Chapitre 37 - Jonas

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Jonas balaye la rue d'un regard fatigué, cherchant désespérément la silhouette familière de Jack, son chauffeur. Il a hâte de quitter cet endroit, de mettre une distance physique entre lui et cette soirée cauchemardesque. Lorsqu'il aperçoit enfin Jack, un soupir de soulagement s'échappe de ses lèvres. Sans un mot, Jack s'avance vers lui, comme s'il ressent instinctivement la lourdeur de l'âme de Jonas.

— Rentrons, murmure Jonas, sa voix trahissant l'épuisement qui pesait sur ses épaules.

Jack, qui n'est pas du genre à commenter la vie privée de son employeur, ne peut s'empêcher de remarquer l'air abattu de Jonas.

— Vous semblez lessivé, hasarde-t-il doucement en ajustant son pas à celui de Jonas.

Jonas laisse échapper un rire amer, sans humour.

— C'est un doux euphémisme pour décrire mon état, répondit-il, ses yeux, d'habitude si perçants, reflétant une fatigue émotionnelle intense. Vous n'imaginez pas le calvaire que je viens de vivre.

Jack hausse un sourcil, intrigué.

— Tant que ça ?

Jonas détourne le regard vers le ciel, où quelques étoiles parviennent à percer le voile de la nuit. Il déglutit difficilement, comme si ses propres pensées l'étouffent.

— Terrifiant, souffle-t-il. Je ne veux pas devenir comme lui.

Ces mots, prononcés à mi-voix, résonnèrent avec une profondeur inattendue. Jack reste silencieux, sentant que son employeur a besoin de cet espace pour se confier, même brièvement. La froideur de Bertrand, son mépris à peine dissimulé pour Nelly, tout cela a déclenché une peur viscérale en Jonas. Et si, lui aussi, devenait cet homme dédaigneux, incapable de reconnaître la valeur d'une femme qu'il prétendait aimer ?

Jack lui lance un regard compatissant.

— Vous auriez pu me demander d'intervenir, dit-il avec un sourire compréhensif. Je suis toujours là pour vous, vous le savez.

Jonas laisse un sourire fatigué effleurer ses lèvres.

— J'ai oublié mon téléphone dans ma chambre, avoue-t-il, presque sur le ton de l'excuse.

— Ah. Jack acquiesce. Effectivement. Je vous promets d'être plus attentif dorénavant.

Sans ajouter un mot de plus, Jonas monte dans la berline.

— À l'hôtel, Jack.

Le chauffeur acquiesce en silence, jetant un coup d'œil furtif dans le rétroviseur.

Dès que Jonas s'installe, il se laisse aller contre l'appui-tête, sentant son corps entier céder à la fatigue. Il ferme les yeux et passe ses mains sur son visage, comme s'il espérait effacer le souvenir de la soirée. Mais les mots de Bertrand résonnent encore dans son esprit, écho glaçant de ses propres peurs.

« Elle pourrait faire des efforts concernant ses attraits. » Comment Bertrand peut-il parler ainsi de Nelly ? Comment peut-il dénigrer cette femme exceptionnelle, son premier amour, avec autant de désinvolture ?

Jonas serre les poings, ses pensées s'emmêlant dans un tourbillon d'indignation et de tristesse. Bertrand reflète tout ce qu'il déteste. L'image même de ce qu'il s'efforce de fuir : la superficialité, l'arrogance, le mépris dissimulé derrière un sourire charmeur. Un frisson d'angoisse le traverse alors. Et si, un jour, il devenait comme lui ? S'il se transformait en cet homme vide, obsédé par des choses futiles, incapable de reconnaître l'amour quand il se présentait à lui ? L'idée même le paralysait. Il ne voulait pas faire souffrir Lola... Mais il ne pouvait plus continuer ainsi. Il devait cesser de lui faire miroiter un avenir qui n'existait pas. Lola n'était pas Nelly. Et elle ne le serait jamais. Cette révélation, bien qu'amère, le frappa de plein fouet. Nelly était la seule. C'était toujours elle, depuis le début. Il a passé des années à essayer de la remplacer, à trouver quelqu'un qui lui ferait oublier ce qu'ils avaient partagé, mais aucune autre femme n'avait réussi à effacer son souvenir. Chaque relation a été un échec, parce qu'il comparait, consciemment ou non, chaque femme à Nelly. Pourquoi avait-il mis tant de temps à comprendre cela ? Pourquoi s'était-il menti aussi longtemps ?

Joue-moi, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant