Chapitre 4

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La semaine passa, trop vite au goût d'Esther qui avait peur que leur farce ne soit pas prête à temps. Mais tout semblait se passer comme sur des roulettes. Mercredi soir, tout était en place. Il n'y avait plus qu'à attendre. A partir de ce moment, les jours qui avaient semblé s'enchaîner à toute vitesse s'écoulèrent beaucoup, beaucoup plus lentement. Esther bouillonnait d'impatience de voir le résultat vendredi. Bien sûr, elle était aussi anxieuse. Peut-être que ça ne marcherait pas, peut-être qu'il y aurait un problème, un imprévu.... . C'était le risque qu'ils prenaient toujours en faisant leurs farces. Mais c'était aussi ça qui était excitant. Finalement le vendredi arriva. Vers midi, la place du village commençait à se remplir. On voyait certains habitants accoudés sur le rebord de leurs fenêtres pour assister à l'allocution. Une estrade avec un pupitre avaient été installés pour l'occasion. Des soldats étaient disposés tout autour de la foule, sur le pourtour de la place ainsi qu'autour du pupitre où Fischer se tiendrait pour faire son discours. Esther leva les yeux vers le réverbère, en plein centre de l'estrade. Petite déjà, elle le trouvait immense. Mais aujourd'hui, il lui paraissait encore gigantesque. Un géant de fer mais dont la lumière douce et chaleureuse vous faisait l'effet d'un bon feu de cheminée un soir d'hiver. Lorsqu'elle leva les yeux vers la tête de l'objet, elle dû mettre sa main en visière. Le ciel était bleu sans aucun nuage et malgré le vent, le soleil tapait assez fort. Esther avait laissé son manteau à la maison et avait dénoué son écharpe qu'elle portait à la main. Une chance qu'il fasse si beau. Ce serait encore mieux. La jeune fille jeta un coup d'œil autour d'elle et aperçut dans la foule Anne et Madeleine. Anne lui fit un clin d'œil malicieux. Esther la réprimanda du regard tout en se retenant de sourire. Mieux valait restées discrètes pour ne pas attirer les soupçons. Puis le grondement de moteurs la fit se retourner. La Mercedes décapotable de Fischer fit son entrée, suivie d'une jeep. Lorsque que les engins s'approchèrent, quelques ricanements fusèrent en direction de la voiture de Porcinet. Le souvenir du porc dessiné sur le toit était encore inscrit dans les mémoires et le serait encore pour un bon moment. Fischer et Hoffman, accompagnés de Mr. Laurencin descendirent de la Mercedes et quelques sous-officiers de la Jeep. Esther chercha machinalement du regard Paul et Jean mais ne les vit aux côtés de leur père. Elle les aperçut alors, d'ores et déjà placés derrière l'estrade. Les nouveaux venus grimpèrent sur dessus et Fischer vint se placer devant le pupitre.

L'officier entama son discours de sa voix nasillarde. Son accent donnait à ses mots un air ridicule. Il commença par remercier les gens de leur présence puis poursuivit sa tirade par des banalités. Esther n'écoutait que d'une oreille. Elle était à la fois crispée et excitée.

- ... Bientôt, une nouvelle garnison d'Allemands viendra prendre la relève à Rochefort-sur-Mer avec de nouveaux officiers.

L'attention d'Esther fut soudain éveillé par ces mots. Une nouvelle garnison ?

-        Ils prendront quartiers d'ici une semaine. Jusque­-là, l'ordre devra perdurer. Je ne tolérerai ni farces, ni entourloupes, ni aucun canulars de ce genre. D'ailleurs, laissez-moi vous dire que les officiers qui seront bientôt en charge de ce village sont beaucoup moins patients et généreux que moi et Herr Hoffman. Leur réputation les précède. Et si vous les agacez, vous irez saluer le Diable de leur part, je vous le garantie.

Il marqua une pause. Silence de mort. Les gens le regardaient avec perplexité, ne sachant s'ils devaient rire de ces menaces proférées par un être aussi ridicule ou s'inquiéter de ses dires. Puis Fischer se râcla la gorge et éleva à nouveau la voix pour conclure son discours.

-        Ce sera tout, mesdames et messieurs.

Puis il fit un petit signe de tête vers les soldats derrière lui. Ces derniers portaient des instruments : trompettes et tambours. Ils étaient près à entamer leur fanfare habituelle. Hoffman cria :

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