Un surnom

938 33 12
                                    


Dans la chambre des garçons, l'ambiance était paisible. Pierre était allongé sur son lit, bras croisés derrière la tête, jetant de temps à autre un coup d'œil à Helena et Candice qui étaient debout à quelques pas de lui. Les trois amis discutaient de tout et de rien, leur conversation prenant la tournure habituelle de taquineries bon enfant.


C'est alors que la discussion dévia sur un sujet qu'il adorait : le surnom qu'il avait donné à Helena au début de l'aventure. Il avait toujours aimé la taquiner, et "Aigrina" était né de ces moments où elle s'agaçait, un peu trop facilement parfois, selon lui. « T'es le seul ici qui m'appelle encore Aigrina. C'est fini ce temps-là, je t'explique. C'est dépassé. » Elle haussa un sourcil, un léger sourire au coin des lèvres, défiant Pierre de continuer avec son vieux surnom.

Pierre, sans même bouger de sa position confortable sur le lit, ne put s'empêcher de sourire. Il tourna la tête vers elle, ses yeux pétillants de malice. « T'es encore aigri, ma belle. »

Helena leva les yeux au ciel, en riant légèrement. « Non, jamais, » répondit-elle, même si elle savait que Pierre ne la lâcherait pas si facilement.

Les deux filles commencèrent à se diriger vers la porte. Mais Pierre, qui n'était visiblement pas prêt à les laisser partir si vite, se redressa légèrement, posant ses yeux sur elle. « Je t'appelle ma belle souvent. »

Helena s'arrêta devant la porte et se tourna vers Pierre avec un petit sourire. « C'est vrai, » admit-elle.

« Je suis le seul à faire ça ou pas ? » demanda-t-il, un brin de curiosité dans la voix.

Helena hésita un instant, faisant mine de réfléchir, bien qu'elle savait très bien que Pierre était le seul à l'appeler ainsi. Elle aimait ce surnom, bien plus qu'elle ne l'admettait, mais elle n'allait certainement pas le lui dire si facilement. « Ma belle ? Euh... je sais pas. » répondit-elle avec un sourire en coin.

Elle se souvenait encore de la première fois qu'il lui avait donné ce surnom. Ça l'avait surprise, peut-être même un peu troublée, mais elle s'y était rapidement attachée. Elle n'avait jamais osé lui dire que ça lui plaisait.

Pierre, voyant à travers sa fausse hésitation, afficha un sourire satisfait. « Si tu sais pas, ça veut dire que oui. »

Ce surnom lui avait échappé la première fois, et il avait craint de l'avoir mit mal à l'aise. Mais lorsqu'il avait vu la teinte rouge qui s'était emparée de ses joues ce jour-là et le petit sourire qu'elle avait essayé de cacher, il avait su qu'il pouvait continuer. Savoir qu'il était le seul à l'appeler comme ça le réchauffait d'une certaine manière.

Candice, qui jusque-là observait la scène en silence, décida de s'inviter dans la conversation avec un sourire amusé. « Tu m'appelles ma biche. »

Helena se tourna vers elle. « Oui, c'est vrai de ouf ! » dit-elle en hochant la tête. « Tu sais pourquoi je t'appelle ma biche ? »

Candice secoua la tête, curieuse. « Non, pourquoi ? »

« Parce que j'appelle ma meilleure amie ma biche. Et je sais pas, tu m'inspires la même vibe qu'elle, » répondit Helena avec un sourire affectueux.

Alors que les filles étaient plongées dans leur propre petite conversation, elles semblaient avoir momentanément oublié la présence de Pierre, toujours allongé sur son lit. Il se tourna légèrement vers elles pour s'incruster à nouveau dans la discussion. « Et moi, tu m'appelles comment parce que je t'inspire quoi ? » demanda-t-il avec un sourire taquin.

Helena, sans hésiter une seconde, répondit d'un ton désinvolte : « Je t'appelle Pierre. »

Il haussa les sourcils, simulant la déception. « Ah. »

Helena éclata de rire devant sa réaction. La réponse, simple et directe, l'avait amusée.

« Pas trop d'inspi, à ce que je vois, » murmura Pierre en secouant la tête, un léger sourire aux lèvres, même s'il essayait de cacher une petite pointe de déception.

Helena secoua la tête, le sourire aux lèvres. « Je t'ai jamais appelé autrement que Pierre... ou Pierrot. »

Pierre lâcha un petit rire, essayant de cacher sa déception sous l'humour. « Ouais, bah... c'est super amical tout ça, dis donc. », répondit-il, un brin ironique.

Voyant qu'il jouait les vexés, elle tenta un « Petit Pierre. » pour le taquiner davantage

À ces mots, Pierre éclata de rire, incapable de maintenir son air faussement vexé.

Helena s'était installée sur le lit de Julien, juste devant la porte, tandis que Candice s'était adossée contre le mur à côté. Pierre profita de l'arrivée de Julien dans la pièce.

Avec une curiosité apparente, il lança la question d'un ton presque innocent : « Et Julien, tu l'appelles comment ? »

Helena ne prit même pas le temps de réfléchir. Elle sourit et répondit naturellement : « Mon Ju. »

Cette réponse fit tiquer Pierre. Il redressa légèrement la tête sur son oreiller et répliqua, faussement indigné : « Ah oui, lui il a le mon ! »

Helena, prise au dépourvu, tourna la tête vers Julien. « Hein, c'est vrai ? »

Julien hocha la tête, un sourire amusé aux lèvres. « C'est vrai. »

Helena reprit : « Je t'appelle souvent comme ça. »

Pierre essaya de garder un ton léger, mais il ne put s'empêcher de ressentir un petit pincement au cœur. « Lui, il a le mon Ju et moi j'ai juste le Pierre. Je le prends un peu mal. »

Même s'il savait qu'il était plus proche d'Helena que Julien ne l'était, le fait qu'elle ajoute un petit "mon" affectif à Julien le piquait légèrement au cœur.

« Parfois, tu l'appelles Pierrot, non ? », ajouta Candice.

Helena hocha la tête. « Parfois, ouais. »

Pierre fit semblant de soupirer, prenant un air exagérément triste. « Super... »

Helena, amusée par la tournure que prenait la discussion, lui demanda : « Tu veux que je t'appelle comment ? »

C'est à ce moment-là que Julien, toujours debout à côté des filles, se rapprocha de Pierre pour lui taper la main avec un large sourire. « Toi, t'es mon Baloo ! »

Pierre éclata de rire, soulagé d'entendre enfin un surnom affectif. « Ah ! Enfin un surnom un peu affectif ! »

Helena, observant la scène avec amusement, ajouta : « Y'a personne qui te donne de surnom affectif, en fait, ici. Alors que tout le monde en a. »

Pierre fit semblant d'être profondément affecté, se tournant dans son lit pour faire dos à la porte et aux filles. « Je le prends très mal, » annonça-t-il, d'un ton faussement dramatique.

Helena, un sourire attendri sur le visage. « Oh, Pierrot... » dit-elle d'un ton doux, tentant de le réconforter.

Entre-temps, Julien avait quitté la pièce pour retourner à la salle de bain, laissant Pierre, Helena et Candice seuls. Candice, qui avait bien remarqué que Pierre, malgré ses airs moqueurs, était vraiment un peu vexé, tenta de détendre l'atmosphère avec un sourire taquin.

« Il est jaloux, oh non, il pleure ! » plaisanta-t-elle en se penchant un peu vers Helena.

Helena, éclatant de rire, rétorqua : « Je t'adore Candice, je veux que tu sois comme ça tous les jours. »

Candice quitta la pièce, laissant Helena et Pierre seuls dans la chambre. Helena, se leva du lit de Julien pour rejoindre Pierre, toujours allongé sur son propre lit, la tête cachée dans l'oreiller.

« Pierrot, » murmura-t-elle doucement en s'approchant de lui.

Sans lever la tête, Pierre marmonna, la voix légèrement étouffée par le coussin. « Je suis pas affectif. »

Arrivée à son niveau, Helena s'allongea à moitié sur son dos, passant un bras autour de sa taille dans une étreinte douce et réconfortante. Pierre, le visage toujours enfoui dans l'oreiller, grommelait, mais ne bougeait pas.

« Pierrot... » répéta-t-elle, plus proche de son oreille cette fois.

Pierre, toujours caché sous son oreiller, finit par lui répondre. « Je suis triste, personne ne m'aime ici. »

Helena sentait la fausse tristesse dans sa voix, mais elle savait aussi qu'il y avait une petite part de vérité dans ce qu'il disait. Elle sourit contre son dos. « Tu veux que je t'appelle comment ? »

Pierre haussa les épaules sous son oreiller. « Je sais pas. »

Helena réfléchit un instant, avant de demander, toujours allongée sur lui : « C'est quoi tes surnoms ? »

« J'en ai pas. » avoua Pierre d'une voix à peine audible. « Personne me trouve de surnom. »

Le ton légèrement mélancolique de Pierre fit sourire Helena, mais aussi rire doucement. Il avait cette manière de mêler humour et sincérité qui rendait le moment touchant.

« Tes amis, ils t'appellent comment ? » demanda-t-elle, cherchant peut-être un détail qu'il aurait omis.

« Ils m'appellent pas. » répondit feignant de pleurer.

Helena éclata de rire. « Même pas un ? »

« Non, » répondit-il en secouant la tête. « Je suis dégouté. »

Helena se redressa pour s'asseoir au bord du lit, et laisser Pierre se retourner sur le dos. Elle ne brisa pas complètement le contact entre eux et laissa son bras reposer sur la taille de Pierre, comme un geste instinctif de réconfort.

« Tout le monde s'appelle ma puce ou un truc mignon, et moi c'est juste Pierre. Trouve-moi un surnom, » demanda-t-il d'un ton mi-sérieux, mi-amusé.

Helena haussa les épaules, réfléchissant à sa demande. « Mais en fait, c'est instinctif, et y'a rien qui me vient... »

Elle resta silencieuse un instant, son regard perdu dans ses pensées. « Mais y'a pas moyen de faire un surnom avec Pierre... »

Elle laissa sa phrase en suspens, comme si elle cherchait vraiment une solution à ce petit problème.

Helena voyait bien que Pierre faisait semblant d'être vexé, mais elle savait qu'il cherchait simplement un peu plus d'attention, un geste qui lui montrerait qu'elle se souciait de lui.

« Caillou, mon caillou, » lança-t-elle avec un sourire malicieux, espérant le faire sourire.

Pierre leva les yeux au ciel, exaspéré par ce surnom ridicule. « Si c'est pour avoir un surnom comme ça, autant rester sur Pierre. »

Helena ne put s'empêcher de rire. « Attends, le premier surnom que tu m'as donné, c'était Aigrina. Alors bon, tu peux pas te plaindre. »

Ne voulant pas admettre qu'elle avait raison, Pierre répliqua : « Ouais, mais c'était pas pareil. »

« Bah ! Qu'est-ce que tu veux alors ? Je t'appelle Pierrot parfois, c'est mignon, non ? »

« Ouais, mais ça reste juste... Pierrot, quoi, » marmonna Pierre, visiblement encore piqué. Ce qui le gênait vraiment, c'était ce « mon » qu'Helena réservait à Julien alors qu'il était moins proche d'elle. Lui, il restait « Pierre ». Rien de plus.

Il jeta un coup d'œil à Helena avant d'ajouter : « J'ai du mal à digérer que Julien ait le droit au mon. », avoua-t-il.

Helena hésita un instant, se mordillant la lèvre. « C'est pas pareil, Pierre. »

Intrigué, Pierre la fixa du regard, sentant qu'il venait de toucher quelque chose de plus profond. « Ah ouais ? Qu'est-ce qui est différent ? »

Helena hésita. Son regard se fit fuyant, et elle se mordilla la lèvre, signe qu'elle réfléchissait à sa réponse. « C'est... c'est une autre dynamique, c'est tout. »

Intrigué par sa réponse, Pierre fronça les sourcils. « Ah ouais ? Une autre dynamique ? C'est-à-dire ? »

Embarrassée, Helena détourna les yeux, essayant de masquer son malaise avec un rire nerveux. « T'es chiant, Pierre, » dit-elle en riant pour éviter de répondre.

Pierre la scrutait attentivement. Il savait qu'il avait tapé juste et que quelque chose se cachait derrière ces mots. Se redressant, il s'appuya contre le mur, ses yeux toujours fixés sur elle. « Pourquoi t'arrives pas à me donner un surnom ? » demanda-t-il, cette fois avec plus de sérieux, sentant qu'il y avait quelque chose de plus profond.

Helena soupira, comprenant que Pierre ne lâcherait pas l'affaire. Elle réfléchit un instant. Au fond d'elle, elle savait très bien pourquoi elle ne lui donnait pas de surnom. Depuis quelque temps, ses sentiments pour Pierre avaient évolué, passant de simples amis à quelque chose qui allait bien au-delà de l'amitié. Elle s'était interdit de trop y penser pour éviter de mettre des mots sur ce qu'elle ressentait. Lui donner un surnom lui semblait trop intime, trop révélateur. Avec les autres, c'était simple, léger. Mais avec Pierre, tout semblait plus compliqué, plus chargé de sens.

Face à ses propres hésitations, elle savait que mentir serait inutile. Il la connaissait trop bien, il lisait en elle comme dans un livre ouvert, surtout lorsqu'elle essayait de cacher quelque chose.

« Ce n'est pas un surnom qui détermine une relation, tu sais, » tenta-t-elle de dire, espérant clore la discussion. « Ce n'est pas parce que tu n'en as pas que tu es moins important pour moi que quelqu'un d'autre. »

Pierre fronça légèrement les sourcils en entendant son ton hésitant. Il la regarda, pas totalement convaincu. Juste au moment où il s'apprêtait à répondre, la porte s'ouvrit. Julien, Djebril, Axel, Lénie et Candice entrèrent dans la chambre, remplissant immédiatement l'espace de rires et de conversations bruyantes.

Voyant sa chance d'échapper à la conversation, Helena se leva rapidement, en profitant pour s'éclipser. « Je vais prendre ma douche, » annonça-t-elle en direction de tout le monde, avant de quitter la pièce presque précipitamment, laissant Pierre pensif et un peu perplexe, toujours pas convaincu par ses explications.

Sous l'eau chaude qui coulait sur son corps, Helena ferma les yeux, essayant de se perdre dans la chaleur réconfortante. C'était un des rares moments où elle pouvait être seule, à l'abri des caméras, des regards. Et surtout, à l'abri de Pierre. Cette douche lui offrait un moment de répit dans une journée où ses pensées n'avaient cessé de tourbillonner.

Elle soupira longuement, se passant les mains sur le visage, tentant de se détendre, mais son esprit ne cessait de revenir à Pierre. Pourquoi est-ce qu'il insiste autant sur ce surnom ? Pourquoi aujourd'hui, maintenant ? Elle savait bien que cette histoire de surnom le travaillait. Et elle avait vu dans ses yeux que sa voix hésitante n'était pas passée inaperçue. Elle savait aussi que Pierre était du genre à ne pas laisser tomber. S'il sentait qu'elle lui cachait quelque chose, il ne lâcherait pas l'affaire avant d'obtenir une réponse.

Elle laissa échapper un autre soupir. Qu'est-ce que je vais lui dire ? Elle se repassait en boucle la conversation dans sa tête. Elle aurait dû trouver un moyen de changer de sujet, de lui répondre quelque chose qui ne susciterait pas plus de questions. Mais sur le moment, elle avait été prise au dépourvu. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il pousse aussi loin. Ce qu'elle craignait maintenant, c'était que la vérité lui échappe sans qu'elle ne s'en rende compte.

One Shot - PierrinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant