Chapitre 19 - Jonas

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La salle est pleine à craquer, les lumières scintillent, et Jonas sait pertinemment que les deux premiers rangs ne sont qu'une mascarade. Des sourires figés, des regards vides, des actrices ou modèles payées pour applaudir au bon moment, pour faire illusion. Tout est une mise en scène. Leur présence, leurs applaudissements forcés, tout est orchestré. C'est la règle du jeu dans ce milieu, et il le sait mieux que quiconque. Pourtant, chaque fois qu'il se retrouve sur scène, il ne peut s'empêcher de ressentir une certaine amertume.

Derrière le rideau, à l'abri des regards, Jonas s'efface, comme il a appris à le faire. Il avance jusqu'à sa loge, les bruits de la foule se dissipant peu à peu, remplacés par le silence pesant de l'attente. Catherine, la maquilleuse, est déjà là, une présence discrète et rassurante. Elle l'attend, prête à le rendre « présentable ». Un mot qui lui semble si vide. Présentable pour qui ? Pour quoi ?

Il s'installe face au miroir, mais il ne se voit pas. Il ne se reconnaît plus depuis longtemps. Le reflet devant lui n'est qu'une façade, une version de lui-même taillée pour plaire aux autres, pour plaire à l'industrie. Catherine, elle, fait de son mieux pour travailler en silence, tournant autour de lui comme une danseuse, ses pinceaux en main, appliquant des touches de poudre ici, ajustant une mèche de cheveux là. Il la regarde s'agiter, mais il est ailleurs, ses pensées le ramenant toujours à ce même constat amer : tout ça, ce n'est pas lui et pourtant...

Il jette un coup d'œil à Yan, son agent, assis non loin. Ses pieds tapent nerveusement le sol, un tic qu'il ne peut réprimer. Jonas sourit intérieurement. C'est toujours la même nervosité avant les apparitions publiques, comme s'il s'agissait d'une mission de vie ou de mort. Mais pour Jonas, tout ça n'a plus d'importance. L'éclat des projecteurs ne l'attire plus. Tout ça semble si... vide. Superficiel. Il aimerait juste jouer, sans « en faire plus » : pas d'interview, pas d'émission, pas de réseaux sociaux... ou se faire oublier pour tout recommencer à zéro. Il sait que cette pensée est dû à la perte de ses grands-parents. Que, dans leur mort, ils l'ont emmené involontairement dans leur chute...

— Bon, tu es prêt, mon grand ? lance l'asiatique d'un ton jovial, essayant d'alléger l'atmosphère.

Jonas pousse un soupir. Prêt ? Prêt pour quoi ? Pour enfiler encore une fois ce masque qu'on attend de lui ? Pour sourire, répondre à des questions formatées et charmer un public qui l'adore sans même le connaître ?

— Ai-je le choix ? rétorque-t-il d'une voix amère, presque las.

— Non, répond Yan en riant légèrement, tentant de détendre l'atmosphère.

Mais son rire sonne faux, comme s'il tentait de cacher sa propre anxiété derrière cette insouciance feinte.

— Je me disais aussi, murmure Jonas, plus pour lui-même que pour les autres.

Il n'a jamais vraiment eu le choix, après tout. Depuis que sa carrière a décollé, chaque décision, chaque mouvement semble orchestré pour plaire aux fans, aux médias, aux producteurs. Sa liberté lui échappe un peu plus chaque jour, enfermée dans ce rôle qu'il joue aussi bien sur les plateaux qu'en dehors. Mais qui est-il vraiment, sans tout ça ?

Il se redresse et détache les deux premiers boutons de sa chemise, un geste devenu presque instinctif. Il sait comment jouer avec son image, comment se présenter sous son meilleur jour, celui qui fera chavirer les cœurs et alimentera les fantasmes. Il n'est pas Jonas, il est ce personnage, ce héros torturé que tout le monde adore. Le flic ténébreux, cynique, un peu abîmé par la vie, mais tellement séduisant dans sa vulnérabilité. C'est lui que les fans veulent, pas l'homme derrière le rôle, pas ses failles, pas sa solitude.

Il tourne la tête vers Catherine, qui termine son travail avec délicatesse. Il l'observe un instant, ses joues rougissant légèrement sous son regard, un sourire timide naissant sur ses lèvres. Elle est attentive, méticuleuse, mais aussi discrète. Dans ce monde bruyant, elle est l'une des rares personnes qui ne cherche pas à briller plus fort que lui. Et même si elle ne dit rien, il sent son admiration silencieuse.

Joue-moi, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant