Chapitre 46 - Jonas

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Jonathan reste immobile un instant, sonné par l'impact de ses propres émotions. Le contact fugace de la main de Nelly sur la sienne brûle encore sa peau. Il tente de reprendre son souffle, mais tout en lui se serre, comme si ce geste l'avait vidé de toute son énergie. Ses pensées tourbillonnent. Il ne peut pas la laisser partir comme ça. Pas une seconde fois.

D'un geste impulsif, il frappe du poing sur le bureau, son cœur battant furieusement dans sa poitrine. Il a l'impression que tout se joue à cet instant. S'il ne fait rien, s'il la laisse partir maintenant, il sait qu'il la perdra à jamais. Ce n'est pas une option. Il se précipite hors du bureau, courant presque pour la rattraper. Dans la rue, il la voit. Elle marche d'un pas rapide, presque fuyant, et son cœur se serre encore plus. Il ne peut pas la perdre à nouveau, pas après tout ce qu'ils ont traversé. Alors, il la hèle, sa voix teintée de panique et de désespoir :

— Nelly ! Attends !

Elle se retourne, mais ce n'est pas parce qu'elle en a envie. C'est plutôt un réflexe. Ses yeux sont rougis, trahissant la tristesse et la colère qu'elle tente de masquer. Jonathan sent une vague d'émotion le submerger. Elle le dévisage, et pendant un instant, le regard qu'elle pose sur lui le fait se sentir comme le gamin maladroit qu'il était autrefois. Celui qui rougissait au moindre compliment, qui n'avait jamais su exprimer ce qu'il ressentait correctement. Mais aujourd'hui, ce n'est plus le même. Pourtant, à cet instant précis, il est désarmé, sa confiance s'effondre comme un château de cartes sous le poids du regard noir qu'elle lui lance. Elle semble si fragile, si brisée. Il n'a qu'une envie : la prendre dans ses bras, effacer tout ce qui les sépare, la réconforter, mais il sait que ça ne servirait à rien. Il doit trouver les mots, des mots qui n'ont jamais voulu sortir correctement toutes ces années.

— Je ne t'ai pas abandonnée, finit-il par dire, sa voix se brisant presque sous l'émotion. Il fait un pas vers elle, mais elle recule immédiatement, un geste instinctif, presque protecteur.

Nelly jette un coup d'œil autour d'eux. Ils sont dans ce petit village où tout se sait, où chaque murmure devient un secret partagé par tous, et l'idée que quelqu'un puisse les voir, les entendre, la met mal à l'aise. Elle fait un pas de plus en arrière, son regard fuyant.

— Je ne veux rien savoir, Jonas, murmure-t-elle avec amertume, le nom « Jonas » glissant de ses lèvres comme un coup de poignard. C'est fini. Retourne d'où tu viens.

Ces mots frappent Jonathan comme une gifle. Il reste planté là, le cœur serré, incapable de comprendre comment ils en sont arrivés là. Il a l'impression que le sol se dérobe sous ses pieds.

— Je ne peux pas..., répond-il faiblement, presque dans un souffle.

— Je te libère de ton contrat !, lâche-t-elle, son regard défiant. Il n'y a plus rien à tenir entre nous !

Cinq mois. Ils sont censés travailler ensemble encore cinq mois. Cinq mois qui lui semblent une éternité s'ils continuent ainsi, dans cette guerre froide où les non-dits et les blessures non cicatrisées n'ont jamais été vraiment confrontés.

— Nel, s'il te plaît, implore-t-il, sa voix pleine de détresse. Nous avons encore cinq mois à tenir....

— Plutôt crever !

Et avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, elle s'enfuit en courant, ses pas résonnant sur le pavé, le laissant seul au milieu de la rue. Le silence qui suit est assourdissant. Jonathan reste là, figé, le cœur en miettes, incapable de bouger. Ses paroles résonnent encore dans sa tête, tournant en boucle, jusqu'à ce qu'elles perdent tout sens. Il regarde Nelly s'éloigner, son cœur en miettes, incapable de réagir comme il le voudrait. Il aurait dû courir après elle, la retenir, la prendre dans ses bras, l'emprisonner contre lui et lui murmurer combien elle lui avait manqué. Mais il reste planté là, frappé par l'impuissance, se demandant pourquoi tout est devenu aussi compliqué. Treize ans. Treize longues années se sont écoulées, mais ses sentiments sont toujours aussi brûlants, aussi réels qu'au premier jour.

Joue-moi, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant