No time to die tourne à bas régime. Adam regarde le paysage défiler. Des champs et des arbres et encore des champs, un ancien corps de ferme, rien d'autre. Il se rappelle à quel point il a haï ces étendues perdues au milieu de nulle part et comme il est content d'en être parti. Depuis que la voiture a quitté le parking de STL, Thomas et lui n'ont pas échangé le moindre mot. Adam ne supporte plus le silence.
– J'ai vu l'attestation que tu as faite à Lacourt, avoue-t-il.
Thomas coupe la musique.
– Quoi ?
– L'attestation. Celle où tu reconnais...
– Arrête.
Parce que c'est une supplique plus qu'un ordre, Adam s'exécute. Le silence revient, prend ses aises, se répand dans le moindre interstice. Le dernier quart d'heure de voiture paraît ne jamais vouloir finir. Enfin, ils se garent au pied de l'immeuble. Pâle et nerveux, Thomas a des airs de bête aux abois.
– L'attestation... murmure-t-il. C'est Lacourt qui te l'a mise sous le nez ?
– Non. Je l'ai trouvée dans ton dossier.
Ils se regardent et la dernière chose à laquelle Adam s'attendait se produit : Thomas sourit.
– T'as regardé tous les dossiers du personnel ou juste le mien ?
– Juste le tien, reconnaît Adam à mi-voix.
Le sourire de Thomas s'élargit, une fossette creuse sa joue.
– Je suis flatté, dit-il.
Les lèvres d'Adam tressaillent, le passé s'efface. L'espace exigu de la voiture n'est plus si désagréable, même le silence se fait discret. Adam a la brusque envie de se laisser aller contre l'appuie-tête, de demander à Thomas de lui raconter comment ça s'est passé pour lui, après le lycée. Au moment où il va ouvrir la bouche, son téléphone sonne. Le temps de raccrocher au nez de Malika, le charme est rompu. Je ne vais quand même pas tendre la main, songe Adam. Pas après ce qu'il s'est passé. Pas sans excuses.
– J'aimerais comprendre l'histoire entre Lacourt et toi, dit-il d'un ton plus froid qu'il ne l'aurait voulu. Tu pourrais me donner ta version des faits.
– Tu l'as. Je l'ai même datée et signée.
– Ne te fiche pas de moi. Si l'attestation était vraie, Lacourt aurait porté plainte au lieu de te proposer un CDI payé deux fois et demi le SMIC.
Thomas pousse un sifflement appréciateur, comme si Adam était parvenu à trouver la solution à un problème particulièrement complexe. Aucun doute, il se moque de lui.
– Tu m'expliques ? maugrée Adam.
– Petit un, si Lacourt me paye autant, c'est pour le plaisir de m'avoir sous la main et éviter que j'aille voir ailleurs. Rien à voir avec l'attestation.
– Mais...
– Petit deux, ça m'épate que tu connaisses le montant du SMIC. T'es à combien toi ? Sept fois, huit fois ?
– Ce n'est pas la question.
– Bien sûr que si ! Tu débarques ici avec tes costumes Armani et tu prends tes aises dans ton grand bureau en me traitant comme ton larbin. Pourquoi j'accepte ça, à ton avis ? Pour les 3 500 balles !
Adam sort de la voiture et claque la portière. Il se sent comme un boxeur sur le ring après un mauvais coup : amoché, mais apte au combat. Quelques secondes plus tard, Thomas le rejoint, s'appuie contre la voiture et murmure :
VOUS LISEZ
Une petite histoire de vengeance
RomansaLa vie sourit à Adam. Après de brillantes études, il a grimpé les échelons d'une grosse société cotée en bourse. Directeur stratégique respecté et écouté, il fait la pluie et le beau temps autour de lui. Thomas est moins chanceux. L'entreprise qu'il...