Chapitre 10

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-          Si on vous a fait venir, c'est pour vous proposer quelque chose, dit Paul l'air très sérieux.

Le groupe avait peu l'habitude de le voir arboré une mine grave. Face au silence de ses camarades, Paul poursuivit :

-          On vous propose une vengeance.

-          « On » ? Demanda Madeleine.

-          Jean et moi, précisa Paul.

-          Je suis pour, déclara Anne tu tac au tac.

-          Attends, attends, attends, intervint Esther. Une vengeance ? Quel genre de vengeance ?

-          Cette fois, il ne s'agira pas seulement d'un simple petit canular, expliqua Paul. On va s'en prendre à eux, chez eux.

-          Comment ça ? Demanda Madeleine.

-          On va faire exploser leur réserve de munitions en faisant un joli feu d'artifice.

Le groupe resta muet. Esther se tourna vers Jean.

-          Et t'es d'accord avec ça ?

-          Je ne sais pas... je... j'en sais rien !

Le blondinet se prit la tête entre les mains, à bout de nerfs.

-          Tout ce que je sais, reprit-il la voix pleine de colère, c'est que ces enfoirés ont tué un vieil infirme, un grand-père qui n'avait rien demandé. Ils l'ont tué bordel ! Edgar mérite qu'on le venge. Ces monstres ne doivent pas s'en sortir si facilement.

Devant cet élan de colère, Esther fut assez surprise. Elle n'avait jamais vu Jean perdre son sang-froid et s'emporter autant.

-          Mais quand même, dit Esther. Il y a une différence entre faire de stupides farces et faire exploser un arsenal ! On n'est pas des résistants du maquis !

-          Ils doivent payer !!! S'énerva Paul. Une simple farce ne suffira pas à faire en sorte qu'ils retiennent la leçon !! Enfin Esther, toi qui était proche d'Edgar, tu devrais être la première à nous rejoindre !

-          Ne me dis pas ce que je devrais faire ou non Paul ! Tu n'étais pas là ! Tu ne l'a pas vu mourir sous tes yeux !

La voix d'Esther s'était cassée. Anne passa un bras autour de ses épaules et fusilla Paul du regard. Madeleine avait baissé la tête. Jean semblait mal à l'aise.

-          Moi tout ce que j'ai en tête, reprit Esther d'une voix enrouée, c'est ces images. Je revois en boucle sa mort. Et je ne peux pas m'empêcher de me dire que c'est de ma faute. Si je lui avais pas demandé de...

Mais elle ne put achever sa phrase. Sa voix se cassa. Elle fondit en larmes. Lorsqu'elle parvint enfin à contenir ses sanglots, elle reprit d'une petite voix étranglée :

-           Schmidt a tué un homme juste pour une blague idiote, une vulgaire farce ! Imaginez si on tente quelque chose de plus gros, de plus violent ! Est-ce que la mort d'un seul homme lui suffirait ? Ou ne chercherait-il pas à répondre deux fois, cent fois plus fort ? Cet homme, c'est le diable ! Je refuse d'assister à un autre bain de sang. Je refuse de mettre quiconque en danger pour satisfaire un besoin de vengeance !

-          Mais Edgar aurait certainement approuvé, insista Paul. Il aurait voulu qu'on le venge.

Jean lui donna un petit coup de coude et fronça les sourcils pour lui faire comprendre que ce n'était pas le bon moment pour insister.

-          Peut-être bien, admit Esther, mais malheureusement, il n'est plus là et... plutôt que de faire plaisir à un mort, je préfère protéger les vivants.

« Désolé Edgar », pensa la jeune fille.

-          Je suis d'accord avec Esther, déclara Madeleine. Elle a raison. Ce que tu veux tenter Paul c'est du suicide ! Schmidt... cet homme... ce démon... il est cruel et impitoyable. Il n'hésiterait pas à nous tuer si on tentait quoi que ce soit. Il faudrait peut-être mieux faire profil bas et cesser ces canulars. Ce serait plus raisonnable. Que ça nous serve de leçon.

S'en suivit un long silence. Chacun se recueillit dans une partie de sa tête pour méditer cette conversation. Esther était fermement convaincue qu'elle faisait ce qui était le mieux pour elle, pour ses amis et sa famille. Elle ne voulait pas les mettre en danger. Jamais elle ne se pardonnerait la mort d'Edgar. Elle ne voulait pas en avoir d'autres sur la conscience. Elle savait que Madeleine était de son avis, ce qui la rassurait quelque peu. Anne fit mine d'essuyer une larme, elle avait dû être touchée par ses arguments. Elle se rangerait de leur côté. Jean savait se montrer raisonnable. Il ne s'engagerait probablement pas dans un tel projet. Cependant, celui qui inquiétait le plus la jeune fille n'était pas le cadet des Laurencin mais son frère aîné. Esther savait que Paul était une vraie tête de mule et que lorsqu'il se mettait quelque chose en tête, il y avait très peu d'espoirs pour le faire changer d'avis. Ce crétin serait bien capable de se lancer dans une entreprise aussi dangereuse et grotesque sans prévenir personne. Il se mettrait en danger tout seul. Paul était de ces gens-là. Il avait ce feu dans les yeux : celui de quelqu'un près à mettre sa vie en danger pour défendre une cause.


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