Chapitre 48

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Assise à la table basse, les épaules voûtées, Nelly se bat pour retenir les larmes qui menacent de déborder. Son cœur est lourd, chargé du poids des souvenirs qui l'oppresse. Elle serre les mains sur ses genoux, cherchant une ancre, quelque chose qui la maintiendrait à flot dans cette mer d'émotions.

— Je n'ai pas compris. Jonas, c'est Jonathan ? Ton Jonathan ? reprend Madeleine, la voix étouffée par la stupeur.

Nelly hoche lentement la tête, incapable de prononcer un mot. Une larme silencieuse glisse le long de sa joue, comme une trahison, scintillant sous la lumière du plafonnier. Elle se sent vulnérable, nue devant cette réalité qu'elle avait enfouie pendant tant d'années.

Madeleine l'observe, ses pensées tourbillonnant dans son esprit. Elle a haï cet homme, profondément, viscéralement, pour tout ce qu'il avait fait endurer à sa sœur. Elle se rappelle les mois où Nelly s'était effondrée, ces journées où elle la voyait, pâle et sans vie, traîner jusqu'à la boîte aux lettres comme une âme en peine, espérant chaque jour y trouver une réponse, un mot, une explication. Et chaque jour, il n'y avait rien. Rien d'autre que le silence assourdissant de Jonathan. Elle l'a vue cesser de manger, perdre l'éclat qui la rendait si unique, jusqu'à devenir une ombre d'elle-même.

— Pourquoi... pourquoi revient-il maintenant ? Pourquoi après tout ce temps ? murmure Madeleine, son visage se durcissant.

Elle n'arrive pas à comprendre. Comment ose-t-il ressurgir après tant d'années, après tout ce mal ? Nelly essuie maladroitement ses joues, mais les larmes refusent de s'arrêter. Les mots lui échappent, brouillés par l'émotion.

— Je... je ne savais pas que c'était lui. Comment aurais-je pu imaginer ? 

Sa voix tremble, étouffée par la douleur. Le Jonathan qu'elle avait connu n'était plus celui qu'elle avait en face de lui aujourd'hui. Tout était si confus.

— Mais... qu'est-ce qu'il a dit ? demande Madeleine, ses yeux brûlant de colère retenue.

Elle veut comprendre. Elle a besoin de comprendre, pour pouvoir défendre Nelly, comme elle l'a toujours fait.

— Il... il a dit qu'il avait reconnu notre histoire dans la pièce. Que je lui avais manqué... Je sais plus trop, à vrai dire. Mais il a aussi dit que je n'avais jamais répondu à ses lettres, bafouille Nelly, les mots douloureux à dire à haute voix.

Madeleine secoue la tête, incrédule.

— Mais il ne t'a jamais écrit, Nel. Jamais.

Elle murmure ces mots comme une certitude, baissant le menton en signe d'incompréhension. Comment Jonathan pouvait-il oser prétendre cela ? Nelly avait vérifié chaque jour cette foutue boîte aux lettres. Ils le savaient toutes les deux. Il n'y avait eu aucune lettre.

— Peut-être... peut-être l'a-t-il fait, mais que ses courriers se sont perdus ? propose Leticia, toujours prête à offrir une perspective plus douce, son regard empreint de compassion.

Elle n'aime pas voir Nelly ainsi. Elle essaie de trouver une explication logique, une issue à cette situation qui semble sans queue ni tête. Après tout, des lettres qui se perdent, c'est déjà arrivé à d'autres. Pourquoi pas à eux ? Madeleine, en revanche, n'est pas convaincue. Elle lève les yeux au ciel, exaspérée.

— Oh, bien sûr, un lutin a décidé de tapisser sa grotte avec les courriers de Jo... ironise-t-elle en soupirant profondément, la voix pleine de dépit. Elle refuse d'y croire. Tout ça sonne comme une excuse, une manière pour Jonathan d'effacer son absence de ces années. S'il n'avait jamais voulu perdre Nelly, il aurait trouvé un moyen de la contacter. On ne disparaît pas comme ça.

Joue-moi, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant