Chapitre 21

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Nelly n'a absolument aucune envie de retourner voir le maire, mais il ne lui laisse pas le choix. Ce rendez-vous est incontournable, une convocation formelle pour parler du cas « Dupré ». Rien que d'y penser, cela fait monter en elle une vague d'agacement. Rien que son nom lui hérisse le poil. Ce jeune homme n'a même pas encore foulé le sol de la région, mais déjà, elle l'a pris en grippe.

Son instinct ne trompe jamais. Elle l'a bien entendu dans son interview sur FT9. Une énième star montante du show-biz qui se croit tout permis. Pendant que l'émission passait en arrière-plan, elle s'était occupée à ranger ses papiers administratifs et à faire du ménage, mais même sans accorder toute son attention à l'émission, ses nerfs étaient à vif. Il parlait d'une voix posée, détachée, presque arrogante. À aucun moment, il n'avait pris la peine de montrer un minimum de respect ou d'humilité. Il avait gardé ses lunettes de soleil, comme s'il était au-dessus de tout ça, comme si cette rencontre avec les journalistes était une corvée à cocher dans son agenda chargé.

Pitoyable ! pensa-t-elle en serrant les dents.

Nelly a vu beaucoup de gens passer dans cette petite ville, mais Jonas Dupré représente tout ce qu'elle déteste chez une certaine élite. L'air hautain, le regard distant, un homme habitué à ce que tout le monde se plie à ses caprices. Et pour couronner le tout, il semble venir à contrecœur, son engagement pour l'école de théâtre n'étant qu'une obligation, une contrainte imposée par son manager.

— Nelly ! Comment allez-vous, ma chère ? s'exclame Karim, le maire, en l'accueillant chaleureusement dans son bureau.

Nelly s'efforce de sourire. Elle appréciait Karim, vraiment. Il était affable, toujours de bonne humeur, et malgré sa passion pour la politique locale, il avait gardé cette simplicité qui le rendait proche des habitants. Mais aujourd'hui, elle ne pouvait s'empêcher de penser que cette rencontre ne mènerait à rien de bon.

— Je vais bien, Karim, et vous ? répondit-elle, un sourire forcé sur les lèvres.

— Parfait ! Ces petites vacances à Biarritz ont été fabuleuses. Une vraie coupure !

Nelly hoche la tête poliment, mais son esprit reste focalisé sur l'objet de sa venue. Elle n'a pas le temps pour des politesses prolongées. Jonas Dupré l'obsède Pas dans le bon sens, non. Elle ressent déjà cette boule d'anxiété grandissante dans sa poitrine. Elle ne peut pas se permettre de se retrouver coincée avec un homme comme lui.

— Super, dit-elle rapidement. Bon... si nous parlions du problème qui m'amène ici ?

Karim arque un sourcil, surpris par son empressement. Elle n'est d'habitude pas si directe.

— Oh, Nelly ! Vous êtes la personne la plus sociable et la plus adorable que je connaisse, dit Karim avec un large sourire, cherchant à détendre l'atmosphère. Comment pouvez-vous penser que Jonas Dupré sera un « problème » ?

Elle soupire longuement, prenant place dans le fauteuil face à lui. Elle sait qu'elle a déjà pris de mauvaises dispositions mentales. Peut-être est-elle injuste, mais ce garçon... non, cet homme, à peine plus âgé qu'elle, lui donne l'impression d'être tout ce qu'elle redoute chez les célébrités. Elle ne parvient pas à se détacher de cette image de lui, sur ce plateau d'émission, indifférent et méprisant.

— Je ne suis pas certaine que ce duo fonctionne... vous voyez ? finit-elle par dire, essayant d'expliquer son ressenti sans paraître trop fermée.

Karim, de son côté, émet un petit rire, comme si ses inquiétudes n'étaient qu'un détail sans importance. Cela l'irrite encore plus. Il ne la prend pas au sérieux.

— Oui et moi je suis persuadé du contraire. Il nous faut quelque chose d'attractif, Nelly! Notre ville a besoin de ça.

Il tapote la table avec enthousiasme.

Joue-moi, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant