Chapitre 40

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Samedi soir...

Installé dans le fauteuil de sa chambre d'hôtel, Jonas parcoure lentement les pages que Nelly lui a remises. Chaque mot semble le frapper en plein cœur, chaque phrase réveillant un passé qu'il a soigneusement tenté d'enfouir. Son écriture est sublime, poignante, mais surtout douloureusement familière. Il ne peut nier ce qu'il lit. Ces pages parlent d'eux, de leur histoire, du gouffre béant laissé par leur séparation. Ses doigts tremblent légèrement alors qu'il tourne les feuilles, lisant à voix basse les passages où Nelly évoque ce silence assourdissant, cette absence de nouvelles. Elle parle d'une attente interminable, celle d'un message qui ne vient jamais. À chaque ligne, il ressent le poids de sa solitude, le chagrin d'avoir été oubliée. Nelly décrit la douleur comme une mer déchaînée dans laquelle elle a failli se noyer, et Jonas se revoit, des années plus tôt, errant lui aussi dans ce vide qu'il a cru être le sien seul.

Elle mentionne une amie proche, une confidente, une épaule sur laquelle pleurer et il se sent un instant soulagé. Cette douleur reflète les émotions de Nelly... Ce manque de l'être aimé le concerne, Lui. Il se mord l'intérieur de la joue, hésitant. Pourquoi lui a-t-elle donné ces pages ? Est-ce une manière dérober pour lui avouer qu'elle sait qui il est ? Non. Impossible. Il se surprend à douter. Ces mots reflètent-ils une ultime confession, un pont entre eux, une tentative désespérée de renouer un lien fragile ?

Jonas ferme les yeux un instant, une vague d'émotions le submerge. Il y a tant de choses qu'il n'a jamais osé dire, tant de regrets qu'il a laissé enfouis. Doit-il, maintenant, être honnête avec elle ? Lui dire qu'il a espéré, lui aussi ? Qu'il a guetté chaque jour le facteur, attendant fébrilement une lettre d'elle qui n'arrivait jamais ? Doit-il lui avouer la tristesse qui l'a rongé lorsque, jour après jour, aucune réponse ne venait ?

Il se souvient des premières semaines, lorsqu'il lui écrivait presque chaque jour, plein d'espoir. Et puis le silence. Le silence écrasant, paralysant, qui l'a englouti peu à peu. Il a cru qu'elle l'avait oublié, qu'elle avait tourné la page. Et pourtant, ces pages, ces mots qu'elle lui a remis racontent une tout autre histoire. Elle n'a jamais cessé de penser à lui.

Jonas passe une main sur son visage, ses pensées tourbillonne dans un chaos d'émotions. Que faire lundi, lorsqu'il la croisera ? Lui en parler ? Évoquer avec elle ses propres démons, cette douleur qu'il a portée en silence, comme une plaie béante sous sa peau ? Ou doit-il rester silencieux, comme il l'a toujours été, de peur de rouvrir d'anciennes blessures ? Heureusement, sa passion pour le théâtre, l'a sauvé de lui-même. Il est devenu un autre homme grâce à la scène, grâce aux rôles qui lui permettaient d'échapper à la réalité, de se réinventer. Son travail l'a guéri, en partie. Il a réussi à canaliser son mal-être dans ses personnages, à transformer sa souffrance en art. Mais cela ne fait pas disparaître la douleur. Ce qu'ils ont vécu, ce qu'ils ont partagé... cela reste gravé en lui, comme un tatouage invisible.

Le besoin de la voir, de parler avec elle, grandit de plus en plus fort en lui. Ils doivent avoir cette conversation. Absolument. Mais comment aborder un sujet aussi douloureux, aussi fragile ? Comment trouver les bons mots sans raviver les blessures ? Jonas soupire lourdement, baissant la tête, ses doigts serrant les feuilles entre ses mains. Il est perdu. Perdu dans ses émotions, dans ses souvenirs, dans cette histoire inachevée qui continue de hanter ses jours et ses nuits. Pourtant, il sait qu'il doit se ressaisir. Le destin lui donne une opportunité incroyable et il se doit de la saisir.

Dimanche matin...

Le soleil perce doucement à travers les voilages légers de la fenêtre de la chambre d'hôtel. Jonas, encore à moitié endormi, fronce légèrement les sourcils, se rendant compte qu'il a oublié de fermer les volets la veille. Il se redresse lentement, passant une main dans ses cheveux en bataille, et s'étire longuement, savourant la sensation d'étirer ses muscles encore engourdis par le sommeil. Il se lève ensuite et se dirige vers la salle de bain, laissant le bruit de ses pas rompre le silence paisible de la chambre.

Lorsqu'il revint dans le petit salon attenant à la chambre, l'odeur du café emplit instantanément ses narines. Un plateau de petit déjeuner est déjà posé sur la table basse, avec des croissants dorés, des fruits frais et un jus d'orange pressé qui semble tout droit sorti d'un rêve. Yan, son manager et ami de longue date, est confortablement installé dans un fauteuil, une tasse de café fumante à la main.

— Tiens, salut. Qu'est-ce que tu fais là ? demande Jonas, une pointe de surprise dans la voix.

Yan lève les yeux de sa tasse et lui sourit.

— Je viens voir comment tu te remets, et je suis rassuré. Tu as bonne mine, Jonas. C'est bon de te voir ainsi, répondit Yan avec un sourire sincère.

Jonas hausse les épaules, légèrement gêné par le compliment. Il n'a pas l'habitude que l'on s'inquiète autant pour lui.

— Merci, dit-il simplement.

Yan prend une gorgée de café avant de poser sa tasse sur la table, ses yeux scrutant Jonas avec bienveillance.

— Alors, qu'est-ce que tu as fait de tes week-ends jusqu'ici ? l'interroge son manager, en croisant les bras, l'air curieux.

Jonas hésite. Il sait que Yan peut être persistant lorsqu'il s'agit de savoir si ses clients ou amis prenaient du temps pour eux, surtout après une période difficile.

— Eh bien... du sport, quelques lectures... rien d'extraordinaire, répond-t-il en haussant les épaules, espérant que cela suffirait.

— Et... tu n'es toujours pas allé voir la maison ? poursuit Yan d'une voix douce, mais insistante.

La maison. Celle de ses grands-parents, nichée au cœur de la forêt. Jonas sent un pincement au cœur. Il est en France depuis plus de deux mois, mais l'idée d'y retourner, de confronter les souvenirs d'enfance, de fouler à nouveau ce sol où tant de choses s'est passées, lui parait insurmontable. Il a toujours trouvé une excuse, un prétexte pour repousser l'échéance.

— Non, je... je n'ai pas encore pu, murmura-t-il en baissant la tête, presque honteux.

Yan le rejoint et, dans un geste empreint de douceur, posa une main réconfortante sur l'épaule de Jonas.

— Je t'accompagne, si tu veux, propose-t-il.

Jonas relève les yeux vers son ami, surpris par l'offre. L'idée de ne pas être seul pour affronter ce lieu rempli de souvenirs le rassure soudainement. Un léger sourire se dessine sur ses lèvres, et il hoche la tête.

— Merci, Yan, souffle-t-il.

Joue-moi, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant