Chapitre 32 - Jonas

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Les jours passent, et peu à peu, Nelly apprend à apprivoiser la présence de Jonas. Il sait qu'il est imprévisible, parfois charmeur, parfois sérieux, parfois agaçant. Elle, semble ne pas savoir à quoi s'attendre avec lui, mais il est sûr qu'il l'intrigue. Il l'espère secrètement en tout cas. Il lui offre parfois son sourire en coin et il remarque que cela la déstabilise, mais, il doit se l'avouer la plupart du temps, il l'agace profondément.

Avec les semaines qui passent pourtant, il a l'impression que Nelly commence à comprendre que derrière ses mimique et son allure désinvolte se cache un véritable passionné. Il sait que même si ce n'était pas son choix premier, il a appris au fils des années à aimer passionnément jouer la comédie. A tel point que parfois, il en oublie d'être lui.

C'est pour cela que quelques tensions règne entre Nelly et lui, comme aujourd'hui...

— Jonas, commence-t-elle en croisant les bras devant sa poitrine, l'air exaspéré. Tu pourrais enlever tes lunettes pendant l'exercice, s'il te plaît ? On parle d'un travail sur les émotions, c'est difficile de lire quoi que ce soit sur ton visage derrière ces verres fumés.

Jonas, adossé nonchalamment à une table, fait semblant de ne pas l'avoir entendue, et continue de jouer avec ses lunettes d'un air distrait.

— Jonas ? répète-t-elle, plus sèchement cette fois, l'agaçant encore plus par son indifférence apparente.

Il tourne enfin la tête vers elle, un sourire narquois sur les lèvres.

— Je trouve que ça me donne un style, tu ne crois pas ? réplique-t-il, haussant légèrement les épaules.

Nelly serre les dents, sentant la colère monter. C'est toujours pareil avec lui : il esquive, il plaisante, il se moque, et elle n'a jamais l'impression d'avoir une prise sur lui.

— Ce n'est pas une question de style, Jonas. On est ici pour bosser, comment montrer le langage des expressions comme ça ?

Jonas hausse les sourcils derrière ses verres teintés, l'air faussement blessé.

— Aïe, tu es dure aujourd'hui, Nelly. Mais bon, si c'est si important pour toi...

Il fait mine d'ôter les lunettes, puis se ravise au dernier moment, les laissant glisser à nouveau sur son nez, tout en observant la réaction de Nelly, comme si c'était un jeu.

— Sérieusement, Jonas ?! s'énerve-t-elle, son ton plus coupant que jamais. Arrête de te cacher et fais l'effort, c'est tout ce que je te demande.

— Je ne me cache pas, réplique-t-il, avec un petit rire désinvolte. Tu as l'air de penser que ces lunettes changent tout, mais franchement, c'est toi qui te focalises là-dessus. On doit pouvoir deviner malgré mes lunettes. Le ton de ma voix, le dessin de mes sourcils... c'est ça aussi l'exercice.

Un silence tendu s'installe, et Nelly sent l'agacement vibrer dans l'air. Il la défie du regard, ou du moins, ce qu'elle peut deviner à travers ces maudites lunettes. Elle lève la main en signe d'apaisement, prends une grande inspiration et déclare :

— Bien, comme il vous plaira votre altesse. Peut-on rivaliser avec une star, lance-t-elle sur un ton mélodramatique, faisant discrètement pouffer les élèves de rire.

— On continue ? finit-il par dire un grand sourire victorieux sur le visage.

Lorsque l'exercice se termine, Nelly se concentre sur le rangement de la salle, chaque geste effectué avec une précision calculée, presque comme pour évacuer sa frustration. Elle garde un œil sur Jonas, qui, malgré ses compétences indéniables, ne parvient pas à masquer l'arrogance qui émane de lui. Il a ce talent, certes, mais son attitude la crispe. C'est un homme qui veut toujours avoir raison, même quand il est dans l'erreur, et c'est ce comportement qui la met hors d'elle.

Jonas sent bien la colère de Nelly. Il sait qu'il n'aurait pas dû se comporter ainsi mais... c'était plus fort que lui. Ce masque qu'il avait enfilé depuis trop longtemps semblait le dépeindre d'une manière qui ne convenait pas à la professeur de théâtre.

Le silence s'installe après le départ des élèves. Jonas, plus discret que d'habitude, l'aide à ranger, mais son aide semble davantage être une manière d'éviter la confrontation que d'exprimer une réelle volonté de coopérer. Nelly se tourne vers lui, les bras croisés sous sa poitrine, et le dévisage avec une intensité presque palpable.

— Ne me contredit plus jamais devant les élèves, lance-t-elle, sa voix froide comme une lame de glace. L'air autour d'eux semble s'épaissir, chargé d'une tension électrique.

Jonas ouvre la bouche pour répliquer, mais elle lève un doigt, l'arrêtant net.

— Quand tu auras fini de faire ton cirque ici, JE serai toujours là ! Tu as réfléchi aux conséquences de tes actes ? Pour exercer correctement mon métier, j'ai besoin d'être respectée !

Sa fureur est visible. Ses yeux bruns, habituellement chaleureux, sont maintenant noirs de colère. Sa mâchoire est serrée, les muscles du visage contractés, et ses sourcils froncés dessinent une ligne sévère au-dessus de ses yeux. Sa respiration est saccadée, comme si chaque mot était une décharge électrique qu'elle libérait pour alléger son cœur.

— Je n'ai pas eu le choix de votre présence, continue-t-elle, la voix se faisant plus intense. Je fais des efforts pour vous faire participer, pour accepter vos « petits défauts » mais... ces lunettes, bon sang ! C'est insupportable ! Les yeux sont la fenêtre de l'âme ! Vous avez peur de quoi, exactement ? Qu'on lise en vous ?

Jonas se rembrunit. Sa posture se ferme, les épaules se voûtent légèrement. Oui, il a peur. Mais c'est une faiblesse qu'il ne souhaite pas dévoiler. Il préfère se draper dans cette façade de désinvolture et d'arrogance, un masque soigneusement sculpté pour protéger ses véritables sentiments. Il n'oserait jamais admettre ses vulnérabilités, surtout pas devant Nelly. Sa Nelly. Lui n'a eu aucun mal à la reconnaître elle alors...

Nelly, voyant la réaction de Jonas, ressent un mélange de frustration et de tristesse. Elle semble comprendre que derrière son arrogance se cache une fragilité qu'il est incapable d'affronter. Mais cette compréhension n'atténue pas sa colère. Elle veut qu'il comprenne que son comportement impacte son travail et qu'il ne peut pas se permettre d'agir comme s'il était dans une pièce vide, où ses erreurs passeraient inaperçues.

— Si vous avez quelque chose à dire, finit-elle par déclarer, une remarque sur ma façon de faire, sur mon comportement, je vous prierais de le faire en aparté. J'accepte la critique tant qu'elle est constructive.

Elle se détourne, son cœur battant encore de l'émotion et de l'énervement, laissant Jonas seul avec ses pensées, les lunettes comme un rempart entre lui et la réalité qu'il craint de révéler.

Joue-moi, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant