silence, cherchant à recentrer Jonas sur le présent.

— Après, tu passes la semaine avec la prof et, moi, je repars. Je reviendrais samedi. Ensuite, on vendra ce truc pour que tu n'aies plus aucune attache en France, lui déclare Yan en souriant. Balayé le passé ! Bonjour l'avenir.

Jonas fronce les sourcils. L'idée de vendre la maison le heurte brusquement, mais il ne sait pas pourquoi. C'était leur maison, leur refuge, et désormais la sienne. Yan dit cela avec tellement de désinvolture. Comme si cette maison, et tout ce qu'elle représente, peut être simplement balayée d'un revers de main. Mais peut-être avait-il raison... Peut-être que se débarrasser du passé serait le meilleur moyen d'avancer.

— Pourquoi tu ne restes pas ? lâche Jonas, sa voix basse, presque étouffée par la fatigue.

Yan esquisse un sourire en coin, détournant le regard vers la fenêtre. Il connais Jonas mieux que personne, et il savait que ce moment viendrait.

— C'est vrai, je pourrais, mais j'ai...

— Une nana ? demande Jonas, avec une légère pointe d'ironie, presque imperceptible.

— Non. Juste des choses à finir de planifier pour toi, explique Yan, son ton redevenu professionnel. Je vois Cameron pour ton futur rôle et Ryan, pour la suite de ton contrat !

Jonas acquiesce, acceptant la réponse sans vraiment y réfléchir. Le vide émotionnel qui l'entoure fait paraître tout le reste si insignifiant.

— Ah. Ok, répond-il, absent, son esprit déjà perdu dans un tourbillon de souvenirs.

Yan le regarde, l'expression inquiète, mais il décide de ne pas insister. Jonas a besoin de temps, et Yan sait qu'il sera là, même à distance. Parce que Jonas, malgré son indépendance apparente, n'a jamais été aussi seul qu'en ce moment. Et Yan, son ami, son frère de cœur, sera toujours là pour lui rappeler qu'il n'a pas à affronter tout cela seul.

Le silence retombe dans la chambre, un silence lourd, mais cette fois, ce n'est pas un silence de fuite. C'est celui d'un homme qui, pour la première fois depuis longtemps, affronte ses propres démons.

Joue-moi, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant