Chapitre 39

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Un appel téléphonique vint briser la douce atmosphère de joie qui règne autour de la table. La chaleur de l'annonce de Maddy semble encore flotter dans l'air lorsque Pierre se lève pour répondre au téléphone dans l'entrée. À l'autre bout de la pièce, Nelly échange un regard interrogateur avec sa sœur avant de voir son père revenir, le combiné en main.

— Nel ? appela doucement Pierre.

— Oui, papou ?

— C'est Bertrand en ligne.

Le sourire de Nelly s'efface légèrement alors qu'elle rejoint son père, l'estomac soudain noué. Bertrand n'appelle jamais sans raison. Il a cette façon de contrôler l'espace, même à distance, et Nelly sait que chaque conversation avec lui sera chargée de sous-entendus et de reproches déguisés. Elle attrape le combiné, se retrouvant dans le couloir, debout devant l'appareil mural. Comme toujours, Bertrand prend toute la place, même en l'absence.

— Oui, mon chéri ? répond-t-elle d'une voix douce, presque prudente.

— Tu es où ?

Le ton sec et accusateur de Bertrand fait tressaillir Nelly. Elle fronce les sourcils, déconcertée.

— Euh... tu appelles chez mon père, donc je... commence-t-elle doucement.

— Oui, bon, ça va ! l'interrompt-t-il avec impatience. Je voulais dire : tu fais quoi ?

Il parle avec une lassitude dramatique, comme si sa question était évidente et que sa réponse l'agace déjà. Nelly sent la nervosité monter en elle, essayant de ne pas se laisser affecter.

— Je finis de dîner. Maddy est là aussi, explique-t-elle, espérant éviter un quelconque conflit.

Un silence pesant s'installe, avant que Bertrand ne reprenne, sa voix teintée d'une fausse tristesse, celle qu'il sait si bien manier pour susciter la culpabilité.

— Je pensais que tu serais rentrée tôt pour être avec moi... murmure-t-il, jouant la victime avec une perfection glaçante.

Nelly cligne des yeux, surprise.

— Mais, balbutie-t-elle, cherchant à comprendre, tu m'as dit que tu ne rentrais pas ce week-end...

— Oui, eh bien, je voulais te faire une surprise, rétorque-t-il, avec une froideur calculée. Mais il semble que tu vis très bien sans moi.

Le cœur de Nelly se serre. Elle ferme les yeux un instant, cherchant à calmer la boule qui se forme dans sa gorge. Chaque mot de Bertrand semble minutieusement choisi pour la faire se sentir coupable, insuffisant, comme si elle était toujours en faute.

— Bertrand, murmura-t-elle, tentant de rester calme, ne commence pas...

— Et le Jonas, hein ? reprend-t-il avec un ton venimeux. Tu passes du temps avec lui ?

Nelly cligne des paupières, abasourdie.

Quoi ? pense-t-elle. Où voulait-il en venir ?

— Quoi ? Bertrand, je bosse avec lui. Évidemment ! Qu'est-ce qui te prend ? tente-t-elle de répondre avec le plus de neutralité possible, bien qu'une part d'elle bout déjà d'indignation.

— Il m'a dit l'autre fois que tu étais jolie, lance-t-il d'un ton accusateur, comme une bombe.

Nelly fronce les sourcils. Jonas a-t-il vraiment fait l'éloge de son physique auprès de son mari ? Elle essaie de se souvenir de chaque conversation récente. Cette remarque lui semble tellement hors contexte.

— Euh... ok. Et ? demande-t-elle, agacée par l'absurdité de la situation.

Le silence de Bertrand devint plus lourd que ses paroles. Elle l'entend respirer de l'autre côté, puis les attaquent pleuvent, multiples, sans liens claires entre elles jusqu'à ce qu'il prétexte qu'elle pourrait tout aussi bien être ailleurs que là où elle le dit.

Joue-moi, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant