Chapitre 31

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Le mercredi matin, comme à son habitude, Nelly est en avance. Dans son bureau encore silencieuse, elle se sent chez elle, entourée par les effluves de poussière et de velours qui font battre son cœur de passionnée de théâtre. L'air y est particulier, presque sacré. Loin des regards, elle s'autorise à laisser tomber le masque de la femme organisée et impeccable qu'elle porte en permanence.

Elle respire profondément, inspire le calme du lieu et laisse ses pensées vagabonder vers les pièces qu'elle prépare. Les idées fusent dans sa tête, comme un flot ininterrompu de créativité qu'elle tente de dompter en griffonnant des notes frénétiques. Elle se penche sur sa feuille, le stylo à la main, les sourcils légèrement froncés alors qu'elle trace des traits de fluo sur une idée qui pourrait être prometteuse. Soudain, la porte s'ouvre brusquement, et la voix familière de Jonas résonne dans la salle vide.

— Bonjour, lance-t-il avec entrain, en poussant la porte avec une énergie débordante.

Nelly sursaute, laissant échapper une ligne malheureuse sur sa feuille. Ses yeux se plissent de contrariété et elle pousse un soupir presque imperceptible, mais suffisamment appuyé pour que Jonas remarque l'effet de son entrée.

— Bonjour, répond-elle, un ton plus froid que prévu, essayant de ne pas laisser paraître sa mauvaise humeur.

— Vous vous êtes levée du pied gauche ? demande Jonas, en croisant son regard, mi-moqueur, mi-intrigué.

— Non, réplique-t-elle en détournant les yeux, tâchant de rester concentrée sur ses notes.

Mais son agacement est palpable. Jonas, imperturbable, s'approche avec son sourire toujours accroché aux lèvres, comme s'il ne voyait pas la barrière invisible que Nelly tentait de dresser entre eux.

— Vous avez vu, je suis en avance, déclare-t-il avec fierté.

Nelly le regarde du coin de l'œil, peu impressionnée par cette information.

— Je vous remercie pour votre ponctualité, vous voulez une médaille ? ironise-t-elle, avant de reprendre ses feuilles, tapotant nerveusement pour les remettre en ordre.

— Si elle est en chocolat, je suis preneur, rétorque-t-il en riant, une lueur malicieuse dans le regard.

Nelly lève les yeux au ciel, réprimant un sourire. Son humour la désarçonne légèrement. Elle secoue la tête et tend une pile de polycopiés à Jonas, soudainement sérieuse.

— Bien, il me reste quelques copies à faire. Vous pouvez vous en charger ?

Jonas fronce les sourcils, surpris par la requête.

— Vraiment ? Vous me demandez de faire des photocopies ?

Le regard perçant de Nelly lui donne une réponse sans même qu'elle ait besoin de dire un mot.

— Vous voulez un café aussi ? râle Jonas, se sentant légèrement vexé.

— Je n'aime pas le café. Mais merci pour la proposition, réplique-t-elle calmement, l'air de rien.

— Mais... je... c'était une blague, se défend Jonas, visiblement dérouté.

— Du cynisme. J'ai compris, coupe-t-elle calmement. En revanche, je veux bien ces copies pour le cours, alors si vous pouviez vous activer, ce serait formidable.

Jonas reste un instant figé, mais il se contente d'acquiescer sans dire un mot de plus et s'exécute. Nelly le regarde s'éloigner du coin de l'œil, sentant une pointe de satisfaction à l'idée d'avoir gardé le contrôle de la situation.

Quelques minutes plus tard, Jonas revient avec les copies et les tend à Nelly avec un petit sourire en coin.

— Heureuse ?

Joue-moi, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant