15. Confidences

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Avec ces conneries, Adam a raté son train. Le prochain est dans une heure.

– Je suis désolé, dit Thomas. Je savais pas qu'il partait si tôt. Sinon, je me serais pas arrêté.

– C'est bon. Je prendrai celui d'après, comme la semaine dernière. Vas-y.

Thomas regarde la voiture de service sur le parking de la gare, puis Adam.

– Ça te dit de prendre un café ? J'ai le temps avant d'aller récupérer mes gosses.

Adam s'apprête à refuser, par principe, parce qu'il n'a aucune envie de se retrouver en tête à tête avec Thomas, la menace d'un autre fou-rire planant au-dessus d'eux. Mais Thomas a un argument de poids.

– Je te raconterai mon divorce.

La curiosité l'emporte sur la prudence. Ils se dénichent une table dans un coin. La cafétéria de la gare est très fréquentée à cette heure et le brouhaha qui les entoure leur offre une certaine intimité. Personne ne fait attention à eux, personne ne les entend. Ils sont invisibles.

– Le pire, c'est que c'est moi qui ai présenté Jérôme à Laure, dit Thomas en regardant sa tasse. On bossait souvent ensemble, on s'entendait bien, je l'ai invité quelques fois à la maison.

– Tu bossais avec Jérôme ? s'étonne Adam.

– Avant, oui. Il était pas encore directeur de site. Il s'occupait des relations avec les fournisseurs et les sous-traitants. Mon père et moi, on comptait dans les sous-traitants.

– Pour l'installation de leurs appareils ?

– Ouais, et l'entretien aussi. Surtout des adoucisseurs. Mon père a fait ça pendant plus de trente ans. Il m'a embauché après mon BTS et plus tard, je lui ai racheté la boîte.

– Celle que tu as coulée ? Bravo.

Thomas lève les yeux de sa tasse. Sous ses sourcils froncés, ils ont l'air plus sombres que d'habitude.

– Quand je l'ai reprise, il n'y avait que deux salariés et un chiffre d'affaires minable. J'ai tout multiplié par dix. Si Lacourt s'en était pas mêlé, j'aurais poursuivi sur ma lancée.

– Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

– J'ai pas envie d'en parler. C'est une sale histoire.

Adam n'insiste pas. Il avale une gorgée de coca.

– Comment tu fais pour boire ce truc ? demande Thomas.

– C'est mon seul vice.

Thomas sourit.

– Menteur.

Il n'a pas touché à son café. De temps à autre, il le regarde comme s'il voulait s'y noyer. Il reprend, juste assez fort pour qu'Adam l'entende :

– Un soir, un client a annulé son rendez-vous au dernier moment. J'étais sur la route, pas très loin de chez moi. Je suis rentré avec deux heures d'avance. Je croyais faire une surprise.

Adam devine ce qui va suivre. Sa gorge se serre, il repose son verre.

– La voiture de Jérôme était garée dans la cour, la porte d'entrée fermée. Je suis passé par le garage. J'ai pas eu besoin d'aller plus loin, je les entendais du rez-de-chaussée.

– Qu'est-ce que tu as fait ? demande Adam.

La douceur de sa voix le surprend lui-même.

– Je suis retourné dans ma voiture et j'ai attendu.

Une petite histoire de vengeanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant