Chapitre 14

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Deux semaines après les funérailles d'Edgar, Esther rentrait des cours aux côtés d'Anne et de Madeleine.

-          Je suis assez soulagée je dois dire, dit Madeleine. Ca fait quelques jours que Paul n'a pas parlé de « vous savez quoi ».

Les filles évitaient de parler trop ouvertement de ce genre de choses en plein milieu des rues. On n'était jamais à l'abri de se faire entendre par les Allemands surtout depuis que les patrouilles s'étaient multipliées avec l'arrivée du nouveau régiment.

-          Ne crie pas victoire trop vite, quelque chose me dit qu'il est loin d'être passé à autre chose, soupira Anne.

Esther était du même avis. D'habitude, il se montrait bien plus insistant. Elle ne croyait pas une seule seconde qu'il ait tourné la page si vite. Elle craignait qu'il tente quelque chose de son côté en embarquant son frère dans ses bêtises. Cependant, elle ne dit rien. Elle n'avait pas ouvert la bouche de tout le trajet. Dans une heure, elle devrait se rendre à la librairie pour aider Eléanore. Cela faisait trois jours qu'elle avait recommencé à travailler là-bas. Elle qui auparavant y allait dès la fin des cours n'était plus aussi pressée et enthousiaste à l'idée de passer la porte de la vieille boutique. Elle ne lui trouvait plus le même charme ni le même attrait qu'auparavant. Elle la voyait telle que tous les habitants du village l'avaient toujours vu : sombre, froide et étouffante. L'endroit lui paraissait désormais repoussant. Même les merveilleux livres qu'il contenait ne suffisaient plus à la réconforter. C'était comme si la librairie ne voulait plus d'elle. Comme si elle la repoussait. Parfois, lorsqu'elle se retrouvait seule, elle craignait à tout moment de voir apparaître le fantôme d'Edgar. A chaque bruit, elle redoutait d'entendre le claquement autrefois familier de sa canne sur les vieilles lattes de parquet noir. Le seul point positif, c'était qu'Eléanore parlait peu. Elle lui posait une question de temps à autre et restait dans son coin à éplucher les relevés de compte de son père. Esther qui avait tant redouté de passer du temps avec elle était assez soualgée.

-          Esther, ça va ? Demanda Madeleine. Tu es bien silencieuse. D'habitude tu es la première à te plaindre de Paul.

-          Très juste, reconnu Esther. Mais à quoi bon me plaindre de lui ? De toute façon, on sait bien que quoi qu'on dise ou qu'on fasse, il n'en fera toujours qu'à sa tête.

-          Oui mais cette fois ça pourrait aussi avoir des conséquences sur nous, insista Madeleine. Ce serait vraiment égoïste de sa part, vous ne trouvez pas ?

Madeleine n'avait pas tort. Mais elles ne pouvaient malheureusement rien y faire. Mais Anne n'avait aucun pouvoir sur son petit ami. C'était ainsi et ça ne pouvait être autrement. Alea jacta est comme on dit !

***

Une fois rentrée chez elle, Esther trouva sa mère affalée dans le canapé, une main sur le front.

-          Maman, est-ce que ça va ?

-          Hein ?

Marie paru tout juste prendre conscience de sa présence.

-          Ah, c'est toi ma chérie. Comment s'est passée ta journée ?

-          Bien, mais toi, tu n'as pas l'air dans ton assiette.

-          J'ai un de ces maux de tête. Je ne suis vraiment pas en forme.

Elle se massa les tempes.

-          Ça m'embête, poursuivit-t-elle. Je devais allée chez les Lefort pour rendre le pantalon que Nicole ma confié. J'ai fini de lui recoudre.

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