Chapitre 35

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L'air extérieur lui fait du bien, une brise légère caressant son visage et chassant la tension imperceptible qui s'était installée entre elle et Jonas. Elle inspire profondément, profitant de ce moment de calme avant de se figer brusquement. Là, devant elle, adossé à sa voiture, un bouquet de fleurs à la main : Bertrand.

Son cœur s'emballe, et sans réfléchir, elle court vers lui. Dans ce geste spontané, tout son amour, toute sa frustration de ces dernières semaines trouvent leur exutoire. Elle se jette dans ses bras, enfouissant sa tête dans son cou, respirant cette odeur familière qui lui avait tant manqué.

— Tu es rentré, murmure-t-elle, sa voix à peine audible, presque noyée dans la chaleur réconfortante de son étreinte.

Elle sent Bertrand la repousser doucement, avec cette délicatesse qui lui est propre, avant qu'il ne dépose un baiser chaste sur ses lèvres. Ce contact trop léger laisse une trace amère en elle, comme si ce baiser symbolisait la distance qui s'était installée entre eux, malgré les apparences.

— Il semblerait, répond-il, avec un sourire détaché. Comment vas-tu ?

— Bien, je...

Mais déjà, elle voit son regard dériver. Il n'écoute plus. Bertrand a repéré Jonas qui, sans se presser, la pochette qu'il a emprunté à Nelly dans une main, descend les marches menant au centre. Une lueur d'intérêt s'allume dans les yeux de son mari, et en une fraction de seconde, Nelly sait qu'il va se précipiter.

— Jonas Dupré ?

La voix de Bertrand se fait plus assurée, presque admirative. Un frisson d'agacement traverse Nelly. Jonas tends sa pochette à Jack qui s'éloigne d'un pas tranquille jusqu'à la berline sans un mot.

— Lui-même, répond Jonas avec son habituel sourire indéchiffrable, ses lunettes de soleil toujours sur le nez.

— Je suis enchanté de vous rencontrer. Je suis Bertrand Briand !

L'enthousiasme dans la voix de Bertrand agace Nelly davantage. Elle l'observe, perplexe, tandis qu'il tend la main à Jonas, comme un fan ravi de rencontrer son idole.

— Enchanté, Monsieur, répond Jonas avec cette politesse presque mécanique, sans jamais vraiment dévoiler ce qu'il pense.

— Je suis un grand admirateur. Vous êtes vraiment un très bon acteur. Bertrand marque une pause avant de lancer, avec un sourire complice : Vous avez accepté le contrat que vous propose James Cameron pour le nouveau Marvel ?

Nelly sent son cœur se serrer. Vraiment ? C'est comme ça qu'il compte renouer le contact ? En bavardant cinéma avec Jonas ? Une bouffée de frustration monte en elle, mais elle se retient de dire quoi que ce soit.

— Oh, eh bien, les nouvelles vont vite.

Jonas esquisse un sourire, vaguement amusé.

— Je ne sais pas encore pour ce film, j'y réfléchis. J'ai d'autres choses à régler avant.

— Évidemment, acquiesce Bertrand, ravi d'avoir engagé la conversation. Je suis désolé pour vos grands-parents. Ils vivaient dans le coin, non ?

Nelly se fige. Comment sait-il ça ? Elle ne se rappelle pas que Bertrand ait jamais mentionné s'intéresser à la vie privée de Jonas. Un autre coup pour se faire mousser, peut-être ? pense-t-elle, tandis que son irritation grandit.

— Oui, répond Jonas, avec une ombre de gravité dans la voix. Ils s'étaient installés en France il y a quelques années. Merci pour votre sympathie.

— C'est normal, rétorque Bertrand, avec un air faussement compatissant. Il n'est jamais évident de perdre un proche. Puis, à la grande surprise de Nelly, il enchaîne : Nous pouvons vous inviter à dîner ?

Non mais, il plaisante ? Le choc la cloue sur place. L'inviter à dîner ? Ce n'était pas prévu ! Elle ne va quand même pas imposer la présence de Jonas chez son père, et surtout pas ce soir ! Jonas esquisse un sourire poli, manifestement conscient de la gêne que la proposition cause à Nelly.

— Je ne voudrais pas vous déranger, dit-il, son ton empreint d'une bienveillance calculée.

— Oh non, ne vous inquiétez pas pour ça, insiste Bertrand avec enthousiasme. Il se tourne alors vers sa femme, comme pour s'assurer de son approbation.

— Hein, Nel, ça ne te gêne pas ?

Nelly sent la colère monter en elle, un feu sourd qui brûle dans sa poitrine. Vraiment, Bertrand ? Après tout ce temps sans se voir, c'est à ça que tu penses ? Elle inspire profondément, essayant de garder son calme. Ce moment qui aurait dû être le leur est en train de lui échapper, et elle en souffre plus qu'elle ne veut l'admettre.

— Je suis ravie que vous mangiez ensemble, dit-elle enfin, d'une voix qu'elle force à être douce. J'avais prévu de dîner avec mon père ce soir. Profitez-en pour faire connaissance.

Ses mots sonnent presque faux mais elle ne laisse rien transparaître. Elle s'approche de Bertrand, dépose un rapide baiser sur ses lèvres, mais cette fois, elle ressent toute la distance entre eux. Puis, machinalement, elle fait la bise à Jonas avant de s'éloigner d'un pas rapide, sans un regard en arrière.

Son cœur bat à tout rompre, la colère et la déception se mêlant dans un tourbillon d'émotions qu'elle tente en vain de contrôler. Elle ne comprend pas pourquoi Bertrand agit ainsi, pourquoi il semble si désinvolte. Mais elle sait une chose : ce soir, elle aura besoin de retrouver la chaleur et le réconfort de son père. Seule.

Joue-moi, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant