La nuit tombée enveloppe doucement les rues de la petite ville. Nelly marche d'un pas rapide, les bruits de la représentation résonnant encore dans son esprit. Les félicitations, les rires, les applaudissements... Tout cela devrait la combler de fierté. Mais ce soir, une autre émotion la domine : l'espoir, un espoir simple mais brûlant, celui de retrouver Bertrand à la maison.
Il lui avait promis. Après sa longue journée de travail sur le tournage, il devait rentrer ce soir. Elle imagine déjà la scène : sa silhouette dans l'encadrement de la porte, son sourire fatigué mais heureux de la retrouver, ses bras forts l'enveloppant, l'odeur familière de son après-rasage... Nelly sent son cœur se serrer d'anticipation, prête à se lover dans cette étreinte réconfortante. Peut-être s'excusera-t-il pour son absence à la pièce, peut-être lui dira-t-il qu'il a pensé à elle toute la soirée, qu'il regrette de ne pas avoir pu être là.
Ces pensées la réchauffent, lui donnent une énergie nouvelle alors qu'elle presse le pas, impatiente d'arriver chez elle.
Les clés cliquettent dans la serrure, et elle pousse la porte avec un sourire sur les lèvres, s'attendant à l'entendre répondre à son appel.
— Bonsoir, bonsoir. Je suis rentrée !
Le silence, lourd, se pose immédiatement sur ses épaules. Un instant, l'espoir vacille. Elle reste immobile, son sac encore sur l'épaule, à attendre... Mais seul un murmure léger venant du salon lui parvient.
— Mademoiselle Dudressie, déjà ? Bonsoir.
Nelly se fige, son sourire disparaissant aussitôt. Leur jeune voisine, se tient là, assise sur le canapé, le regard un peu surpris.
— Charline ? s'étonne Nelly, Mais... où est Bertrand ?
Son cœur accélère. Son mari devait être là. Il le lui avait promis. Elle sent une vague de déception monter, tandis que Charline se lève avec un sourire maladroit, comme si elle devinait déjà ce qui se passait dans l'esprit de Nelly.
— Il m'a demandé de passer. Il a beaucoup de travail ce soir et... commence-t-elle, hésitant.
Nelly n'écoute plus vraiment la fin de la phrase. Son esprit est ailleurs, bousculé par une nouvelle vague de déception. Encore une fois, Bertrand n'est pas là. Encore une fois, il lui a menti ou du moins omis la vérité, pensant sans doute qu'elle ne s'en formaliserait pas. Au lieu de retrouver la chaleur de ses bras, elle se retrouve face à la réalité froide d'une soirée où son mari a préféré le travail à elle.
— D'accord, dit-elle, d'une voix un peu trop posée pour cacher la déception qui ronge son cœur. Louis est couché ?
Charline hoche la tête, un sourire poli sur les lèvres.
— En effet. Je l'ai nourri et changé. Il s'est endormi assez tôt.
Nelly force un sourire, bien que son cœur pèse lourd. Elle glisse une main dans son sac et en sort quelques billets, qu'elle tend à l'adolescente.
— Merci beaucoup, Charline. Tiens, voilà pour toi. Bonne soirée.
— Merci, Mademoiselle. À bientôt.
Charline s'éclipse rapidement, peut-être sentant que Nelly n'a pas envie de prolonger la conversation. La porte claque doucement derrière elle, et le silence retombe sur la maison.
Nelly reste un instant immobile, les yeux fixés sur la poignée. Une lassitude immense l'envahit, comme si toute l'énergie qu'elle avait eue en marchant vers chez elle s'était soudainement évaporée. Ce n'est pas seulement la déception de ne pas trouver Bertrand qui la ronge. C'est ce manque d'attention, ce silence qu'il laisse derrière lui, ce petit arrangement avec Charline dont il ne l'a même pas informée. Une décision prise sans elle, comme s'il s'agissait d'un détail, alors que pour Nelly, c'est tout sauf ça.
Elle soupire longuement, retirant son gilet et le jetant négligemment sur une chaise. En passant devant le réfrigérateur, elle l'ouvre machinalement et se sert un verre de jus de fruits qu'elle laisse sur le plan de travail, sans même le boire. Son esprit est ailleurs, perdu dans cette sensation de vide qui ne cesse de grandir. Bertrand n'est pas là pour partager ses réussites, pour la soutenir dans ces moments où elle en a le plus besoin. Non seulement il ne la soutient pas dans son travail, mais dans sa vie de famille aussi, il semble absent.
Elle secoue la tête, refusant de se laisser submerger par ses pensées. Elle a besoin de se recentrer, de retrouver un peu de paix. Louis. Son fils.
Elle monte les escaliers avec précaution, comme si le moindre bruit pouvait troubler le fragile équilibre de ses émotions. En haut, elle s'approche de la porte de la chambre de son bébé et glisse doucement la tête dans l'encadrement.
Un sourire tendre naît sur ses lèvres lorsqu'elle aperçoit Louis, endormi profondément dans son petit lit, la respiration calme et régulière. Ses joues rondes sont légèrement rosées, et il serre dans ses bras son doudou préféré. La vue de son fils apaise instantanément son cœur, faisant disparaître, au moins pour un moment, la tristesse qui l'envahissait.
Louis est tout pour elle. Né il y a neuf mois, il a illuminé la vie de Nelly d'une manière qu'elle n'aurait jamais cru possible. Elle se souvient encore de la première fois où elle l'a tenu dans ses bras, si minuscule, si fragile. Ce jour-là, elle avait su que, quoi qu'il arrive, elle ferait tout pour le protéger et lui offrir la meilleure vie possible.
Elle repense aux discussions interminables qu'elle avait eues avec Bertrand avant la naissance. Elle avait toujours rêvé d'avoir un enfant, de fonder une famille, mais lui, plus pragmatique, avait voulu attendre qu'ils aient une situation stable, une maison. Ce n'est que lorsqu'ils avaient signé le compromis de vente que Nelly avait posé un ultimatum, et Bertrand, peut-être par amour, peut-être par lassitude, avait finalement cédé.

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Joue-moi, l'amour
RomanceNelly professeure de théâtre passionnée, mène une vie tranquille près de Bordeaux, loin du tumulte parisien où son mari, un acteur de série télévisée, passe la plupart de son temps. Leur mariage, déjà fragile, s'effrite sous le poids de la distance...